Comme annoncé dans la chronique de son ouvrage, je référence ici certaines données rapportées par Thierry Pech dans son livre Le temps des Riches. Il s’agit d’un index, pas d’une évaluation critique. Les sources sont communiquées autant que possible, avec un lien vers le document original quand il est disponible. Le livre est découpé de telle sorte que les données chiffrées sont concentrées dans les sept premiers chapitres.
Chapitre 1 – Le club des 0,01%
Page 21 Une étude récente de l’INSEE "Les très hauts revenus : des différences de plus en plus marquées entre 2004 et 2007." De mémoire, elle a déjà été citée sur ce blog peu après sa sortie. Pech souligne un point intéressant : c’est la première étude de l’INSEE sur les riches depuis sa création en 1946.
Page 25. Quand on gagne 3 000€ par mois (par tête), on fait partie des 10% d’individus ayant les revenus les plus élevés en France. Une statistique assez connue. Cela représente deux fois le revenu médian.
Page 26. Pour faire partie des 5% les plus riches, il faut percevoir 5 400€ ou plus par mois. Et pour être dans les 1%, c’est 10 000 € mensuels. Pour accéder aux 0,01%, c’est 82 000€ mensuels. Les inégalités sont encore plus marquées à l’intérieur des 10% que dans les 90% restants.
Page 27. Une étude de 2011 du sociologue Olivier Godechot, "Finance and the Rise in Inequalities in France". En 1976, les riches (les 0,01% du haut) sont le plus souvent dans l’industrie (38%). En 2007, l’industrie ne représente plus que 14% des plus riches. La finance, 24% et les services aux entreprises 26%.
Page 28. Au Royaume-Uni, 70% de la hausse de la part de la masse salariale dans le centile supérieur est imputable aux salariés de la finance. Brian Bell & John Van Reenen, " ‘Bankers’ Pay and Extreme Wage Inequality in the UK".
Chapitre 2 – Les années folles
Page 34. Les différentes baisses d’impôt consentie depuis 2000 représentent 400 milliards de dette publique supplémentaire. Paul Champsaur & Jean-Philippe Cotis, "Rapport sur la situation des finances publiques", 2010.
Entre 2004 et 2007, les revenus déclarés des 90% les plus modestes ont progressé de 9%. Ceux des 1% de 16%. Ceux des 0,1% de 27%. Et ceux des 0,01% de 40%. Je n’ai pas vérifié, mais je pense que c’est le document de l’INSEE cité plus haut qui sert de base.
Chapitre 3 – Le travail et le patrimoine
Page 41. Pour 90% des Français, les revenus du patrimoine représentent 2,6% de leurs revenus. Pour les 0,01%, ces revenus représentent près de la moitié du revenu. Même remarque qu’au dessus, la source doit être le document de l’INSEE de 2010. On peut aussi se référer à Piketty-Landais-Saez pour ce genre d’informations.
En 2004, les dividendes perçus par les ménages français représentaient 58 milliards d’euros. En 2007, 69 milliards d’euros et 72% de cette hausse est allée aux 10% de ménages les plus riches.
Chapitre 4 – Le retour des rentiers
Pages 48 et 49. Entre 1900 et 1910, les 1% les plus aisés captaient 19% du revenu. En 1939, 13%. En 1950, 9%. En 1983, 7%. Elle repart à la hausse entre 1983 et 2000, pour se situer à 9%. L’argument est assez connu, il repose sur le livre de Thomas Piketty : "Les hauts revenus en France au XXième siècle". Ainsi que sur Piketty et Saez pour les Etats-Unis : "Income Inequality in the United States, 1913-1998". L’idée est que l’instauration d’impôts progressifs et quelques accidents historiques ont réduit les patrimoines au cours du 20ième siècle et que la baisse de l’imposition des plus riches depuis près de 20 ou 30 ans favorise leur reconstitution. Argument notamment repris dans Pour une révolution fiscale.
Page 50. Carola Frydman et Raven E. Saks ont étudié les trois plus grosses rémunérations des 50 plus grandes entreprises américaines entre 1936 et 2005, dans un article de 2010 intitulé "Executive Compensation: A New View from a Long-Term Perspective, 1936–2005", publié dans la Review of Financiel Studies. Ces rémunérations ont légèrement baissé durant la seconde guerre mondiale. Elles ont ensuite crû modérément pendant 30 ans. Elles ont été multipliées par 7 entre la fin des années 1970 et le début des années 2000.
Toujours selon Frydman et Saks, le rapport entre le salaire de ces dirigeants et la moyenne des salaires des autres salariés de leurs entreprises sont restés stables des années 1940 aux années 1970, aux alentours de 35 fois la moyenne. Dans les années 2000, le ratio atteint 130.
Chapitre 5 – De la société d’héritiers
Page 56. Selon Piketty, encore, le flux annuel d’héritage, à savoir la somme des valeurs monétaires de tous les actifs transmis par succession et donations une année donnée, représentait entre 20 et 25% du revenu national au XIXième siècle. Il tombe à 5% dans les années 1950. Depuis 1970, la tendance s’inverse. Le flux annuel d’héritage représente près de 15% du revenu national aujourd’hui. Les données sont issues de l’article "On the Long-Run Evolution of Inheritance : France 1820-2050". Une version longue et des données complémentaires exploitables (Excel et compagnie) sont disponibles sur cette page.
Page 60. Les donations simples sont très concentrées. En 2007, 10% des donations représentaient la moitié des montants transmis. Les successions aussi. 10% des bénéficiaires recevaient 43% des successions nettes. Sur 93 milliards d’euros d’héritage, le fisc en a récupéré 8,5 milliards. Je n’ai pas vérifié la source.
Chapitre 6 – Du capitalisme familial au management héréditaire
Page 65. Dans les années 1990, 32% des patrons de grandes entreprises françaises sont des dirigeants familiaux. En Allemagne, 23% et en Grande Bretagne, ce chiffre est de 20%. Le chiffre est tiré du livre de Thomas Philippon, "Le capitalisme d’héritier". Plus de la moitié des groupes français étaient dirigés par leurs fondateurs ou descendants à la fin des années 1990. 64% des entreprises cotées dont l’actionnaire de référence est une famille était de 64% en France, contre 20% aux Etats-Unis, 24% en Grande Bretagne et 13% au Japon. Source : David Sraer, David Thesmar, "Performance and Behavior of Family Firms : Evidence from the French Stock Market", Journal of the European Economic Association, 2007.
Page 67. D’après des travaux basés sur des entreprises danoises, la performance d’une entreprise chute en moyenne de 20% après une succession. Morten Bennedsen, Kasper Nielsen, Francisco Pérez-Gonzalez, Daniel Wolfenzon, " Inside the Family Firm: The Role of Families in Succession Decisions and Performance", Quarterly Journal of Economics, 2007.
Chapitre 7 – La valeur des riches
Page 79. En 2004, selon Marko Terviö, la valeur créée par les dirigeants des 1 000 plus grandes entreprises cotées représentait de 0,16% à 0,2% de la valeur en Bourse de leurs entreprises. Voir Marko Terviö, "The Difference That CEOs Make: An Assignment Model Approach", American Economic Review, 2008.
Page 80. Xavier Gabaix et Augustin Landier établissent que quand on s’intéresse aux 250 plus grandes entreprises américaines, la hiérarchie des salaires reflète bien une hiérarchie des performances. Mais l’écart de salaires est sans proportion avec l’écart de performances. Si on remplace le patron de la 250ième par celui de la première, la valeur de marché de la 250ième progresserait, d’après leurs estimations, de 0,016%. Mais l’écart de rémunération est de 500%. Xavier Gabaix, Augustin Landier, "Why Has CEO Pay Increased So Much ?", Quarterly Journal of Economics, 2008.
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Bonjour,
Merci pour cet index, très pratique pour des recherches!
Je viens de découvrir ce site, c’est une mine d’or, merci! continuez!
Victor (étudiant)
Bonjour,
Juste un petit correctif…
Les salaires de référence ne sont pas par tête mais par unité de consommation (UC)
– 1 UC pour le premier adulte du ménage ;
– 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ;
– 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.
http://www.insee.fr/fr/methodes/...
Ce qui change les limites pour un célibataire, un couple, et un couple avec enfant(s).
Pour faire parti des 1% un célibataire devra gagner plus de 7000€/mois, un couple plus de 10000€ un couple avec enfant plus de 15000€.
Je fais appel à votre sagacité: existe-t-il une étude liant les haux revenus et leur degré de prélévement fiscal?
Cela permet de déterminer si les grandes fortunes sont plus ou moins taxées de nos jour…
L’auteur aborde t’il le risque institutionnel que l’augmentation des inégalités permette une capture des institutions par un petit groupe?
C’est notamment une des craintes d’Acemoglu et Robinson et cela donne à réfléchir.
Excellent… Et surtout ne vous laissez pas décourager pas certains commentaires!!!
Il me semble que Olivier Godechot (je crois) a complété le papier (totalement biaisé) de Piketty Landais pour mettre en évidence que l’accroissement des revenus des 0,01% était (comme aux UK et US) du a quelques centaines de salariés de la finance.
Ce qui milite plutôt pour une régulation, a l’ancienne, de la finance qui depuis une quinzaine d’année capture une part de plus en plus importante de la VA, que pour une augmentation des impôts, idée chère a M. Piketty.
Seulement comme on peut le constater tous les jours, aucun gouvernement n’est prêt a contraindre ses "champions nationaux". Même et surtout pas ceux dont la finance est l’ennemi.
Donc votre liste est une mine d’or, mais certaines pépites sont a prendre avec des pincettes.
Merci d’avoir pris le temps d’établir cet index très intéressant.
Même si par sérieux Pech réfute les "idéologies" liant richesse et cupidité, certaines études indiquent une corrélation très nette à travers des expériences variées :
http://www.pnas.org/content/earl...
Le papier est payant (5€) mais vaut le détour.
Réponse de Stéphane Ménia
Accès gratuit ici. En fait, il ne nie pas le sujet. Il dit qu’il s’agit d’une question morale dont on peut se passer.