Ministre du budget : un jeu dont vous êtes le héros

Il était possible de simuler sa réforme fiscale; vous pouvez maintenant vous prendre pour le ministre du budget et préparer le budget 2012, grâce à ce très bon jeu mis en place par la rédaction économique du Figaro. Le jeu vous permet de vous fixer un objectif (réduire les déficits plus ou moins rapidement) puis d’atteindre cet objectif en jouant sur les recettes et les dépenses publiques, soit en volume, soit en adoptant des mesures spécifiques – vous pouvez par exemple réduire le budget de la culture de x%, ou alors supprimer les aides au spectacle vivant dont le montant est précisé.

Quelques remarques sur cette infographie :

– C’est une très bonne façon d’informer le lecteur sur les enjeux budgétaires. On y voit le poids relatif des différents budgets de l’Etat, des différents impôts, et les marges de manoeuvre possibles.

– A ma grande surprise, quand j’ai testé la chose, j’ai constaté que les joueurs précédents (avec lequel on est comparé quand on a atteint son objectif) avaient concentré les coupes budgétaires sur le ministère de la défense. Le lecteur du Figaro n’est plus ce qu’il était.

– Le principal défaut : l’approche est plus comptable que macroéconomique. Le plus déterminant pour les finances publiques reste toujours la conjoncture économique, qui influe sur les stabilisateurs automatiques (recettes fiscales, dépenses). Il serait intéressant de savoir sur quelle prévision de croissance les ordres de grandeur numériques du jeu ont été calculés, et ce que serait l’impact d’une croissance plus ou moins forte. Par ailleurs, les différentes mesures choisies auront des conséquences sur la conjoncture; mais celles-ci n’apparaissent pas (les seules conséquences décrites sont en en termes de catégories sociales gagnantes ou perdantes). Il faudrait pour faire cela (et encore, ces outils ont une précision limitée) disposer des modèles macroéconomiques des finances.

Mais ces limites ne sont pas si importantes : ce jeu est un excellent travail de pédagogie économique et budgétaire. N’hésitez pas à aller le tester : vous ferez peut-être mieux que Valérie Pécresse.

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Alexandre Delaigue

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24 Commentaires

  1. Je trouve pour ma part que, non explicitées (comme c’est le cas sur le site), les limites que tu cites sont au contraire très importantes pour appréhender l’intérêt du truc.

  2. Il est bizarre ce jeu, il commence avec 37Mds de déficit et considère qu’il faut faire 122Mds d’économies si on veut 0 déficit, j’ai du encore sauter un cours d’économie politique.

  3. Excellent exercice de manipulation de masse. J’aimerai par exemple déclarer la dette de la France comme "dette odieuse" et récupérer l’argent du premier poste budgétaire français (les INTERETS de la dette). Bien sûr, cela est impossible. Ou comment réussir à faire croire que nos politiques n’ont plus que de mauvais choix à faire alors même qu’ils nous ont mis dedans.
    Autre exemple : j’ai le choix entre un budget rigoureux, très rigoureux ou intransigeant : Keynes doit se retourner dans sa tombe …

    Le fait que le poids d’une dette discutable n’apparaisse même pas comme un poste de dépense budgétaire décrédibilise le jeu immédiatement. Le fait de le faire apparaître mais de ne pas pouvoir le moduler aurait été moins pire.
    Là, ça sent juste la manip’ à plein nez …

  4. Bonjour,

    Pour la question sur la croissance, nous avons conservé celle de Bercy (1,75).

    Nous voulions proposer plusieurs hypothèses de croissance, mais avons dû renoncer dans un soucis de simplification pour le grand public (véridique, pas de complot!).

    Voici les différents objectifs calculés par un économiste de Deutsche Bank, avec un multiplicateur budgétaire de 0,75, et que nous pensions mettre au départ.

    Déficit> 4,50% 3% 0%
    0,50% 34,5 64,5 134,5
    1,75% 22 52 122
    2,25% 17 47 117

  5. Le fait que le jeu n’envisage pas la suppression des ministères des anciens combattants, des sports et de la culture pour ne citer que les plus évidents candidats le rend bien peu crédible.

  6. D’accord avec Philou mais manipulation vraiment à tous les étages.

    On est très encadré dans la baisse et on ne peut même pas décider de supprimer la Défense par exemple ! Voilà pourtant une économie qui ne serait pas dérisoire…

    En Justice on ne sait comment remplacer les courtes peines de prisons, dispendieuses, par des peines de substitution. Cela ferait pourtant beaucoup baisser le budget de la Justice.

    On a la construction des autoroutes et autres aéroports dévastateurs qui deviennent le budget de… l’écologie !

    Au chapitre des impôts on ne peut pas décider d’augmenter les impôts sur la fortune des plus riches au delà de un point. Alors que nombreux sont ceux qui voudraient remonter cet impôt jusqu’à confiscation totale au delà d’un certain montant.

    Impossible aussi de moduler la TVA en fonction des biens et services. Pourquoi ne puis-je mettre à ma guise un taux de 50 ou 300 % sur les produits de luxe ?

  7. Je pense surtout que ce n’est qu’un jeu, et qu’il faut le prendre comme tel. Partageons nos scores et profitons de ce répit ludique pour se détendre au cœur de cette actualité économique déprimante !

    J’ai fait 332 ! Et vous ?

  8. Tout à fait d’accord avec "partageux" ci-dessus. Les limites imposées à l’exercice et notamment les périmètres de missions constants, les ministères inamovibles, tout ceci démontre bien le carcan dans lequel on voudrait que les français raisonnent.

    Et après, on voudrait nous expliquer que la situation est grave, qu’il faudrait se mobiliser, sacrifier passé, présent, avenir femmes enfants et congés, alors qu’à vue de nez, l’horizon intellectuel de ceux qui nous gouverne se limite à ripoliniser l’existant ad-nauseam.

    Mais d’abord, expliquez moi donc pourquoi l’état construit des autoroutes ? En quoi étaler du goudron et trouver un talweg relève-t-il des missions des élèves des immenses écoles que le monde nous envie ?

    Bref, penser que cette appli a certainement été pour l’essentiel conçue, indirectement, avec mes impôts m’irrite : constater qu’elle est de surcroit trompeuse m’ennuierait plus encore : mais trompe-t-elle qui que ce soit.

    S’il y a encore de l’argent pour faire ça, c’est qu’on peut encore réduire le budget de l’état. Et puisqu’il parait que c’est urgent, qu’on le fasse.

  9. Bonjour,

    J’ai augmenté certains impôts, baissé la TVA et accru l’aide aux personnes les plus pauvres.
    Résultat : malgré de légères économies, objectif non atteint.
    Or, je suis persuadé que de telles mesures, en augmentant la consommation, augmentent la croissance et réduisent la part du déficit dans le PIB en-dessous des 4,5%.

  10. Le jeu a simplement pour but de passer un message: L’économie n’est que souffrance en accord avec nos racines chrétiennes qui nous dit que seuls les gens qui souffrent iront au paradis. Le problème est que l’Economie n’est pas une question de religion, ou encore de morale.
    Je pense que le jeu est de toute manière formaté pour que ceux qui font le plus d’efforts arrive forcément à l’objectif fixé.
    Le problème est que si le jeu était impossible, qu’il aboutissait à une impasse, les joueurs commenceraient à s’interroger sur les limites qui sont imposées, et à remettre en cause, la pertinence du choix des hypothèses de départ.
    il est probable, si certains joueurs dépassent les simples calculs élémentaires qu’on leur impose, qu’ils trouveraient de nouvelles solutions pour résoudre le problème budgétaire.
    Ils s’apercevraient, par exemple, en allant du coté de l’Histoire, qu’un Etat peut se désendetter en usant de subterfuges. Et c’est pourquoi, les enfants n’ont jamais payé les dettes de leurs parents.

    http://www.imf.org/external/np/s...

  11. Pourquoi ne peut-on pas baisser les impots?

    Ah oui, excusez-moi on est en France, donc personne n’a entendu parler de la Laffer curve.
    Taxons, taxons…qu’un sang impur, etc.
    Si c’est ca la ‘vision’ pour balancer le budget je ne suis pas prêt de remettre les pieds dans ce pays.

  12. "j’ai constaté que les joueurs précédents … avaient concentré les coupes budgétaires sur le ministère de la défense"

    Bah, c’est pas si étonnant : c’est le deuxième plus gros budget de l’état (après l’éducation nationale, que personne ne doit oser trop supprimer, vu qu’il y a un large consensus sur son importance). Pas étonnant que ce soit celui qui trinque le plus !

    Globalement, le principal intérêt de ce genre de jeux est de montrer que le "yaka" supprimer tel ou tel truc inutile (la subvention au spectacle ou le ministère des anciens combattants — il est cahé dans "autres missions de l’état", pour répondre au commentaire 5) ne permet pas de régler grand chose : on joue sur la centaine de millions alors qu’on parle de décifit de l’ordre de la dizaine de millairds, il y a deux ordres de grandeur qui manquent ! Il n’y a guère qu’en s’attaquant aux gros postes qu’on peut arriver à un résultat tangible.

    (Ah, oui, ou en faisant défaut sur la dette comme suggéré en com’, mais l’an prochain on risque d’avoir du mal pour trouver des prêteurs pour boucler un budget hors équilibre : on rejoue au même jeu l’année suivante, alors ?)

  13. Je m’étonne sur les seuls choix de politiques proposées dans ce jeu. Nous sommes limités entre "Rigoureux", "Très rigoureux" et "Intransigeant" (avec un objectif de déficit à 4.5%, 3% et 0% respectivement).

    Ceci oriente déjà les choix futurs en laissant entendre qu’une politique d’investissement plus ambitieuse qui prendrait le risque de porter le déficit un peu plus loin temporairement pour financer des postes importants (dépenses d’avenir, social, n’importe quoi) serait exclue d’emblée…

    En gros, la seule priorité acceptable pour les auteurs du jeu serait la réduction des déficits, avant le bien-être de la population.

  14. JF: Aller demander des sacrifices aux français sans quelques mesures symboliques ? Pour des grecs, des banquiers, des énarques et des profs ? Vous rêvez ! Il n’y a pas que la portée : il y a aussi la nature du contrat politique entre les travailleurs et les institutions qui les pompent.

    jor: Ne vous faites aucune illusion : s’il restait des gens pour bien vouloir prêter à l’état, il emprunterait encore. En fait, tout état fonctionne à son plafond d’endettement en permanence, le problème étant quand ce plafond baisse. On parle souvent de la rigidité à la baisse des salaires, mais celles des budgets publics est bien pire.

  15. Je trouve l’application sympathique, les critiques m’étonnent :

    On lui reproche d’être trop simplificatrice, mais comment pourrait-il en être autrement ? on ne peut pas modéliser toute la complexité du budget de l’Etat dans une application Flash

    J’avoue ma perplexité face à ceux qui voient une théorie du complot dans la volonté de ne pas proposer des solution que je trouve simplistes, voire dangereuses, et dont l’inefficacité me semble avérée :
    – Une politique keynésienne de hausse des dépenses (même « d’avenir ») ou « Lafferienne » de réduction des impôts permettent de soutenir la croissance, mais pas suffisamment pour réduire les déficits. Au contraire, ils augmentent (cf Reagan et Mitterrand au début des années 80, ou Sarkozy ces dernières années…j’en passe) ; On a tous envie d’ y croire, c’est tellement beau (je fais plaisir à mes électeurs et je réduis les déficits), mais ne rêvez pas, il n’y a pas de miracle.
    – On peut se faire plaisir en disant que la hausse des déficits est alors seulement temporaire, mais ça fait 35 ans que ça dure. Quand est-ce qu’on arrête le « temporaire » ? quand on est dans la situation de la Grèce ?
    – C’est bien gentil de vouloir arrêter de payer les intérêts de la dette (43 Md€), mais le déficit c’est 96 Md€. Résultat, si on arrête de payer, c’est plus 22Md€ qu’il faut trouver, mais 53….(sans parler du système financier mondial qui explose, mais c’est probablement un détail)

  16. @ Coriolan,

    Techniquement, on pourrait se financer directement auprès de la banque centrale à taux 0 si on le souhaitait. Ce qui reviendrait à ne plus payer des intérêts sur la dette. Il suffit de revoir quelques règles constitutionnelles, quelques traités, et le tour est joué !

    Si on va plus loin dans le raisonnement, avec une dette publique représentant 80% du pib à la fin de l’année n, un déficit de 53 milliard en n qui augmente au rythme de l’inflation (admettons 2% par an), et 0 d’intérêts sur la dette (si je refuse de les payer du jour au lendemain).
    Il me faudrait une croissance un peu supérieure à 1.4% en n+1 pour commencer à faire reculer ma dette publique proportionnellement au PIB.

    avec un PIB de 2000 en n, une dette de 1600 en n, 0 intérêts sur nos dettes,
    en n +1, ma dette publique en % du PIB est égale à:
    (1600+ 53*1.02)/(2000*1.02*1.014) < 0.8
    Je n’ai donc pas besoin de chercher 53 milliards de coupes budgétaires pour faire reculer ma dette publique.

    Ce sont des subterfuges d’un autre temps mais qui ont fait leurs preuves !

  17. @Gribouille en 16

    Question de Mékeskidi en économie: à force de lire cette proposition de temps en temps, j’aurais voulu savoir ce qui nous empêchait d’emprunter à la BC justement ? Pourquoi l’État se l’est-il interdit, et ce choix est-il (toujours ?) pertinent ?

    Si effectivement les banques privées empruntent à la BC à un taux très faible, pour ensuite prêter à l’État à un taux plus élevé, seules les banques privées semblent tirer un quelconque bénéfice dans l’affaire, au détriment du contribuable qui doit leur payer les intérêts élevés… Si ça peut permettre d’économiser une quarantaine de milliards d’euros d’intérêts par an, et ce sans réduire les dépenses ni augmenter les impôts, ça semble attrayant comme idée.

    Donc au final, qu’est-ce qui nous empêcherait de revenir en arrière sur cette interdiction, et de lever du même coup la pression que font peser les financiers privés sur les États ?

  18. Moi j’ai surtout retenu qu’en supprimant les niches fiscales et en taxant les grandes fortunes, on récupère 50G qui peuvent amplement à la fois atteindre la réduction de déficit voulue ET augmenter de 33% le budget de la recherche, justice, travail, ville et aménagement du territoire.

  19. @Lirte :
    > Je pense surtout que ce n’est qu’un jeu …
    > J’ai fait 332 ! Et vous ?

    Rien qu’en éliminant les niches fiscales et en ne touchant à rien d’autre on fait 525 points. En éliminant les niches et en augmentant de 33% d’autres ministères (recherche, travail, territoire) on fait 588 points.

  20. @ jor,
    La règle qui interdit le financement direct de l’Etat par la banque centrales est justifiée comme un principe de bonne gestion des finances publiques. Mais un principe ou une règle, on doit pouvoir s’asseoir dessus si une volonté politique existe pour déchirer les traités.

  21. Financer l’État en empruntant à la Banque centrale, c’est comme financer votre poche gauche à partir de votre poche droite. Mais c’est vrai que si en plus ça transite par d’autres poches qui prélèvent leur commission au passage, c’est quand même un comble !

    Comme disait Henry Ford : "“Il est heureux que le peuple ne comprenne rien au système bancaire et monétaire, car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin.”

  22. """Légèrement""" tendancieux comme jeu …

    Rien par exemple pour stopper (à terme) le nucléaire et ses couts déments.
    Rien pour taxer les banques et spéculateurs ni les profits du capital ou boursiers.
    pas possible de taxer les transactions financières.
    impossible de supprimer les subventions aux hydrocarbures.
    Impossible de taxer les entreprises, les revenus par exemple qui dépasseraient x% du capital …
    Ni de nombreuses niches fiscales.
    Par contre pas mal de choix pour supprimer les aides aux pauvres ou à l’écologie !!!

    aucune surprise donc, nous sommes bien en guerre, les riches contre les pauvres ….

  23. Je m’étonne sur les seuls choix de politiques proposées dans ce jeu. Nous sommes limités entre "Rigoureux", "Très rigoureux" et "Intransigeant" (avec un objectif de déficit à 4.5%, 3% et 0% respectivement).

    Ceci oriente déjà les choix futurs en laissant entendre qu’une politique d’investissement plus ambitieuse qui prendrait le risque de porter le déficit un peu plus loin temporairement pour financer des postes importants (dépenses d’avenir, social, n’importe quoi) serait exclue d’emblée…

    En gros, la seule priorité acceptable pour les auteurs du jeu serait la réduction des déficits, avant le bien-être de la population.

  24. On ne peut pas lever de nouveaux impôts, en supprimer ou modifier l’assiette… J’aimais beaucoup mieux le jeu de Piketty !

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