Rappel

Comme le reste du site, le bar “chez Jojo” du forum est toujours ouvert aux fumeurs. Et à tous les autres.

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Alexandre Delaigue

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10 Commentaires

  1. En réflechissant à l’opposition entre la liberté des fumeurs et celle des non-fumeurs j’ai retrouvé un petit texte d’un philosophe italien (Angelo Maria Petroni) publié en 1993 intitulé : "Une note sur l’état présent d’un concept inactuel : la liberté"

    voici les idées fortes :
    La liberté positive n’existe que dans l’esprit de ceux qui prétendent savoir ce que l’être humain veut, ou devrait vouloir. Sans cela, elle ne peut déboucher que sur l’anarchie du "chacun pour soi". (sic)

    La liberté individuelle ne saurait être soumise à la liberté collective, ni à quelque modèle de société rationnelle ou juste. Aucun individu ne peut en effet prétendre connaître un tel modèle. S’il l’évoque, c’est pour mieux asservir les autres et les persuader de la justice de leur asservissement. (re-sic)

    et enfin :
    Restons-en donc à la conception négative de la liberté définie par Hayek : absence de coercition, interdiction de prescrire aux autres ce dont ils ne veulent pas, possibilité pour eux de trouver le chemin de leur propre progrès et des relations harmonieuses avec les autres. (re-re-sic …)

    Il est évident que réduire la liberté des fumeurs par la loi est une preuve indéniable de la présence d’une coercition.
    Par contre, je suis plus sceptique sur "l’interdiction de prescrire aux autres ce dont ils ne veulent pas"… dans le cas qui nous intéresse qui sont "les autres" ? Les fumeurs ? Les non-fumeurs ? La majorité des français qui sont pour l’instauration de la loi ? Les 53% des votants français qui ont élu ce président ou les 47% autres ?

    La loi est censée oeuvrer pour le bien commun, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens d’un même pays. La Loi anti-tabac (pour faire vite) est clairement une loi qui réduit la liberté de fumer des fumeurs (elle restreint l’activité aux lieux privés) mais pour autant augmente-t-elle ma liberté en tant que non-fumeur ? Ces deux libertés (celle de fumer et celle de ne pas fumer) sont-elles exclusives l’une de l’autre ?

    Il semble que l’argument principal soit le coût pour la collectivité du traitement du cancer, très onéreux pour l’ensemble de la population (notamment pour les non-fumeurs…). Soit, ceci est un fait qu’on ne peut remettre en cause : une personne malade coûte beaucoup plus cher à la société qu’une personne en bonne santé (la médecine chinoise l’a compris depuis belle lurette)… Mais le principe de solidarité ne prône-t-il pas que nous sommes tous solidaires de nos malades ?

    Vient ensuite l’argument du serveur non fumeur qui travaille dans un bar enfumé et qui risque de choper un cancer dû au tabagisme passif… là, la question des libertés devient intéressante : il semble que la réduction de la liberté de fumer permet au serveur d’augmenter sa liberté d’être en bonne santé… liberté fondamentale s’il en est…

    je pense que cela mérite plus ample réflexion de la part des philosophes…

    moi je n’ai toujours pas fini de me poser cette question…

    Le second argument (celui des employés) ne tient guère : personne ne les a obligés à travailler dans un établissement fumeur. Ils le font en sachant que c’est un métier plus risqué, comme d’ailleurs des tas de gens choisissent d’exercer des métiers un peu plus risqués que la moyenne (en l’occurence, d’ailleurs, le risque est très faible). Dans le cas des employés de lieux enfumés, on peut même ajouter que les gens, lorsqu’on les interroge, ont tendance à surestimer les risques du tabac : l’argument de l’ignorance ne tient pas. Surtout qu’ils peuvent, eux, décider d’arrêter quand ils veulent, ce qui est plus compliqué pour les fumeurs.
    Je me demande d’ailleurs si “être en bonne santé” est une liberté : la véritable liberté, c’est d’être dans l’état de santé qu’on souhaite, étant données les multiples possibilités de l’existence. Si l’on vous apprenait que vous augmentez votre espérance de vie de deux ans en cessant de boire de l’alcool comme vous le faites, vous pouvez ou non décider de continuer de boire ou pas. Il n’y a pas de liberté absolue : il y a toujours des arbitrages à faire. Lorsque le gouvernement le fait à votre place, vous êtes de toute façon privé d’une liberté. En l’occurence, pour rien.
    Quant à l’argument du coût du traitement des maladies liées au tabac, c’est oublier que les gens mourront de toute façon un jour, et qu’il y en aura toujours pour mourir de maladies coûteuses (ce qui est le cas d’un cancer, mais pas d’un infarctus provoqué par le tabac); les fumeurs ont l’avantage de mourir plus tôt, donc d’être dépendants des autres moins longtemps. Devrait-on considérer que c’est une raison pour subventionner les cigarettes?

  2. @ Alexandre : je suis tout à fait d’accord avec toi pour les deux arguments présentés.

    Outre le fait qu’il existe une pression sociale sur les gens pour qu’ils trouvent un travail plutôt que de vivre d’un (très maigre) RMI, l’employé du bar à "toujours" le choix d’aller travailler ailleurs…

    Deuxièmement, je me suis laissé abuser par mon propre abus de language sur la différence entre la liberté d’être en bonne santé et la liberté d’être dans l’état de santé que l’on souhaite … en tant que fidèle lecteur de Sen, je me sens dans l’obligation de faire un mea culpa sur cette distinction. Il est donc clair que je te rejoins tout à fait sur ce deuxième point également.

  3. @ 2 Alexandre : je suppose que vous êtes fumeurs tous les deux ! et pas serveurs de bar !! Osez dire que le serveur de bar a la liberté d’aller travailler ailleurs… Oui, il a la liberté d’aller servir dans un autre bar tout autant enfumé ! Quant au consommateur non-fumeur, en dehors de MacDo, il n’avait guère la liberté de choisir…

    Il aura fallu plus de 15 ans pour que les serveurs puissent profiter du même droit que tous les autres salariés depuis la loi Evin : celui de travailler dans un lieu respirable tout simplement !
    Si on vous écoutait, un employeur pourrait faire manipuler à ses salariés de l’amiante, les laisser respirer des vapeurs toxiques et les enfermer dans une zone radioactive ! Et tout cela impunément.

    Ceci dit et pour aller dans votre sens, il me parait étrange au XXIème siècle d’être obligé d’interdire de fumer alors qu’il serait plus logique d’imposer une qualité minimale de l’air dans tout lieu public fermé, libre au propriétaire d’interdire de fumer ou de mettre en place les moyens adéquats pour ventiler (ce qui se fait dans l’industrie chimique par exemple). Sans doute cela aurait-il été trop difficile à controler !

  4. "personne ne les a obligés à travailler dans un établissement fumeur. Ils le font en sachant que c’est un métier plus risqué, comme d’ailleurs des tas de gens choisissent d’exercer des métiers un peu plus risqués que la moyenne"

    Vous pensez vraiment que c’est vrai dans un pays où le taux de chômage tourne autour de 10% et où les établissements non fumeur se comptaient sur les doigts d’une main ? En plus, déjà que les fumeurs ne raisonnent pas à long terme au moment où ils commencent, alors les fumeurs passifs…

  5. L’argument de la liberté des travailleurs de s’aphyxier me semble inopérant. On choisit en premier lieu un métier, et pas ses effets secondaires; si on demande à un salarié "souhaiteriez-vous éliminer tel effet secondaire de votre profession", il répondra oui dans la plupart des cas. Non, on ne "choisit" pas de travailler dans le tabac; on choisit de faire tel ou tel métier; on ne choisit pas de travailler dans le tabac, pas plus qu’on ne choisit de travailler à Jussieu la sachant amiantée à l’époque où le débat faisait rage. ("eh, pourquoi dépenser des fortunes dans le désamiantage si les étudiants et professeurs acceptent ce risque?"). L’effet secondaire "amiante" ou "benzène", etc est progressivement supprimé d’un nombre croissant de sites, dans lesquels les ouvriers étaient pourtant parfaitement conscients des dangers liés à la manipulation de ces éléments avant de signer leurs contrats de travail (parole d’avocat en droit du travail…). Il existe aujourd’hui une obligation dite de "sécurité de résultat" de l’employeur, en vertu de laquelle il est présumé responsable à 100% de toute maladie professionnelle dès lors qu’il connaît les dangers auxquels il expose le salarié, et qu’il ne fait rien pour y remédier.

    On est toujours libre d’acheter un jouet mattel bourré de plomb; mais on est libre, aussi, de vouloir imposer au fabricant certaines obligations permettant de faire disparaître le plomb.

    Du point de vue juridique en tout cas, la liberté des uns n’est en aucun cas un argument permettant de réduire la responsabilité pleine et entière des autres.

  6. On réduit trop facilement le problème en opposant fumeurs et non fumeurs cependant il est agréable lorsqu’on est fumeur d’aller de temps en temps dans un lieu non fumeur tout comme on peut envisager que des non-fumeurs acceptent de respirer de la fumée pendant leurs soirées.
    C’est pourquoi selon moi cette loi restreint la liberté(les capabilités?) des fumeurs comme des non-fumeurs. Avant elle, sauf erreur de ma part, les patrons de bar pouvaient interdir de fumer dans leur établissement.
    Le libre jeu du marché a fait que ceux ci étaient quasi-inexistants,en d’autres termes les gens voulaient des bars dans lesquels on puissent fumer. La théorie ne prévoit elle pas qu’en cas d’existence d’une demande solvable les entrepeneurs s’empressent de la satisfaire?
    Je pense que le problème vient plutot dans ce cas de l’offre qui en refusant les fumeurs n’a pas vu qu’elle pouvait attirer d’autant plus de non fumeur.
    @Alexandre: je n’avais jamais envisagé les problèmes de santé sous cet angle.Et(une fois de plus) je trouve votre remarque tres intelligente.

  7. Désolée d’avoir rouvert la boîte de Pandore 😉
    J’ai bien lu le billet initial, les commentaires qui s’ensuivaient, et les nouveaux commentaires. J’ajoute un petit caillou à l’édifice sous forme de (réelle) petite discussion avec un ami (non fumeur) tenancier de brasserie – tabac – PMU – loto :
    – mais c’est bien, tu ne vas plus puer en rentrant le soir.
    – oui, mais surtout je vais perdre des clients.
    – mais tu ne sera plus soumis au tabagisme passif…
    – j’avais investi dans un extracteur de fumée très efficace, et au dessus du bar, je n’inhalais presque rien.
    – mais c’est quand même plus agréable pour tes serveuses, non ?
    – ben, non, elles sont toutes fumeuses…

  8. On peut aussi voir les choses comme ça: la partie de la population (A) qui n’aime pas que l’atmosphère soit enfumée dans les lieux publics a vécu pendant de nombreuses années sous une législation qui avantageait la partie de la population (B), qui elle préfère les lieux enfumés, ou y est indifférente. A présent, la législation va au contraire avantager (A) aux dépens de (B). On pourrait peut-être envisager de diviser les siècles en décennies fumeuses et non-fumeuses.

    Sérieux, je crois franchement que dans ce domaine il n’y a pas tellement d’alternative à la dictature de (A) sur (B) ou de (B) sur (A). Prions pour n’avoir jamais de problèmes plus graves en matière de libertés publiques.

  9. "Je pense que le problème vient plutôt dans ce cas de l’offre qui en refusant les fumeurs n’a pas vu qu’elle pouvait attirer d’autant plus de non fumeur".

    Je crois que c’est là un point essentiel du débat : la fréquentation des bistrots ne va-t-elle pas bénéficier du fait qu’ils présenteront dorénavant une atmosphère respirable ? Il me semble, mais une recherche rapide sur internet ne m’a pas permis de retrouver les données sur le sujet, que chez nos voisins anglo-saxons, c’est exactement ce qui s’est produit ! Les non-fumeurs retourneront plus volontiers dans les bistrots devenus respirables, les fumeurs quant à eux, ne devraient pas les déserter en masse. Les seconds n’y allaient pas uniquement pour fumer, mais aussi (surtout ?) pour boire un espresso, profiter d’un lieu convivial pour discuter, lire, jouer au pmu, etc. Non ?

    M’enfin, tout ça nous éloigne de la motivation initiale de cette loi : est-elle bonne en matière de santé publique ?

    Et si oui, l’est-elle suffisamment au regard des conséquences qu’elle induit sur les libertés des uns (les fumeurs ne peuvent plus fumer dans les bistrots) et des autres (les non fumeurs, certains en tout cas, ne seront plus privés de bistrot grâce une atmosphère devenue respirable) ?

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