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Avez-vous entendu parlé du livre de Thomas Piketty sur les inégalités ? Oh, ça va, on rigole, quoi… Bon, donc, la première salve “apparemment” sérieuse est partie de Chris Giles, du Financial Times.

Bon, je vous la fais courte sur l’affaire. Chris Giles, à partir de statistiques britanniques a émis l’hypothèse que les données de Piketty seraient fausses, voire intentionnellement manipulées, concernant les inégalités de richesse en Grande Bretagne. Piketty a répondu, d’abord en s’énervant des procédés du FT (quand un journaliste rencontre un économiste, le temps ne s’écoule pas de la même façon), puis plus posément. D’autres ont même dit que Giles se basait sur des statistiques non homologuées par leurs propres auteurs. Et Giles est un peu en train de passer pour un con (sauf qu’il a vendu des tonnes de FT et buzzé comme un dingue).

Alors, vous allez dire que je suis pro-Piketty, puisque dans le débat, il faut choisir son camp. Ce n’est pas le cas. J’ai un point de vue sur le sujet qui est d’une simplicité qu’un enfant de dix ans pourrait comprendre.

Que les travaux de Piketty soient incontestables ou pas, ils viennent de loin. 15 ans de recherche, avec des articles intermédiaires évalués et critiqués jusqu’à un certain point. Alors, c’est facile : soit, vous considérez que Piketty est un pitre absolu, soit vous considérez qu’il faudra un peu plus de temps pour démolir l’édifice, s’il mérite de l’être.

En d’autres termes, le travail de Chris Giles est normal, mais il faudrait vraiment considérer que Piketty est un usurpateur complet pour espérer que son livre soit aussi facilement démonté, en quelques semaines. Il faudra encore du temps pour vraiment voir si Piketty a exagéré dans la construction de ses données, s’arrangeant avec elles en toute scientificité du moment (ne vous en faites pas, un nombre incalculable de types et de gonzesses sont en train de bosser là dessus, mais ils considèrent qu’il faut prendre le temps nécessaire pour servir la recherche, à un rythme humain, puisqu’ils ont démarré quelques années après Piketty…). Il faudra encore du recul pour juger de la validité de ses analyses. Pour le moment, seules ses préconisations sont facilement discutables. Pour le reste, la science avance. Merci à lui.

Hélas, comme le note Krugman (pro-Piketty à fond) à propos du buzz du FT et du démenti gentiment en cours sur sa validité :

“This should really settle the issue, but of course it won’t. Inequality deniers will pick up on the FT’s bad critique, and it will become part of what they “know” to be true.”

Eh oui, Paul, on est d’accord. Il en reste toujours quelque chose.

Un peu de musique pour finir.

6 Commentaires

  1. je crois que pitre est le bon terem, mais c’est une profession de pitre très politisé.

    Nassim nicholas taleb a pas mal levé d’erreurs de fond.
    les extrèmes sont des indicateurs très instables.
    Piketty, dans le délire francais d’origine marxiste 19e siècle, imagine que les 1% sont une polupation stable.

    c’est le bordel, et pas assez en fait.
    il faudrait que ca change plus demande Taleb.

    le problème c’est pa sles riches, c’est que trop le restent. mais pas tant que ca.

    en plus il ne fait pas oublique que la mauvreté a été divisée par 5 depuis peu de temps.

    j’avais vu une évolution de la courbe de richess (nextbigfuture) qui était avant avec deux bosses (société type féodale) et qui est devenu une bosse asymétrique avec un fat tail riche…

    • Si tous les pitres du monde étaient des Piketty, ce serait un endroit bien plus riche.

  2. Si Piketty a réellement (et malhonnêtement ?) trafiqué les données (ou les calculs) comme l’avance Giles, ce sont surtout les referees qui ont vu les papiers sur leurs bureaux qui passent pour des pitres …

    Stéphane Ménia met le doigt sur un point. Des dizaines de chercheurs ont bossé sur lesdites données ces dernières années et le père Thomas reprend certains des travaux dans son livre. Le risque d’erreur, bien qu’existant reste faible. De plus, justement, le système de revue à comité de lecture, bien qu’imparfait, est justement fait pour éviter ce genre de couacs (et en ça, on est loin de l’affaire Reinhardt et Roggoff puisque eux reprenaient des travaux publiés dans le NBER dans lequel on publie sans comité de lecture …) ..

    Quand bien même, il semblerait que les erreurs pointées par Giles ne changent que peu la majorité des conclusions. Et au vu du nombre d’articles (en France notamment) traitant de “l’erreur Piketty”, j’ai envie de dire que le marketing journalistique gagne sur son propre terrain en créant ce buzz

  3. Moi je n’aime pas beaucoup cette histoire et la façon dont Piketty et Krugman l’ont gérée, pour plusieurs raisons :
    – D’abord j’aime bien le FT, c’est un journal assez intelligent, avec des columnists de grande qualité, très loin du stéréotype de journal ultra-libéral que propagent ceux qui ne le lisent pas. J’y avais d’ailleurs lu pas mal de points-de-vue intéressants sur la montée des inégalités avant la sortie du bouquin de notre French superstar.
    – Ensuite, Chris Giles s’est quand même tapé de décortiquer les fichiers de Piketty, de les comparer avec d’autres études, de détailler toutes ses remarques, etc : si tous les mauvais journalistes du monde s’astreignaient à cet exercice, et si tous les buzz médiatiques se faisaient sur des querelles statistiques aussi documentées, ben ce serait pas mal le panard sur cette Terre je trouve.
    – Enfin, la réaction des pro-Piketty me semble très aggressive : après des concerts de louanges de gens dont une bonne partie ont dû à peine feuilleter le bouquin, voilà qu’ils ruent dans les brancards à la première critique un peu fouillée. Et avec des arguments “qu’un enfant de dix ans pourrait comprendre” en ce qui vous concerne, à savoir un pur argument d’autorité : “t’as pas le droit de critiquer ce travail en 15 jours vu qu’il a mis 15 ans à l’écrire” – drôle de raisonnement de la part de quelqu’un qui tient un blog où il ne se prive pas trop de dézinguer à tout va (et c’est aussi pour ça qu’on l’aime). Et par ailleurs, je ne suis pas certain que la réaction initiale de Piketty (“le FT est malhonnête”) ait vraiment contribué à réduire le “buzz” en question…

    Au final, je trouve que ces réactions donnent une image sectaire de gens comme Piketty (qui se rattrappe avec sa réponse détaillée) et Krugman. “Inequality deniers will pick up on the FT’s bad critique”, ok, mais est-ce que du coup tout le monde doit fermer sa gueule ? Nos ennemis sont-ils ceux qui fouillent dans les détails, fût-ce avec un biais personnel, ou ceux qui balancent mensonges et arguments simplistes à longueur de médias pour parvenir à leurs fins ?

    • Mon argument n’était pas d’autorité. Mais vous pensez ce que vous voulez. J’ajoute que dézinguer Le Boucher ou Attali, ce n’est pas remettre en cause 15 ans de travail de recherche.

  4. Commentaire semi-HS: Je pensai que la couverture était votre œuvre jusqu’à ce que je la vois ailleurs sur le web…
    Ce qui me fait dire que j’accueillerai avec une grande joie le retour des “collages” en illustration de vos articles 🙂

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