La loi DADVSI est (plus que jamais) une belle arnaque.
On peut avoir son opinion en ce qui concerne le téléchargement et le statut à lui accorder. En revanche, avec l’amendement qui a été voté, je ne vois que Michel S. (chanteur populaire aux chansons pourraves et souvent réactionnaires) pour se satisfaire de ce que vient de sortir la majorité UMP (même si, honneur à eux, des députés UMP ont encore souhaité ne pas s’aligner). Explication, chez Libé :
“la loi sur le droit d’auteur qui agite actuellement les nuits de l’Assemblée, a connu hier une nouvelle illustration avec le vote de l’amendement 150 rebaptisé «Vivendi-Universal» sur les sites P2P. Soutenue par les majors, cette disposition très controversée, y compris au sein de la majorité, punit de trois ans d’emprisonnement et 300 000 d’euros d’amende le fait de mettre «sciemment» à disposition du public un logiciel permettant le téléchargement illégal «d’oeuvres ou d’objets protégées». Il est inspiré par l’arrêt de la Cour suprême américaine qui a mis hors-la-loi Grokster, le logiciel de P2P. L’opposition s’est opposée en vain à ce dispositif qui entraînera, selon elle la fin du développement des sites peer-to-peer en France. «Je suis effondrée, c’est un jour noir pour le logiciel libre», a déclaré la députée verte Martine Billard tandis que le socialiste Patrick Bloche craint «l’expatriation de nos inventeurs».”
“Il consacre l’abandon du principe de neutralité des logiciels : seuls ses usages illicites pouvaient être réprimés en faisant porter la responsabilité sur les internautes. Une véritable épée de Damoclès pour les créateurs de ces nouveaux moyens d’échange”, poursuit l’article.
Tout est dit, je crois. En comparaison, cela reviendrait à interdir les IRM puisqu’on peut tuer des gens avec le nucléaire.
Le caractère illicite du logiciel sera déterminé par le juge (qui devra déterminer s’il est “manifeste” que le logiciel était destiné à du “piratage”). Il faudra donc que le concepteur passe autant de temps à écrire un programme performant que capable de montrer qu’il ne sert pas à enfreindre la loi. Ce qui, on en conviendra, devrait représenter un coût (d’opportunité, puisque ce sont des logiciels libres ou gratuits) assez remarquable. Du côté des téléchargements, il ne vous aura pas échappé que la loi change son fusil d’épaule : 38 € d’amende pour un téléchargement illégal ; 150 € pour mise à disposition illégale (quid en cas de récidive ?). Pas besoin d’être un grand Gary Becker pour comprendre ce que cela représente en termes d’incitations ! Il n’y a qu’à voir le nombre de conducteurs qui dépassent les limitations de vitesse, se garent en vrac etc. pour comprendre que ce sera là bien peu dissuasif. Hypothèse spéculative : ça facilitera peut-être même les trafics. A amende nulle pour tous, tout le monde est disposé à partager des fichiers et en télécharger (sauf ma grand-mère, mais c’est une autre histoire) gratuitement. Avec la nouvelle loi, celui qui veut télécharger est faiblement incité à ne pas le faire. Celui qui veut massivement mettre à disposition prend quelques risques, mais facilement compensés. Compensés, soit par la satisfaction intrinsèque de participer au partage ; soit pour des raisons financières, parce qu’il tire des revenus de son activité, l’amende n’étant qu’une charge incertaine qu’il suffirait de “provisionner”. L’interdiction de pratiques demandées conduit toujours à des marchés noirs. C’est vrai pour la drogue, pourquoi serait-de différent pour le téléchargement ? La comparaison n’a pas vocation à créer un parallèle normatif à mal interpréter, mais fonctionnellement, il me semble parlant. Bref… Sous quelle forme, les “trafiquants” tireraient-ils leurs revenus ? Aucune idée ! Contrairement à Donnedieu et ses amis, je ne crois pas que le monde sera toujours ce qu’il a été. Et dans le domaine informatique, j’ignore ce qu’il sera. L’outil qui servirait à organiser une activité lucrative n’existe probablement pas encore (et rien ne dit qu’il existera)…
L’autre gros problème, c’est le procédé technique de contrôle des contrevenants. Pour beaucoup, il ne semble pas aller de soi. Comme le fait remarquer un député PS, pour que le contrôle soit viable, il faut une répression massive. Par quels moyens ? Quelle “police du net et de la culture” prendra en charge le dossier ? En termes de politique publique, j’aimerais une analyse coût-bénéfice. Je crois qu’on a le droit de la réclamer (oups, désolé, c’est vrai, on est en France où, par principe, la dépense publique est supposée “partout et toujours bonne”…). Si chaque internaute attrapé paie 38€ d’amende, combien d’internautes faut-il attraper en une journée pour justifier l’affectation d’un policier à cette tâche ? Evidemment, ne pas oublier d’ajouter à cela le coût d’opportunité de l’emploi de ce policier ; à savoir le fait que pendant ce temps-là, il ne peut pas protéger d’autres droits (plus fondamentaux ?). Bref, de ce point de vue là aussi, il y a à redire.
Initialement, j’avais envie de dire que cette loi ne satisfaisait personne (pas de rééquilibrage ni de clarification du problème). Or, c’est inexact. Telle quelle, interdisant le téléchargement, limitant rigoureusement la copie privée et le contournement des protections, l’interdisant (autre volet que j’ai peu évoqué ici, mais fondamental) et rendant de fait illicite la réalisation de logiciels de P2P, elle satisfait pleinement les revendications des producteurs de contenus, tout en bousillant un usage que j’ai, comme d’autres, la naïveté de penser comme une pratique fondamentalement porteuse de productivité et bien-être (au sens économique comme au sens commun). Car si le chargement de musique et de films protégés par le droit d’auteur est un avatar du P2P, on peut espérer qu’il se propage à l’avenir pour tous les documents numériques que les gens peuvent avoir intérêt à partager. La chance d’avoir la musique et les films, c’est que cela crée une familiarité avec la technique. D’ici quelques années, tout le monde ou presque pourra avoir le réflexe de partage de ce type (de la même façon qu’on partage déjà des idées et des vécus via les blogs). Enfin, ça, c’était les choses vues avant la loi DADVSI.
Ce qui est spectaculaire quand on y songe, c’est de voir que celui qui donnera la possibilité à son voisin de contourner une mesure de protection et de faire une copie (de sauvegarde) de son DVD (à lui, acheté avec ses propres sous), risque au fond plus que son voisin téléchargeant ledit DVD. J’ai lu quelque part sur un forum que cette loi était la porte ouverte au téléchargement “sauvage”. On voit un peu pourquoi. Enfin, quoi qu’il en soit… le Cadre de Pulvérisation des Echanges, CPE de Donnedieu, est presque en place.
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Il est vraiment dommage, et il est surtout dangereux, de la démocratie se soit fait noyauté de cette manière par les lobbys. L eprojet de loi sur les DADVSI et à l’image du CPE comme vous l’avez fait remarquer: il s’entête, se refuse au débats et en devient anti-démocratique (lorsque le projet a été représenté devant le parlement avec la suppression des amendements votés fin décembre). Même le présidnet de l’asemblé à eu des mots pour le monistre de la culture : http://www.ratiatum.com/news2947...
Ce qui pour ma part me chagrine les plus c’est le fait avéré que le volet promotion que constitue le P2P ait totalement était balayée par les grands groupes média dans cette affaire. Alors que la hausse de fréquentations des sales de concerts est principalement dûe à la promotion fournie par le P2P, mais les "majors" ne touche qu’indirectement sur les concerts, à l’exeption de quelques grands groupes qui on créer des société afin de de se partager les bénéfices du merchandasing et des concerts. Il étonnant de voir un tel entêtement de la par de ces sociétés alors que le principaux canaux de diffusions ( radio, TV, clips,…) sont en perte de vitesse auprès des 18-25 ans. À l’inverse indépendant ont vu leurs profis augmenter dans une certaine mesure.
La question que je me pose à présent quel impact cela va avoir sur le téléchargement "légal", qui soit dit en passans est produit de mondre qualité que le mp3 landa trouvé sur le p2p, à cause des DRM et de la qulité sonore égale…
Sarc.
Un aspect intéressant néanmoins, l’obligation d’interopérabilité pour les téléchargement payant, dont l’effet peut être assez important. Voir cet article cité par Mark Thoma :
economistsview.typepad.co…