Ce post est le début d’une série, consacrée à ce qui me semble constituer des mystères économiques : des questions pour lesquelles je n’ai jamais trouvé d’explication vraiment convaincante (vous me direz, rares sont les explications vraiment convaincantes en économie), mais surtout, des questions que très peu d’économistes semblent se poser alors qu’elles me semblent mériter un meilleur traitement. N’hésitez pas à envoyer des suggestions, je verrai ce que je peux en faire.
NB : Les commentaires du genre “Kurt von Schplarf, grand théoricien de la monnaie, a entièrement résolu ce problème dans son ouvrage de 3000 pages, admirablement résumé dans ce numéro de la Marxist heterodox econophlogistics review” seront soumis au ridicule qu’ils méritent.
Il y a quelques semaines, j’ai voulu acheter des lentilles de contact sur internet. Une recherche google m’a instantanément confronté à un vaste foutoir : deux millions de liens, une page remplie de liens commerciaux comprenant toutes les combinaisons de mots possibles avec lentilles, pas cher, ou le mélange des deux. Pas franchement rassuré (les lentilles de contact, c’est quand même un machin qu’on se colle sur l’oeil, il y a des raisons d’être méfiant) je suis donc allé demander des conseils sur twitter. Des gens avaient-ils eu l’occasion d’acheter des lentilles de contact sur internet? Avec quel commerçant? étaient-ils satisfaits?
Après quelques réponses unanimement positives, je me suis lancé. Trois jours plus tard, je recevais une boîte de lentilles de contact, moins chère et bien plus rapidement que chez mon ophtalmologiste habituel. J’ai examiné la boîte et son contenu sous toutes les coutures : rien ne la distingue de celles que j’achète d’ordinaire. J’ai même vérifié la plausibilité du numéro de série. Puis testé le contenu. Pas de problème détecté. Toutes les raisons, donc, d’être content.
Il y a quelque chose d’extraordinaire dans cette transaction. Mais ce n’est pas mon achat sur internet le plus improbable. L’un de mes premiers date de 1996, lorsque j’avais acheté auprès d’une petite boutique californienne le jeu Duke Nukem 3D, pas encore sorti en France. Le plus étonnant restera la fois où j’avais acheté de l’or de world of warcraft, une transaction totalement interdite par le producteur du jeu (si des GM de Blizzard passent par ici : c’était il y a bien longtemps, il y a prescription). Je me souviens qu’au moment où j’avais autorisé la transaction Paypal, sur un site des plus rudimentaires (apparemment domicilié en Turquie) je m’étais dit que je pouvais tout aussi bien brûler un billet de 20 euros. Qu’est-ce qui obligeait le site, une fois payé, à fournir sur mon compte World of Warcraft les pièces d’or virtuelles achetées”? S’ils s’étaient contentés d’encaisser mon argent sans rien me fournir ensuite, je n’avais aucun recours puisque la transaction était illégale et interdite. Deux heures après le paiement, mon avatar recevait l’or virtuel dans sa boîte aux lettres.
Et que dire de mon achat de lentilles? Il s’agit d’un produit pour lequel contrefaçons, malfaçons, auraient des conséquences extrêmement graves. Et sur quoi me suis-je fondé pour mon achat? Sur les recommandations de gens que je n’ai jamais vus, que je ne “connais” que grâce à des messages de 140 caractères maximum. Pour prendre d’autres exemples, des milliers de gens parviennent à se fournir en drogues illégales et à les consommer, en l’absence de toute possibilité de recours ou de surveillance sanitaire.
Le très haut degré de division du travail, le fait que nous dépendions pour les produits les plus simples d’une myriade de personnes dont nous n’avons jamais entendu parler, que nous ne connaîtrons jamais, est un constat bien connu des économistes depuis Adam Smith. Cette complexité à l’origine des objets les plus simples a été amplement illustrée, avec des essais comme I, Pencil ou cette amusante tentative de fabriquer soi-même un grille-pain. Mais ces essais servent soit à illustrer la complexité des économies, soit l’idée d’ordre spontané hayekien, sans toucher vraiment à la réalité du problème : comment est-ce que tout cela peut fonctionner?
Asymétrie d’informations, marchés incomplets, etc; on ne manque pas d’outils économiques pour nous expliquer pourquoi toutes ces transactions ne peuvent pas avoir lieu de façon satisfaisante. On ne manque pas non plus d’analyses pour comprendre comment cela fonctionne. Adam Smith évoquait la propension humaine naturelle à “troquer et échanger”, et sa célèbre phrase sur la bienveillance du boulanger et du brasseur se trouve dans la “théorie des sentiments moraux” “richesse des nations”, un essai remarquablement subtil sur le fonctionnement des sociétés humaines. Des concepts comme le “capital social”, les “institutions” et leur évolution, la théorie des jeux, sont mobilisés pour expliquer ce mystère : pourquoi des transactions peuvent survenir en l’absence de contact, de connaissance, de lien entre individus, et de la moindre incitation extérieure à se comporter honnêtement.
L’un des meilleurs essais récents sur ce sujet est “the company of strangers”, de Paul Seabright, qui a été récemment réédité et traduit. Seabright s’appuie sur la théorie de l’évolution, le concept de “pensée-tunnel” pour montrer comment la complexité économique s’ordonne, et peut aussi basculer dans le chaos.
Le pendant de ces analyses, c’est cette grande tarte à la crème de la discussion économique, la “confiance”. Et au bout du compte, tout cela laisse un peu mal à l’aise, comme si l’on se trouvait devant un tour de magie incompréhensible : untel a confiance parce que bidule a confiance, et inversement. L’ouvrage de Seabright est à ce titre un peu frustrant, en donnant l’impression d’avoir levé le voile sur une question fondamentale, mais en s’arrêtant juste avant d’y apporter une réponse totalement éclairante.
Et c’est un peu étrange de se dire qu’à la base du fonctionnement économique, on trouve des mécanismes qu’on ne comprend que très mal, ou seulement en ayant recours à la pratique en amateur de psychologie, d’anthropologie ou de sociologie.
Parce que tous ces marchés fonctionnent, mais pas très bien. Des tas de joueurs se sont fait escroquer en achetant de l’or de world of warcraft. L’achat de lentilles en ligne soumet le consommateur à un véritable maquis d’offres de qualité très inégale, et difficilement vérifiables. Le fonctionnement de nos économies dépend à la fois d’une réglementation et de contrôles publics à l’efficacité très limitée, auxquels on ajoute la recommandation “caveat emptor”. En réalité, rien de tout cela ne pourrait fonctionner sans un degré raisonnablement répandu d’honnêteté, dont on n’explique que difficilement l’apparition, et qui peut s’effondrer comme un château de cartes.Le premier miracle, c’est que cela fonctionne; le second, que l’on y prête si peu attention.
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Hayek propose que, pour faire fonctionner leurs sociétés alors qu’ils ne connaissent que très partiellement et imparfaitement les circonstances et les conséquences de leurs actions, les humains ont adopté (par évolution naturelle) des règles abstraites qu’ils appliquent en quelque sorte par défaut dans des situations génériques.
Ces règles se transmettent par l’imitation et par le langage (tout en étant le plus souvent non formulées donc tacites). Elles nous permettent d’agir tout en faisant l’économie de la recherche d’informations sur les circonstances, l’identité et les caractéristiques des partenaires concernés.
Une telle règle pourrait être : "il faut tenir ses promesses". Sauf cas pathologiques, nous l’appliquerions systématiquement justement quand nous ne savons rien ou très peu de chose sur le partenaire. Ce n’est que quand nous aurions des raisons précises de trahir nos promesses que nous le ferions. Ce qui expliquerait le paradoxe posé par Alexandre.
Ça rejoint la thèse bien connue de Hayek, qui est l’un des fondements de sa critique de la discipline économique orthodoxe : la plupart de nos actions résultent de l’application non réfléchie de telles règles abstraites, et l’usage de la rationalité telle que la définissent les économistes est exceptionnel.
Du point de vue, peu connu, des sciences de l’occupation (ergothérapie), les activités humaines sont ce par quoi l’humain se réalise. Une activité se caractérise alors non seulement par ses effets, mais surtout par la signification qu’elle a pour la personne qui la réalise. D’un point de vue économique, vous modéliseriez peut-être cela comme un coût associée à la malhonnêteté, ou plus précisément à la perte de sens de ne pas respecter un engagement.
Dans le cas du viagra, les personnes qui mettent en place ces sites ont déjà payé le coût d’être immoral (spam) aussi ma prédiction est que le taux de fraude est dans ce cas largement plus élevée que dans le cas de warcraft, où l’activité est sinon légale du moins très probablement perçue comme morale.
Mon deux cents… la question est très intéressante en tout cas.
C’est très intéressant comme question mais pas franchement économique, à part si l’on se demande quel impact a ce paradoxe sur le marché (prix/quantité).
Je me trompe peut-être mais sur le marché des lentilles ou du viagra par internet, la proportion d’escrocs est sans doute minime, donc n’a pas/peu d’impact sur les prix/quantité…
Et clairement, si ça n’a pas d’impact sur le marché, ce n’est pas une question économiquement pertinente (même si psycho-socio-ethnologiquement intéressante).
@Chabadabadou : on peut considérer qu’il s’agit de transactions réalisées avec une forte asymétrie d’information (elles sont suffisamment improbables, impulsives et "non-enforceable"), mais on se comporte comme si l’information sur le produit et les garanties était quasi-parfaite (le tout à partir de témoignages anonymes et de "la volonté d’y croire"). On a donc des marchés qui existent là où ils ne devraient logiquement pas. Ca me semble être suffisamment économique, comme interrogation.
Je me demande dans quelle mesure cette confiance en les étrangers est liée au revenu : peut-être qu’à chaque possibilité de transaction, on réalise une sorte de calcul coût (risque de se faire arnaquer) / avantage (chance de faire une bonne affaire), et que plus notre revenu est élevé, plus on minimise l’évaluation du risque ("boh, au pire, je perds une fois 60€, mais au mieux je trouve une source durable d’approvisionnement bon marché en lentilles de contact"). Si vous êtes au RSA, le "juste 60€" prendra une dimension telle que vous refuserez de vous engager dans une telle transaction aléatoire. On aurait alors une segmentation du marché, seuls les hauts revenus ayant la capacité de lever l’asymétrie d’information en s’engageant dans une première transaction qui révélera pour la suite la qualité du vendeur – et les bas revenus étant de fait exclus de ces marchés.
En y repensant, on pourrait aussi envisager que, pour les revenus confortables, ce genre de transaction représente (plus ou moins consciemment) une sorte d’expérience sociale et/ou psychologique, une sorte de coup de poker : "est-ce que je vais "gagner" en économisant, ou perdre ma mise ?". Ca fait un petit thrill, ça nous donne à spéculer sur le comportement coopératif d’un étranger, et quand ça marche c’est suffisamment grisant et intriguant pour donner envie d’écrire un post de blog 😉
‘On aurait alors une segmentation du marché, seuls les hauts revenus ayant la capacité de lever l’asymétrie d’information en s’engageant dans une première transaction qui révélera pour la suite la qualité du vendeur – et les bas revenus étant de fait exclus de ces marchés.’
C’est exactement ça: les riches peuvent se permettre le risque car ils peuvent rebondir avec ce qui leur reste. Le pauvre aprés un échec….il est à la rue.
tout comme quand on a un seul appartement en location et que le locataire veut pas payer: vous etes dans la merde noire. (les assurances coutant plus cher que le risque…)
Celui qui a un immeuble complet pet repartir le risque sur les autres.
Bref dans ces marches c’est exactement ca. Tout comme acheter du matériel électronique sur ebay a partir de chine. Le prix total étant diviser par trois vous pouvez subir deux arnaques avant d’y laisser une plume. (et ce genre de materiel tombe en panne hors garantie de toute facon…), donc Le pauvre ne peut pas se le permettre. Ça il n’a pas les moyens de payer le prix total de base.
Sur le même principe que la valeur qu’on attribue à la monnaie fiduciaire, valorise-t-on l’opinion des autres? On se représenterait le produit non plus que par sa valeur intrinsèque mais par le rex ou la perception que l’on a de la valeur du produit par les autres ?
Finalement, ce ne serait pas une confiance grandissante en l’avis des autres mais peut-être simplement une confiance grandissante en Internet qui soutient toutes ces transactions…
Je pense que la reputation est ce qui offre la meilleurs explication. C’est quelque chose que l’on vois dans beaucoup de marchers informels. Par example, j’ai des connaissances qui consomment de la drogue. Ils ont leur fournisseur habituel avec lequel ils ont forme une relation a long terme et ils se recommandent les uns les autres au cas ou leur fournisseur habituel disparaitrait. Dans votre example, on le vois bien aussi, c’est apres avoir pris des recommandations que vous avez fait votre achat.
Mais pour moi ce qui confirm l’explication, c’est le fait que quand le systeme de reputation ne fonctionne pas, les transactions ne fonctionnent pas non plus. Par example, de par le fait que la vente d’or est interdite (et socialement reprime) sur WoW, il est difficile d’obtenir une recommandation donc il y a plus d’escroqueries. De meme, ceux qui achetent de la drogue dans un pays etranger ont plus souvent des problemes car le vendeur n’a aucune raison de penser qu’il y aura une interaction repete ou que l’acheteur connais ses clients habituels.
Alors je suis un petit nouveau, mais je vais tenter une explication. Cela m’a rappelé mes jeunes années, lorsque j’aidais mon grand-père dans sa boutique à Casablanca.
Le commerce s’y pratique au "corps à corps" et les clients viennent par recommendation et/ou par réputation. Evidemment les recommendations sont un peu comme les agences de notations, mais en plus fiables. Parce que pour que la note d’un commerçant soit dégradé il faut qu’il ait réellement fait une bêtise. le doute est lui aussi sanctionné. En général plus tu passes de temps à t’expliquer plus tu perds de la crédibilité. Dans ces cas là, c’est la réputation qui joue. La faiblesse des recommandations peut être effacé par l’expression d’une bonne réputation qui permet au commerçant de bénéficier du "bénéfice du doute". Une mauvaise réputation peut avoir des conséquences si l’offre alternative est nombreuse. Pour moi la réputation est la répétition de bonne recommandation, avec un soupçon d’expérience vécue.
ce savoir, trés expliqués ici, est presque tacite lorsque l’on est dans la boutique, et est reconstruite à presque chaque interaction.
Depuis l’arrivée du client qui demande s’il est bien à la boutique de … à la negotiation des prix. ( c’est de plus en plus rares, mais cela permet au commerçant de manifester le respect qu’il a pour son client, et le client de tester le sérieux et la marge que se fait son commerçant ). Ensuite tout l’aspect du confort est plus une manière de partager l’air du temps et d’avoir un echo des risques courant et évidemment d’avoir un peu d’information sur la concurrence.
Voilà pour moi , l’expérience des lentilles, comme celle de wow procède du même fonctionnement mais avec un peu plus de précarité. ( ce qui explique ton interrogation ). tout ses principes ne sont pas appliqués à une boutique e-commerce, mais les éléments de base y sont.
Voilà merci de votre lecture, en espérant que cette explication ne voua paraisse pas trop "fumeuse".
Question intéressante. Je pense que la réputation est une bonne piste explicative.
Prenons le pb à l’envers. Plaçons nous dans la situation de l’escroc qui veut vous truander sur les lentilles ou les po. Comment gère-t-il son "business"?
Il a des coûts fixes : un ou plusieurs sites web à designer, développer, maintenir online; le traitement des moyens de paiement, du référencement… Ces coûts sont bas, c’est pour cela que la concurrence est très nombreuse, mais ils ne sont pas négligeables s’il faut plier boutique.
S’il ne livre pas ce qu’il a vendu, il va avoir des reviews négatives voire se faire dénoncer auprès des organismes de paiement. Comme il n’investit probablement pas grand chose en référencement payant, ces reviews négatives vont avoir un "voice share" supérieur à son site "marchand".
A la fin, seuls les gens qui ne se posent aucune question continueront à "acheter" chez lui et ses collègues escrocs. Cela constitue un marché assez restreint. Les gens ont fini par apprendre à se méfier d’internet et surtout, ça ne marche qu’une fois. Et ce maigre marché est à partager entre tous les escrocs. A terme, le nombre d’escrocs doit se stabiliser à un nombre proportionnel au ratio entre le nombre de pigeons et le coût fixe d’exploitation d’un site.
En faisant votre micro-enquête twitter, vous avez efficacement éliminé tous les escrocs. Les autres sites sont légitimes et doivent à tout prix préserver leur principal asset : leur réputation.
Le même type de raisonnement peut expliquer que les escroqueries fourmillent dans le spam. Le spam, par son coté massif, son faible coût et l’absence totale de repeat business, est l’outil idéal pour pêcher les pigeons.
Ceci évoque chez moi le "Gène égoïste" de Dawkins où il tente d’expliquer pourquoi alors que la sélection naturelle pourrait pousser à l’égoïsme il y a de l’altruisme (je pense d’ailleurs qu’il a développé ces vues dans un autre bouquin).
Il faisait appel à une sorte de théorie des jeux, mais mes souvenirs sont nébuleux.
Je crois comprendre que les internautes que vous avez consultés avant l’achat vous ont aiguillé sur une boutique, ou ont validé votre premier choix de boutique.
Dans ce cas il semble évident que ces internautes n’ont aucune incitation à vous mentir ou à vous envoyer vers une boutique frauduleuse (ils n’y gagneraient rien et y perdraient votre estime).
Quant aux vendeurs de lentilles sur internet, ils ont une forte incitation à être honnêtes : pouvoir bénéficier d’une recommandation qui attirera les clients.
Ça me semble être en gros l’explication de Fred2Baro ci-dessus.
L’on peut répondre selon, au moins, deux plans différents.
Le premier est tout bêtement théologique, selon la pensée classique thomiste. A savoir non pas que l’homme est naturellement bon, mais qu’il est naturellement conscient, à des degrés divers suivant les individus et les sociétés, du droit naturel. Il sait d’instinct que s’y soustraire représente une forme de blasphème, de danger, et a l’intuition même très lointaine qu’il devra un jour en répondre – fusse dans une autre vie.
Une autre réponse est peut-être donnée par l’anthropologie. Le commerce existe depuis les origines de notre espèce et l’on sait qu’il est toujours porteur d’une très grande violence sous-jacente, d’où les rituels fastidieux auxquels se livraient les primitifs et dont nous conservons encore quelques traces (la poignée de mains après une transaction par exemple), qui ne servent qu’à prévenir la violence, donner confiance à la partie adverse et donner tous les gages de probité. Cette ritualisation à l’extrême du commerce tend à prouver son caractère fondamentalement violent à l’origine. Il est probable que notre espèce jusqu’à aujourd’hui aie conservé le savoir que commercer était risqué et demandait des précautions. D’où peut-être une tendance naturelle et profonde à la probité lors de cette échange mimétique qu’est une transaction commerciale, tout simplement par peur de la violence qui pourrait ressurgir à tout moment.
Les deux plans théologique et anthropologique sont par ailleurs assez proches, finalement, quand aux mécanismes qu’ils mettent en exergue.
qui a crée le système économique, le système d’échange actuel? Il n’est pas crée ex nihilo.Je crois que c’est une construction collective qui vient de la pensée humaine. L’idée la rationalité économique des acteurs n’est pas soutenable, sauf au prix de réajustements mathématiques de l’erreur et la mise en place de garde fous (une arnaque répétée n’est pas possible)
j’irai plutot chercher du coté de ce qui fonde l’échange d’une part (le contrat, la dette, Rousseau, Mauss) et d’autre part la mise en place (par nous mêmes) de protection (paypal, sites sécurisés, agrégation, production de normes, autres indices personnels…)
la question est plus délicate quand on ne s’entoure pas des protections que l’on sollicite habituellement, comme l’exemple du jeu en ligne de l’article, une approche pourrait être celle de l’ordalie, que de temps en temps tout un chacun pourrait éprouver de tenter son risque, "je le joue à pile ou face", la roulette russe, à des degrés divers, sans le faire systématiquement
merci pour le blog!
Tout rapport d’échange marchand est un rapport social entre deux individus de la même race humaine. Pourquoi on est honnête au point de payer ses consommations dans un estaminet que l’on ne refréquentera jamais alors que l’on pourrait s’en esquiver sans souci ? Parce que l’on considère l’échange comme équitable. Et c’est souvent pour les mêmes raisons que l’on pourra être resquilleur ou voleur à l’étalage en considérant que le prix exigé pour la course (par exemple les voyages en train aux prix exorbitants) ne correspond pas à l’offre de bien ou de service. On sera d’autant plus malhonnête que l’on aura moins de considération morale pour l’individu ou l’entreprise volée. On aime par contre à être honnête avec ceux qui manifestent des vertus citoyennes. L’honnêteté dans l’échange est notre premier choix car elle est notre intérêt : plus la société est équitable dans ses échanges, plus on sera en mesure d’y échanger facilement nous-mêmes, car la suspicion ne viendra pas avec constance interférer dans l’acte marchand. Adam Smith aurait pu l’écrire.