Le conseil a donc entériné le rapport du conseil ECOFIN du 20/03/2005, qu’on pourra trouver en annexe de ce document. J’ai relu le document en question, en essayant d’en retenir les points importants. Puis, j’ai cherché sur la toile les commentaires des uns et des autres, dans quelques médias professionnels. Et là, confusion dans mon esprit… Suis-je le seul à m’intéresser un peu à la question ? Est-ce l’effet Bolkestein – Constitution qui a pris le dessus et relégué la réforme du PCS au second plan ? Faut-il un peu de temps pour digérer la teneur de la décision avant de commenter ses conséquences probables ? Dois-je attendre la publication de tribunes ou articles de fond qui paraîtront avec un décalage d’une semaine ? Car, si je dois avouer m’être limité à quelques quotidiens et hebdos français, The Economist et un ou deux titres américains, j’ai été frappé par la difficulté à trouver ne serait-ce qu’une malheureuse présentation rapide de la réforme. N’ayant guère le temps de persévérer dans cette recherche fastidieuse, j’attendrai donc un peu pour prendre l’avis longuement développé des plumes accréditées. Je précise que cet texte, commencé vendredi 25/03 est publié samedi 26, sans nouvelle recherche de ma part.
Dans l’immédiat, à la question initiale "Mes dires de dimanche doivent-ils être corrigés ?" je dois répondre que pas franchement. Comme le soulignait Alexandre en commentaire de mon post, le rapport ECOFIN est terrible, en ce qu’il cherche à susciter le sentiment qu’il induit une vision plus calibrée de ce que devra être la politique budgétaire des Etats membres, alors finalement qu’une lecture simple donne plutôt le sentiment qu’ils auront la possibilité de faire, non pas tout ce qu’ils veulent, mais presque, dès lors que l’équilibre politique plutôt que budgétaire de l’eurozone est assuré…
Démonstration : « Le Conseil et la Commission sont déterminés à préserver et à maintenir clairement les valeurs de référence de 3 % et de 60 % du PIB en tant que points d’ancrage de la surveillance de l’évolution de la situation budgétaire et du rapport entre la dette publique et le PIB dans les États membres. ». Certes. On sait par ailleurs que ces points d’ancrage pourront être dépassés pour tenir compte de réformes structurelles et ne pas inhiber l’investissement public, ainsi que dans une circonstance exceptionnelle « indépendante de la volonté de l’État membre concerné et [ayant] des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou [étant] consécutif à une grave récession économique. ». Le texte définit ensuite ce qu’il entend par grave récession économique. « En règle générale, on entend actuellement par "grave récession économique" une baisse annuelle du PIB en termes réels d’au moins 2 %. En outre, dans le cas d’une baisse annuelle du PIB en termes réels de moins de 2 %, le règlement (CE) n° 1467/97 permet au Conseil de décider qu’il n’y a pas de déficit excessif, eu égard à d’autres éléments d’information, en particulier le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l’évolution constatée dans le passé. ». Doit être aussi considéré « comme exceptionnel un dépassement de la valeur de référence qui résulte d’un taux de croissance négatif ou de la baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance très faible par rapport au potentiel de croissance. ». Si je résume, pour considérer comme exceptionnel un dépassement il faudra vraiment que ça aille mal, ou alors, que ça aille plutôt pas bien pendant un temps plutôt long. Dit autrement, on ne peut engager une procédure pour dépassement si un Etat membre connaît des difficultés plus ou moins graves, disons pendant un certain temps.
Par ailleurs, si un Etat débordant les critères le fait pour d’autres raisons que celles évoquées, alors le Conseil admet tout de même qu’il y aura peut-être d’autres "facteurs pertinents" à prendre en compte. Néanmoins, dans le souci d’ancrer avec précision les excès autorisés pour d’ "autres facteurs pertinents, « Le Conseil souligne que le fait de tenir compte "d’autres facteurs pertinents" au cours des étapes aboutissant à la décision sur l’existence d’un déficit excessif […] doit entièrement dépendre du principe fondamental selon lequel – avant que les autres facteurs pertinents ne soient pris en compte – le dépassement de la valeur de référence est temporaire et le déficit reste proche de la valeur de référence. ». Traduction synthétique : si un Etat souhaite invoquer d’autres facteurs pertinents, il ne faut pas que le dépassement ne dure déjà trop longtemps et que le débordement soit déjà vraiment exagéré, pour d’autres raisons tout à fait légitimes. Dit encore autrement, dépasser trop longtemps, ce n’est pas bien. Et dépasser trop largement, c’est inacceptable.
Où est-ce que je veux en venir ? Au fait que les règles des 3% et des 60% sont bel et bien mortes. Soutenir le contraire serait un peu comme considérer que la BCE et la FED gèrent actuellement la parité euro-dollar selon une règle issue d’un modèle de zone-cible. Ca ne fait pas de mal de prendre un chiffre comme point de repère, mais de là à le cibler effectivement… On m’objectera avec raison que certaines dispositions garantissent en principe que ces chiffres servent bel et bien de pivot sur un cycle. En effet, « Le Pacte de stabilité et de croissance fait obligation aux États membres de se conformer à l’objectif à moyen terme d’une position budgétaire "proche de l’équilibre ou excédentaire".». En d’autres termes, à quelque chose près, si vous partez de 3% de déficit en début de cycle, avec des dépassements, vous finirez à peu près dans les mêmes eaux là en fin de cycle en ce qui concerne votre ratio dette/PIB ne devrait pas trop bouger. Oui, mais en même temps, « le Conseil est attentif au fait que le respect des objectifs budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance ne devrait pas compromettre les réformes structurelles qui améliorent résolument la viabilité à long terme des finances publiques. ». Exit donc la position budgétaire proche de l’équilibre ou excédentaire, pour peu que vous ayiez de (résolument) bonnes raisons de déroger… Bon, bien sûr, « Si toutefois un État membre ne se conforme pas aux recommandations qui lui sont adressées dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs, le Conseil est habilité à appliquer les sanctions prévues. ». Honnêtement, on peut se demander si, même en forçant, un pays arrivera à tomber dans le collimateur de ladite procédure ! Certains commentateurs font remarquer de longue date que les sanctions financières pour dépassement des critères du PSC sont une aberration politique, voire économique. Auraient-ils été entendus ?
Concernant la surveillance en continu des situations, le passage suivant est d’une portée "considérable" : « Le Conseil estime qu’il conviendrait de renforcer le cadre de la surveillance de la dette par le recours à la notion de "rapport qui diminue suffisamment et s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant" pour ce qui est du ratio de la dette en termes qualitatifs, en tenant compte des conditions macroéconomiques et de la dynamique de la dette. ». En d’autres termes, lorsqu’un pays sort un peu des clous, il est souhaitable qu’il montre un peu d’égard envers ses partenaires en leur donnant de sérieux gages concernant l’évolution à venir de sa dette. Il serait opportun qu’il puisse ainsi leur montrer que celle-ci, rapportée au PIB, baisse VITE ("suffisamment", ce qui revient au même quand on raisonne dans des délais fixés, le cycle par exemple) et qu’elle baisse également… VITE (elle "s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant"). Bien sûr, une telle contrainte (la "pression des pairs") ne sera fermement exercée qu’après une analyse approfondie des "conditions macroéconomiques", qui, cela va sans dire, risqueraient de pénaliser un pays dépassant vertueusement les critères "clés de voûte" du PSC. Il va sans dire encore que, dans le même temps, on saura être très attentif à la "dynamique" de la dette pour juger de son… évolution, l’un n’allant pas sans l’autre dans une conception solide du PSC, telle que le Conseil l’a originalement conçue.
En matière de délais pour revenir dans les critères lorsqu’un déficit excessif est constaté (i.e. dans l’éventualité où Chirac et Schroeder, après une choucroute bien arrosée, auront fait le pari débile de réussir à se prendre une procédure pour déficit excessif et où l’un des deux – voire les deux – aura réussi à le tenir) , « Le Conseil estime que, en principe, le délai prévu pour la correction d’un déficit excessif devrait être fixé à l’année suivant la date à laquelle le déficit a été constaté, c’est-à-dire, normalement, la deuxième année suivant son apparition. Le Conseil convient toutefois que les éléments à prendre en compte lors de la fixation du délai initial pour la correction d’un déficit excessif devraient être précisés davantage et devraient inclure, notamment, une évaluation globale de l’ensemble des facteurs mentionnés. ». Plus loin, « Toutefois, le Conseil convient que, dans des circonstances particulières, le délai initial prévu pour corriger un déficit excessif pourrait être fixé à une année plus tard, c’est-à-dire à la deuxième année suivant la constatation du déficit, soit, normalement, la troisième année après qu’il s’est produit.». Et puis, finalement : « Le Conseil convient que les délais prévus pour corriger le déficit excessif pourraient être revus et prorogés si des événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur le budget se produisent au cours de la procédure de déficit excessif. ». J’aurais, pour ma part, remplacé ces paragraphes par celui-ci : "A moins qu’un pays faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif ne soit pas foutu de trouver des arguments vaguement défendables s’appuyant sur les autres dispositions du Pacte assoupli, il n’y a pas, à proprement parler, de délai spécifique pour corriger le tir".
Bien sûr, je suis un peu de mauvaise foi. Et je le suis d’autant plus librement que je ne vois toujours pas d’un mauvais oeil l’affaiblissement des règles du PSC. Il doit exister dans l’absolu un bon équilibre dans ce nouveau cadre. Ne comptez pas sur moi pour écrire que les règles strictes sont partout et toujours préférables à d’autres mécanismes de gouvernance. C’est bien pour cela que le pacte a été réformé. On se rappelera aussi que même si leur voix s’est souvent perdue au milieu de l’idéologie, les observateurs un minimum avertis du fonctionnement des banques centrales à travers le monde, ont bien montré que le degré d’indépendance réelle (qu’on peut résumer pour faire court à la capacité des dirigeants à mener une politique monétaire ne contenant pas un biais inflationniste marqué) n’est pas forcément fonction du degré de menottage des responsables de la politique monétaire. Le parallèle avec la politique budgétaire est-il si inopportun ?
La question qui se pose est de connaître les incitations, pour les dirigeants nationaux, à tendre vers cet équilibre, qui se résume à optimiser la dépense publique, afin d’apporter si possible productivité à l’économie et bien-être à ses agents. La phrase suivante illustre finalement assez bien la nouvelle donne : « le Conseil confirme qu’une coordination renforcée des politiques budgétaires doit être conforme au principe de subsidiarité… ». Il reste donc à l’échelon pertinent (national) à prouver qu’il l’est bien. Même si la référence est timide, il est par exemple question d’impliquer davantage les parlements nationaux dans le pilotage à moyen terme des objectifs du PSC. De nombreuses questions se posent alors. La première qui me vient à l’esprit est de savoir comment les dirigeants nationaux vont désormais pouvoir se cacher derrière la méchante bureaucratie bruxelloise pour justifier certains arbitrages budgétaires. Une autre question est de savoir comment va être perçu ce changement par les électeurs français. La directive Bolkestein tombe bien mal. Et ce pour deux raisons : elle a éclipsé la réforme du PSC et elle est allé se ranger dans la famille maudite de l’AMI, le genre de choses qui décrédibilisent une institution (la Commission en l’occurrence) pour longtemps. Déjà qu’elle n’en avait pas besoin… Le problème de l’organisation institutionnelle du pilotage d’une politique budgétaire libérée des fausses contraintes, mais remise face aux vrais choix désormais ouverts (recherche et éducation) et aux vraies contraintes structurelles (comptes sociaux), reste entier pour sa part. La LOLF et son application est un aspect de la question.
Dernière remarque indulgente face à ce communiqué assez déroutant, la référence à l’usage d’un appareillage statistique amélioré fourni par l’Union pour évaluer le respect du pacte par les pays membres. De deux choses l’une, soit il s’agit de poudre aux yeux, soit d’un outil de pilotage concerté qui peut avoir une réelle importance. On verra bien. Mais cette notion est cohérente avec la double prétention de maintenir des règles, tout en reconnaissant leur contenu contingent.
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