L’hétérodoxie sans peine

L’économie est en crise. Aucun économiste n’a prévu la crise récente, contrairement aux anthropologues. Les modèles des économistes se sont révélés totalement inadaptés pour réagir à la crise. C’est normal : ces modèles sont faux, fondés sur un paradigme néoclassique totalement inadapté. Les économistes utilisent ces modèles depuis environ un siècle et n’ont pas fait leur révolution copernicienne, qui les conduirait à adopter une réflexion comme la biologie avec Darwin, la physique avec Galilée, la psychologie avec Freud et la sociologie avec Michel Maffesoli.

Le paradigme néoclassique conduit les économistes dans l’impasse car il suppose que les individus sont rationnels. Or nous savons tous que ce n’est pas le cas. L’hyperrationalité supposée par les modèles économiques néoclassiques est inhumaine et n’existe pas. On se demande même comment les économistes ont pu croire une chose pareille. L’autre point noir de l’économie est de croire à une croissance infinie, alors que les ressources naturelles sont finies, et que chacun sait que la croissance a commencé et finira avec le pétrole.

Les économistes prétendent que l’économie est une science, mais c’est une supercherie. D’ailleurs, vous ne le saviez certainement pas, mais le prix “Nobel” d’économie n’est pas un vrai prix Nobel, parce que l’argent est versé par la Banque de Suède. Cela prouve bien que l’économie, contrairement à la littérature, n’est pas une science.

Pas étonnant dès lors que l’économie n’ait pas prédit la crise, et ait été incapable de fournir les outils pour y réagir. Seule une approche historique, authentiquement scientifique, qui revienne aux sources de la pensée économique aristotélicienne et englobe avec elle tous les apports des penseurs sur l’économie qui ont été jetés sur le pavé par l’économie orthodoxe. Les prétendues “lois de l’économie” doivent être entièrement refondées. L’existence des entreprises du luxe, très rentables en vendant très cher, montre l’absurdité de ces théories pour lesquelles plus le prix est bas, plus la demande est élevée.

Ces paradoxes, avec d’autres, conduisent le paradigme néoclassique dominant dans une impasse : il est de plus en plus contesté, dans ses derniers retranchements, et vit depuis un siècle ses dernières heures.Une “révolution scientifique” au sens de Kuhn, se prépare. Quelles seraient les composantes d’une économie réellement humaine et scientifique?

Elle devrait inclure les dimensions politiques, historiques, sociologiques, anthropologiques, gestionnaires, psychologiques, en bref, être une véritable science pluridisciplinaire, comme les sciences de l’éducation. Contrairement au monde enchanté des modèles néoclassiques, le monde réel est constitué de riches et de pauvres, et les riches exercent un pouvoir sur les pauvres pour rester riches. Observer l’économie dans le prisme de cette relation de pouvoir qui transcende le synallagmatisme échangiste, considérer la relation économique comme enchâssée dans le social, la tradition, les normes, les enjeux de pouvoir, permettrait de construire une économie authentiquement scientifique et propre à répondre aux multiples enjeux de demain.

Hélas, les économistes traditionnels ne tiendront aucun compte de ces approches modernes, trop peu mathématisées, trop “impures” pour les tenants d’une économie désincarnée. Ils seront encore une fois pris par surprise lorsque le séisme paradigmatique frappera leur discipline.

inspiré de la lecture de ceci

Alexandre Delaigue

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19 Commentaires

  1. “The curious task of economics is to demonstrate to men how little they really know about what they imagine they can design.” ― Friedrich Hayek

  2. Article très intéressant. Juste une petite précision : hors de France, Freud est considéré comme dépassé et ce sont les cognitivistes qui constituent la véritable révolution copernicienne en psychologie, pour rendre l’analogie meilleure. Mais ce n’est pas très important finalement…

    • En relisant le texte, c’est peut-être voulu, en fait, puisqu’il s’agit vraisemblablement d’une satire des discours hétérodoxes (il est faux de dire que personne n’a vu venir la crise, par exemple).

  3. bonjour

    voila un billet qui me laisse perplexe ! je ne me souvient pas vous avoir déjà lu aussi sévère vis a vis de l’économie ! est ce ironique ?

  4. Mêmes commentaires en ce qui concerne, par exemple, la théorie des relations internationales, et à vrai dire un paquet de sciences sociales: le vertige mathématique et la volonté de trouver LA théorie éloignent ces activités de leurs racines sociologiques et historiques.

    On ne peut que souhaiter à l’économie de retrouver les siennes.

  5. Excellent et très amusant post.
    Hélas, j’ai peur que son caractère ironique passe inaperçu à de nombreux lecteurs, notamment à ceux de la 12:15 du Monde où il a été repris sans sa “chute”.
    C’est un risque qui vaut la peine de courir 🙂

  6. Que cela fait du bien, cher Monsieur Delaigue, de vous lire! Un grand merci!

  7. Obvious troll is obvious, comme disent les angliches…

    En tous cas, merci pour cette pièce de choix, j’ai bien rigolé. “le prix « Nobel » d’économie n’est pas un vrai prix Nobel (…) Cela prouve bien que l’économie, contrairement à la littérature, n’est pas une science”, est particulièrement gratiné.

    • C’est clair qu’avec celui là en plein milieu du texte, je doutais qu’un lecteur puisse tomber dans le panneau 😉

  8. « Aucun économiste n’a prévu la crise récente, contrairement aux anthropologues. »

    On entretient un mythe ici!

    Plusieurs économistes avaient sonné l’alarme, dont Joseph E. Stiglitz et d’autres. Plus encore, Brooksley E. Born ayant travaillé sous l’administration américaine Clinton avait dénoncé vers 1997 les opérations opaques et les systèmes à la Ponzi que la finance spéculative exploitait déjà jadis. Dès la sortie publique de madame Born, les grands banquiers centraux ont fait des pressions énormes, et à l’intérieur de deux semaines seulement elle a dû quitter son poste. http://fr.wikipedia.org/wiki/Brooksley_E._Born

    Selon Stiglitz, dans son livre Le triomphe de la cupidité, mentionne que la finance spéculative joue un rôle stratégique essentiel au sein du complexe militaro-industriel composé justement des secteurs de la haute finance, du pétrole, du charbon, du pharmaceutique et du militaire. Le crédit est le talon d’Achille de tout le système.

    Les grands gagnants de la crise 2008-2009 ont été les Goldman Sachs et J.P. Morgan!

    Par ailleurs, l’économie de la dette aura réussi pour un certain temps à suivre le rythme de la production de masse effrénée depuis les années 1990, celle de la nouvelle économie où l’informatisation et l’automatisation ont été telles qu’on a pu produire 10 fois ce que chacun de nous pouvait consommer en réalité, d’où une situation permanente de déséquilibre de la balance commerciale et une accélération du rythme des crises économiques. Pour écouler les surplus de marchandises produites, on a tenté déréglementer au maximum et on a créé l’hyper accès au crédit. Et en bout de piste, on a atteint la limite de capacité de payer des travailleurs de la classe moyenne, laquelle s’est effritée beaucoup depuis les 30 dernières années.

    Le travail a aussi été massivement délocalisé dans les pays où la main-d’œuvre est 1/10e du coût de celle en Amérique du Nord. À titre d’exemple, seulement aux États-Unis, depuis les 30 dernières années, 30% de la force de production industrielle a été délocalisées ; c’est probablement pour cette raison qu’on retrouve en 2014 environ 495 milliardaires sur le territoire même des États-Unis, et ce, sur un total d’environ 1500 milliardaires à travers le monde.

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    Cela étant dit, une des raisons pour laquelle les gouvernements ne régulent pas assez les systèmes financiers spéculatifs est que les fonds de retraite de millions de travailleurs des secteurs privés et des publics sont construits en partie sur la haute finance spéculative, les gouvernements sont en quelque sorte piégés.

    Aux États-Unis, ceux-là même ayant provoqué la crise 2008-2009 se trouvent dans l’entourage immédiat de Barak Obama, ils veillent à leurs intérêts.

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    Le sujet pourrait être bien davantage développé ici, car nous sommes très loin d’avoir exposé toutes les relations entre divers groupes d’intérêt, n’ayant aucune préoccupation de justice et d’équité sociale.

    Voici un lien très intéressant : http://www.cjf.qc.ca/fr/relations/enkiosque.php?idp=52

    http://www.cjf.qc.ca/fr/relations/article.php?ida=817&title=le-regne-de-la-speculation

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    Depuis quelques années déjà, le Monde évolue sur la bulle spéculative des matières premières, le pétrole, le charbon et les gaz de schiste sont en tête de liste. Plusieurs spécialistes ont déjà avancé l’idée que si on ne changeait pas le système mondial en profondeur qu’on se dirigeait à nouveau vers une crise encore bien plus profonde que celle de 2008-2009.

    Et nous n’avons pas encore mentionné le fait que les maisons de notation de crédit (privée), sont majoritairement en territoire américain et sont financées par des banques spéculatives. Aucun organisme de contrôle vérifie ces maisons de notations.

    Pour en savoir un peu plus sur ces maisons de notation :

    Les miradors des marchés financiers spéculatifs :

    Qui sont les acteurs derrière les maisons de notation? On répond  à cette question ici :

    http://www.abadinte.com/2011/12/qui-se-cache-derrire-standard-poors/

    http://www.dhnet.be/dhjournal/archives_det.phtml?id=1174596

    Comment Wall Street affame le monde?
    http://www.youtube.com/watch?v=ozQDHVuTiRA

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    Warren Buffet et Solomon Brothers dans les années 1980 et 1990 ont été parmi les premiers à spéculer massivement sur les prêts hypothécaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Salomon_Brothers

    Monsieur Buffet n’a pas accumulé une fortune de plus de 50 milliards de dollars à partir de rien, il l’a fait en partie sur le crédit prédateur.

    Monsieur Buffet possède une des maisons de notations.

  9. Mouais, si le titre indique (comme je l’espère) une critique de l’attitude hétérodoxe facille (en gros ce moquer des critiques déjà éculées contre la théorie ortodoxe, du genre qu’on peux lire dans une copie d’étudiant vagement marxiste de première année) j’ose esperer que des gens serieux comme éconoclaste ont la décence de reconnaitre que la critique hétérodoxe n’est pas sans fondement…

  10. On est pas le 01 04 pourtant…
    Le nom de Maffesoli m’a fait défaillir tout à coup ! J’étais pourtant sur le bon blog !
    Une frayeur comme ça un vendredi après midi jointe à la pollution ambiante c’t à vous suffoquer les soufflants !
    Mais très rigolo.

  11. Toute la doctrine proudhonienne repose sur cette façon de s’évader hors de la réalité économique pour
    se réfugier dans la phraséologie juridique. Chaque fois que l’enchaînement économique échappe à
    notre brave Proudhon — et c’est ce qui se produit dans toutes les questions importantes —, il se
    réfugie dans le domaine du droit et en appelle à la justice éternelle.

  12. ” chacun sait que la croissance a commencé et finira avec le pétrole.”

    Non elle a commencé avec l’énergie hydraulique, puis le charbon, puis le pétrole, auquel il faut ajouter l’uranium. Notre problème actuel est que nous sommes en transition entre la civilisation du pétrole et la civilisation du nucléaire. La Chine vient de mettre un gros coup d’accélérateur à son programme de réacteurs au thorium:
    http://blogs.telegraph.co.uk/finance/ambroseevans-pritchard/100026863/china-going-for-broke-on-thorium-nuclear-power-and-good-luck-to-them/
    Réacteur pour 2025.
    Le prix de l’électricité à la sortie sera tellement faible qu’on pourra synthétiser du carburant liquide pour les véhicules si les batteries air/métal ou graphène ne sont pas encore prête.

    Nous sommes en train de rater le coche, mais bon les chinois nous vendrons la tech, il suffira de leur envoyer des femmes et du vins.

    • Je rappelle à notre aimable clientèle qu’il est conseillé de lire les messages de service. Ou de s’équiper d’une technologie de détection de l’ironie et du second degré. Une technologie qui n’est pas Made in China a priori. Mais bon…

  13. “”Un appui d’Engels – la question du logement. C’est pourtant un classique chez les heterodoxes.

  14. Magnifique double pirouette! Sous couvert d’une satire du discours hétérodoxe et de ses arguments émoussés à force de se répéter sans entamer le gras de la pensée dominante, une destruction en règle de celle-ci! bravo, l’artiste!

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