Une hypothèse n’est idiote que quand on a prouvé qu’elle l’était

Où l’on apprend que les femmes voilées ne sont pas motivées par l’argent économisé chez le coiffeur.

Ce matin, j’ai subitement réalisé que porter un voile sur les cheveux réduisait a priori le recours au coiffeur. Ce qui est source d’économies, cela va sans dire. Je me suis alors dit que la femme musulmane voilée pouvait néanmoins vouloir être bien coiffée à la maison. Ça m’a énervé (ça foutait tout en l’air), alors j’ai décidé de faire comme si ce n’était pas le cas et de continuer mon calcul de geek.

Il fallait donc déterminer combien de fois par an une femme allait chez le coiffeur et combien ça lui coûtait à chaque fois. Ça m’a énervé, parce que, ne disposant pas de statistiques détailles (j’ai un peu cherché, j’ai pas trouvé et j’avais pas la journée), il allait falloir faire un calcul en moyenne. Or, pour un sujet aussi sensible, j’allais me faire engueuler par plein de femmes. D’un côté, j’allais avoir celles qui me diraient : “Non, mais vous plaisantez ou quoi ? Vous pensez que je passe ma vie chez le coiffeur et que j’ai autant d’argent à dépenser pour participer à la course à l’apparence de nos sociétés de consommation machistes ?”. D’un autre côté, j’allais avoir droit à ” Quoi ? Vous pensez vraiment que si mon budget coiffure était aussi ridicule j’aurais la moindre chance de trouver un job, un mari, un amant et l’estime de soi quand je vais faire mes courses chez Monoprix ?”.

Alors j’ai décidé que je m’en moquais et que, de toute façon, les femmes ne comprenaient rien aux statistiques et que c’était leur problème et pas le mien. Après, ça m’a énervé, parce que je me suis dit que j’allais me faire pourrir par les femmes qui comprennent les statistiques, notamment celles qui les comprennent mieux que moi. Donc, je me suis dit que c’était pas grave, que j’aurais qu’à leur dire que je raisonnais statistiquement et que si elles continuaient néanmoins à m’embêter, je leur dirais qu’elles feraient mieux d’aller un peu plus souvent chez le coiffeur (et toc).

Enfin, voilà, quoi… Donc… J’ai décidé, sur la base d’observations statistiques parcellaires glanées sur le net et sur la base de mes propres observations (tout à fait biaisées, évidemment, mais utiles) de considérer qu’une femme va chez le coiffeur environ quatre fois par an et qu’elle en prend pour 60€ en moyenne. Pour avoir une fourchette plutôt qu’une valeur moyenne, j’ai décidé qu’il serait bien de considérer une fourchette de visites de 2 à 6 fois par an et un coût de 40 à 80€ à chaque fois.

Sur ces bases, combien une femme économise-t-elle en 20 ans en allant jamais chez le coiffeur ? Je suppose qu’elle peut placer ses économies à 3% en moyenne (taux brut), ce qui paraît vaguement raisonnable. Et je fais l’hypothèse qu’elle place chaque fin d’année le montant économisée.

Ne pas aller chez le coiffeur et placer l’économie annuelle réalisée correspond à placer chaque année un montant a au taux d’intérêt annuel i sur n périodes. Combien récupère-t-on au bout de n périodes ? En mathématiques financières, on dispose d’une formule qui nous donne simplement la valeur acquise Cn de la suite de n annuités constantes a le jour du dernier versement quand elles sont placées au taux i :

Si je commence à placer du capital à la fin de l’année 1, à la fin de l’année 20, j’aurai fait 20 versements, le dernier versement venant d’être réalisé. Je peux donc appliquer ma formule dans les différents scénarios envisagés :

Scénario bas : 40€, deux fois par an. a vaut 80€. Appliquer la formule donne :

Scénario haut : 80€, six fois par an. a vaut 480€. Appliquer la formule donne :

Une femme qui arrête d’aller chez le coiffeur pendant 20 ans économise donc, sur la base seule du coût du coiffeur, d’après mes hypothèses extrêmes concernant les habitudes de consommation, entre 2 150€ et 12 900€.

Conclusion (ferme et définitive) : ça vaut pas le coup.

Corrolaire : les femmes voilées ne cherchent pas à économiser le coût du coiffeur. Il y a une autre explication.

Merci de votre attention.

PS : les commentaire suggérant que je suis un pauvre type désœuvré seront publiés.

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16 Commentaires

  1. Merci pour cet excellent exemple de ce qu’est devenue l’économie "mainstream": utiliser un raisonnement mathématique pour aboutir à des conclusions évidentes a priori (ou absurdes dans des cas moins favorables) en partant d’hypothèses arbitraires, à propos d’un problème totalement imaginaire.

  2. Le problème, c’est que vous n’intégrez pas l’économie des boucles d’oreilles dans votre calcul.

  3. En voulant laisser un commentaire sur ce blog, je me suis rendue compte qu’une question discriminait une grande partie de la web sphère :
    "Pour éviter les robots spammeurs, nous vous demandons de répondre (en chiffres) à cette question très complexe : Combien font quatre moins un ?"
    Combien de péons, dans vingt ans, auront été bloqué à cette étape ?

  4. "Les femmes voilées ne cherchent pas à économiser le coût du coiffeur. Il y a une autre explication."
    Ainsi donc les mathématiques n’expliqueraient pas tout… Il va encore falloir reconnaitre que les sciences humaines, à défaut d’exactitude, ne sont pas totalement dénuées d’intérêt.

  5. Comme les coûts comparés en terme de shampoings/après-shampoings/masque hydratant/masque nourrissant/laque/gel/tonique coiffant/usure des brosses/consommation d’eau chaude ne sont pas pris en compte, cette étude n’a aucun sens.

  6. Moi c’est plutôt environ 60 E, 6 fois par an. Je n’avais jamais calculé…Mais maintenant : le chignon gris ? La perruque ?La triste queue de cheval ?En fait c’est surprenant,et assez désagréable, quand on calcule le coût annuel d’une chose particulière :combien je dépense en viande ? en chaussures ?en produits "de beauté" ?en livres ? en ciné ?J’ai plutôt envie de faire l’autruche, mais je ne regrette pas d’avoir lu votre post (qui n’était pas destiné à m’éclairer sur mon budget, mais qui produit un "zoom"intéressant).

  7. @Leo:
    "Ainsi donc les mathématiques n’expliqueraient pas tout".
    Rien dans l’exemple donné ne permet ce type de conclusion: les mathématiques (enfin, il faut vraiment pas être mathématicien pour penser que ce type de raisonnement est un travail de mathématiques) ont ici parfaitement répondu à la question qu’on leur posait: l’hypothèse est-elle correcte.

  8. Merci pour cette démonstration, mais vous n’envisagez le coiffeur que sous son angle financier. Or, si une personne décide de considérer le coiffeur comme une perte de temps, la renonciation est donc aussi une économie de temps.

    Pour intégrer cette dimension à votre évaluation, il faudrait estimer le temps moyen d’une séance chez le coiffeur (temps de lecture de vieux magazines inclus). Il faudrait également considérer le prix d’une unité de temps.

    Supposons, pour les besoins du raisonnement, qu’on puisse arbitrer entre le temps chez le coiffeur et l’exercice d’une activité lucrative… L’économie de temps peut être évaluée par rapprochement avec l’argent gagne !

    Bien sûr, rien ne force quelqu’un qui renonce au coiffeur à travailler plus, mais après tout, s’il fait un autre choix, c’est qu’il y a intérêt, qu’il a mieux à faire de sont temps, et que son temps est précieux au delà des gains qu’il en retire. Ca n’invalide pas l’hypothèse : ça place juste le gain potentiel comme plancher d’évaluation. Il me semble que le taux du SMIC permet alors de fixer l’hypothèse basse.

    L’intégration du prix du temps est peut-être de nature à affiner votre démonstration… voire à renverser votre résultat.

    A moins que… mais ça va vous énerver…

    A moins que le temps passé chez le coiffeur ne constitue par ailleurs une forme de gain de temps, sous l’angle, par exemple, des échanges de potins, de partage d’informations de proximité et de tuyaux divers (culinaires, éducatifs, culturels ou de loisirs…) ou, plus généralement, de maintien de réseaux sociaux.

    Cela supposerait incidemment que la fréquentation du salon de coiffure recèle également des dimensions de rituels sociaux, et que les personnes qui tentent d’y échapper s’exposent à en payer le prix en termes d’exclusion desdits réseaux… pour ne pas dire, en termes d’intégration…

    Mais, précisément, voilà peut-être pourquoi le voile est prescrit par certains. Et condamné par d’autres.

    Ceci dit, sur ce point, l’étude ne serait pas complète sans comparer la qualité des réseaux sociaux alternatifs proposés par les adeptes du voile en remplacement des précieux instants du rituel capillicole… (aucun jugement de valeur sur ce point, ni dans un sens ni dans l’autre…)

    Bien à vous,
    L’Ankou

  9. Ce qui cloche particulièrement dans ce raisonnement c’est le tranchant "ça vaut pas le coup", ça part du principe que tout le monde a le même revenu. Étonnant.

  10. … d’autant que vous ne prenez pas en compte la dépense supplémentaire consistant en l’achat d’une série de foulards de coloris variés (islam-shop.fr/fr/hijabs-f… ainsi que la lessive afférente et l’usure de la machine à laver.

    Comme quoi, vous n’êtes pas si désœuvrés que ça, finalement.

  11. je constate avec une certaine amertume,voilée d’un soupçon de jalousie, que vous n’avez que l’expérience de ces femmes jeunes qui ne passent pas leur vie à se faire faire les racines.

  12. "Ca ne vaut pas le cout…" vite dit. Le cout est sans doute ce qu’il y a de plus compliqué à calculer, dans cette histoire.

  13. Je crois que vous êtes dans un monde de rêve. Ma femme va au moins une fois par semaine chez le coiffeur pour un brushing (40 €) + une coupe (80 €) environ tous les deux mois…

Commentaires fermés.