On garde le rythme (scolaire)

On m’a reproché de ne pas avancer dans mon précédent billet d’études pour justifier l’idée que la réduction du nombre annuel d’heures travaillées serait une bonne chose (ou pas mauvaise) pour la performance des élèves. Même si je doute que toutes les réactions soient de bonne foi et pense qu’elles ont un côté décalé par rapport à la logique de mon texte (qui essayait seulement de poser des bases), la critique demeure très légitime. Voici quelques éléments glanés.

Le premier me trouble. Dans le rapport de 2011 qui sert de base à la réforme des rythmes scolaires, on trouve le passage suivant :

“le volume horaire annuel des enseignements : nous nous sommes d’abord interrogés sur une possible réduction du volume horaire total des enseignements, la comparaison avec les pays européens incitant à suivre cette voie. Nous n’avons pas retenu cette piste et affirmons en préalable notre souhait, eu égard aux objectifs de réussite des élèves, de maintenir les volumes annuels d’heures d’enseignement dispensés aux élèves. À ce stade nous préférons donc préconiser la réorganisation du temps et des rythmes et non la diminution du temps scolaire.” (page 11 dudit rapport)

Plus loin, le rapport revient sur ce point en rappelant qu’il ne fait pas partie des orientations retenues :

“la réduction du volume total d’enseignement, associée ou non à un aménagement des programmes. Ce ne pouvait être une solution compatible ni avec les attentes de la société et d’un certain nombre d’acteurs concernés, ni avec les objectifs retenus”

Chacun comprendra ce qu’il veut et fera de cette phrase laconique l’interprétation qui l’arrange…

Dans ce document très intéressant, on trouve d’abord de quoi se moquer : “On peut signaler que plusieurs pays européens limitent la durée des congés des enseignants à 8 semaines par an, le temps de travail hors de la présence des élèves étant principalement consacré à la formation continue”. Je signe tout de suite. Et Pierre Moscovici ?

Plus sérieusement, à la page 11 du document, on trouvera un paragraphe intitulé “Allouer plus de temps à l’enseignement ?”. En gros, s’il est évident que certains élèves ont besoin de plus de temps pour assimiler les connaissances, la douzaine de recherches citées tend à conclure que l’équation plus d’heures de cours = plus de réussite dans une version bête et brutale est fausse.

En d’autres termes, il semble que mon idée (qui n’a absolument rien de révolutionnaire, soyons clairs) d’une réduction sans douleur, voire avec bonheur, du nombre annuel d’heures de cours soit considérée comme pas trop stupide par les chercheurs. Très discutable en tout cas.

Autre aspect : dans mon esprit, une réduction du temps de cours ouvrait la porte à l’apprentissage progressif d’un travail personnel au cours de la scolarité. La façon de procéder importe. On sait par exemple que les devoirs à la maison sont un facteur d’inégalités scolaires, pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles l’environnement matériel de travail est primordial. Il faut en tenir compte. La charge scolaire n’a pas non plus à être totalement ou même majoritairement transférée hors de l’école (sinon, quel intérêt, hein ?). A ce sujet, une étude récente pointe du doigt l’inefficacité des devoirs à la maison. Du moins, ceci est le résumé. Deux points sont notables : chez les plus jeunes, les devoirs semblent contreproductifs alors que dès le lycée, ils sont efficaces. Je serais curieux de savoir quelle est la pratique française (en fait, j’ai une petite idée sur la question, mais je ne veux pas généraliser trop vite). Et le fait que les devoirs soient inefficaces est lié, toujours d’après l’étude, à la forme qu’ils prennent, à savoir un rattrapage de ce qui n’a pas pu être fait en cours. En d’autres termes, on n’est pas dans la logique que je mettais en avant qui s’intéresse à la possibilité d’épanouissement dans le travail personnel (on revient au plaisir…).

Je ne pense pas particulièrement revenir sur ce sujet à l’avenir. En conclusion, il n’est qu’un des paramètres de la question scolaire et je n’ai jamais pensé que réduire les horaires annuels puisse être la panacée. L’école, c’est un tout. Et ce point en fait partie.

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3 Commentaires

  1. 2 choses qui ne sont pas discutées:
    – quand on compare les volumes horaires de la Finlande et de l’Allemagne, il faut voir ce que ça inclut, notamment les activités sportives, plastiques, musicales ne sont pas faites en classe dans ces pays.
    – l’inégalité qui se produit avec le travail à la maison pour les élèves de primaire, se produit même sans travail à la maison. L’écolé n’est pas forcément du bachotage 32h/32h, et ce que vous appelez "garderie" peut-être bénéfique à pas mal de gamins.
    En tout cas "travailler moins pour apprendre plus" c’est très peu vendeur, et passera toujours par la suppression de tout ce qui n’est pas lecture/calcul. Peut-être que c’est ce que l’on veut finalement, mais ça ne réduira pas les inégalités..
    Tout ce que vous dites est super: il faut travailler mieux..

    Réponse de Stéphane Ménia
    Vous aimez l’école telle qu’elle est, je comprends bien.

  2. Comme cette question est complexe !
    En primaire, réduire le nombre d’heures de cours ? Oui mais assurer de la "garderie éducative"le soir, le mercredi ;pendant les vacances, des "colonies" à prix abordable,des centres aérés où soient prévues des révisions, pour maintenir les compétences des enfants dont les parents ne peuvent assurer cette tâche… ???
    Au collège et au lycée, réduire les cours au profit de lieux /moments où les élèves peuvent apprendre à travailler, avec un encadrement compétent ???
    La réduction des heures, mais en prenant sur quoi ? Qu’est-ce qui n’est pas important ,si on considère les matières étudiées ?N’a-t-on pas raison de regretter le peu d’heures de cours de langues vivantes, par exemple ?Ou faudrait-il réserver des matières à un niveau,par exemple de la géographie en 6ème, de l’histoire en 5ème etc…?Mais la répétition, le maintien des matières année après année ne sont-ils pas des piliers de la formation ?
    Les options : qu’y mettre ?comment les faire choisir par les élèves ?
    Le "tronc commun" : par exemple le français au lycée : les mêmes textes littéraires, les mêmes exercices pour tous (ex le commentaire de texte…)? Mais il y a des élèves des sections techniques qui adorent Baudelaire,de brillants élèves qui se moquent de la littérature…Séparer les choses : le français comme réflexion, le français comme art,le français comme langue d’écrit et d’oral…???Qui aurait droit à quoi ?
    Constat : notre attachement à un système dont nous voyons les défauts, notre difficulté à imaginer autre chose, le fait que les parents "anti-système" soient le plus souvent très concernés par l’école, donc assurent eux-mêmes , dans la vie courante,une grande partie de la formation de leurs enfants(ce qui accentue la différence avec les enfants de parents peu ou pas instruits), lesquels enfants, le plus souvent, sont faits de telle sorte qu’ils sont ceux qui s’adaptent le mieux à n’importe quel système éducatif…
    Etc…
    J’enfonce des portes ouvertes, certes…

    Réponse de Stéphane Ménia
    Non, mais c’est très bien de rappeler que c’est complexe. C’est même le point de départ que tout le monde devrait retenir.

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