Le plan de relance déchire-t-il sa race ?

Bon, on a bien rickroller, on a bien ironisé. Maintenant, on va un peu parler du plan de relance.

Guillaume Duval récapitule les hésitations budgétaires du gouvernement depuis l’été dernier. Il est vrai que depuis quelques mois, la lisibilité de la politique budgétaire était quelque peu trouble et la communication à son sujet pour le moins erratique. Et si l’on pouvait se douter qu’on en arriverait (heureusement) là si besoin, ce n’est peut-être pas aussi anodin. Les interrogations portant sur l’ampleur véritable du plan et les ruses qui pourraient se cacher derrière ne peuvent être négligées à ce stade. Pour “détendre” l’atmosphère, ce n’est pas l’idéal.

Sur le contenu proprement dit du plan, il y a d’abord cet engagement à investir, pas à faire fonctionner ou faire consommer. On soulignera encore une fois que la notion de dépenses de fonctionnement, opposée à celle d’investissement est à manier avec des pincettes. Construire un hôpital et ne pas budgéter de salaires de soignants est contestable (exemple sans rapport avec les dépenses prévues).

On notera avec certains commentateurs (dont Thomas Piketty) que les dépenses engagées étaient prévues et ne seront qu’avancées et qu’au final, ce sont assez peu de moyens nouveaux qui seront mis en oeuvre. Je ne sais pas si c’est un problème, à court terme. En revanche, je m’interroge sur leur injection effective dans l’économie. Quand les sommes seront-elles effectivement versées ? De ce point de vue, le fait que les projets aient déjà été dans les cartons est plutôt positif. On peut espérer que les délais internes de la politique budgétaire en seront réduits, évitant autant que possible les tergiversations. Néanmoins, le processus politique et administratif est forcément plus lourd quand il s’agit de ce genre de dépenses.

On doit du coup naturellement se demander si le soutien direct à la consommation, représenté par le versement d’une prime aux allocataires du RSA, n’est pas un peu timoré. C’est laisser vide un des canaux de transmission de la politique budgétaire, ce qui ne semble pas très judicieux. Les dépenses d’infrastructures se retrouveront tôt ou tard dans des poches de salariés et consommateurs, ce n’est pas faux, toutes choses égales par ailleurs, mais encore faudrait-il qu’ils en soient persuadés le plus vite possible, ce qui aurait comme effet de stimuler dès maintenant leur consommation. Comme le rappelait Charles Wyplosz, un bon gros chèque, c’est pas si mal en récession. Philippe Aghion renchérissait hier sur ce point.

Un des aspects qui étonne se trouve du côté des mesures de baisse des charges pour la création d’emploi dans les TPE. Non seulement il sera difficile de revenir dessus une fois la récession passée mais, de surcroît, on peut s’étonner de voir le chômage structurel combattu dans une période où c’est la composante conjoncturelle du sous-emploi qui est la plus pressante. Comme on n’a pas manqué de le souligner, au mieux, la mesure est peu productive, puisque s’il n’y a pas de demande, pas la peine d’embaucher. Au pire, des effets d’aubaine se manifesteront dans les petites entreprises qui ne connaissent pas la crise (selon la formule consacrée). Il y en aura. On réduira donc les charges d’entreprises qui n’en ont pas besoin et auraient embauché quand même. Même en admettant que cela fonctionne à la marge en faisant basculer ponctuellement la décision d’embauche de certaines structures, on voit mal ce que vient faire cette mesure dans le contexte actuel. A la limite, si la mesure incitait les entreprises à intensifier l’usage de main d’oeuvre en lieu et place du capital, on peut craindre un impact négatif sur l’investissement, l’effet global sur la demande étant a priori ambigu. Mais on peut faire remarquer tout aussi bien que cette possibilité de substitution peut avoir un effet positif si elle rend réversible la décision d’accroître les capacités de production en recourant au travail précaire. Mieux vaut des CDD que rien du tout. Notons évidemment que cela suppose en plus une réelle substituabilité des facteurs.

Du côté des aides sectorielles ciblées, que dire ? La prime à la casse devrait avoir des effets relativement négligeables, de même que le relèvement du plafond sur les taux 0. De quoi s’interroger sur le chiffrage effectif de ces points du programme et donc, encore une fois, sur les sommes réellement injectées. On peut noter que l’argument de la fuite de pouvoir d’achat à l’étranger n’est pas retenu sur ce dossier. On pourra toujours dire que c’est parce que les parts de marché des constructeurs automobiles français sont plus élevées que dans le reste des biens et services. Avec environ 50%, c’est vrai à froid, si l’on compare cela à un multiplicateur des dépenses publiques donné à 0,4 (sur 100 € de stimulation budgétaire, 40 seulement seraient consommés en France). A froid, seulement, car quid des véhicules français produits à l’étranger ou intégrant des pièces fabriqués hors de France ? En définitive, cet argument des importations est peut-être tout simplement secondaire, d’autant plus quand on peut attendre une expansion budgétaire chez nos partenaires commerciaux. Pour la première fois depuis longtemps, on peut espérer sans rire une relance, si ce n’est concertée, du moins simultanée en Europe.

Les remboursements d’impôts anticipés me plongent dans un grand scepticisme. Si, comme le souligne Christian de Boissieu, elles favorisent la trésorerie des entreprises à court terme, je vois mal en quoi elles diffèrent des mesures en faveur du crédit décidées récemment. Il n’est probablement pas farfelu d’affirmer qu’elles nous éloignent plutôt d’une logique de stimulus budgétaire. A la différence des mesures portant sur le crédit, il est exact qu’elles ne dépendront pas du bon vouloir des banquiers et s’appliqueront sans passer par la moulinette de l’analyse de crédit.

En définitive, on peut résumer les choses ainsi :

  • derrière la communication sur la stimulation de la croissance à long terme, il y a des mesures de dépenses, c’est bien ;
  • leur montant sera-t-il suffisant ? Beaucoup pensent que non et parlent déjà d’un second plan à venir. Mais est-il judicieux de procéder en plusieurs fois ? Si l’on suit Krugman, par exemple, il faut mettre le paquet tout de suite, pour tenir compte de la probabilité d’une sévère récession. On relèvera que le même Krugman encourage le gouvernement américain à stimuler la dépense d’infrastructure, après la stimulation fiscale de Bush, dont il regrette qu’elle se soit traduite par un accroissement de l’épargne, ce qui est un risque dans les plans de baisses d’impôt en récession (une dépense ayant un impact initial mieux assuré de ce point de vue, car la totalité de la dépense irrigue le circuit économique).
  • la courroie de transmission politico-administrative sera-t-elle solide ? Si les dépenses programmées ne sont pas réalisées rapidement, leur impact sera dillué, autant dans la mécanique que dans les esprits. En pourcentage du PIB, le plan est ainsi deux fois moindre que celui évoqué aux Etats-Unis.
  • avoir presque totalement délaissé le volet consommation directe est risqué, pour les mêmes raisons. Au delà des prises de position plus ou moins partisane, faire feu de tout bois aurait certainement été plus justifié.
  • last but not least, ces dépenses, elles sont vraiment porteuses de croissance ? On a envie de dire que ce n’est pas le problème du moment, mais bon, puisqu’on nous en parle… on peut, pour caricaturer, évoquer cette page chez Xavier Sala-i-Martin qu’Alexandre signalait récemment. __EDIT :__ quand je parle de “croissance”, je veux dire croissance à long terme, pas hausse conjoncturelle de l’activité, cible première d’un plan de relance-stabilisation.

Reste des questions en suspens : la baisse de la TVA qui n’a pas été envisagée comme au Royaume-Uni aurait-elle été une bonne idée ? En termes économiques, on sait qu’elle demande d’être copieusement répercutée sur les prix pour avoir un effet de stimulation de la consommation. Son impact sur l’investissement ou les salaires n’est pas inimaginable, mais reste toujours plus incertain. Comment se combinerait-elle avec les pressions désinflationnistes récemment constatées ? Bien sûr, il y a encore l’aspect importations. Certes, chaque fois qu’un français dépense de l’argent, une partie part en produits étrangers. Mais c’est inévitable et ce ne sont pas les dépenses publiques d’infrastructures qui changeront cet état de fait. D’abord parce qu’une partie des contrats signés se traduiront en importations. Ensuite, parce qu’en définitive, ce que l’on veut, c’est bien une augmentation de la consommation ! Or, à moins d’interdire aux salariés des entreprises concernées d’acheter étranger, l’effet final sera sensiblement identique. On peut aussi noter que dans le cas d’une réapparition du serpent de mer de la baisse ciblée sur certains services tels que la restauration, on peut facilement l’écarter (j’ai déjà essayé de commander un pastis en Inde : c’est galère). Le point intéressant de la baisse de la TVA, c’est son caractère globalement neutre fiscalement. Elle n’est ni régressive, ni progressive, ce qui signifie qu’elle est acquittée proportionnellement selon les revenus (on ne manquera pas de faire remarquer que, du coup, une baisse profite davantage en valeur absolue aux plus riches, mais le problème n’est pas là dans cette histoire, puisque, justement, ce sont aussi eux qui sont susceptibles d’épargner plus). Or, compte tenu du contexte politique, un peu de neutralité ne peut pas faire de mal, quand on veut éviter un minimum la cacophonie. Les questions d’économie politique sont presque aussi importantes que celles de tuyauterie. D’ailleurs, la gauche s’est emparée de la mesure de Gordon Brown pour l’occasion.

Voilà, pour le moment, ce que m’inspire les dernières heures, à partir des informations disponibles. Même si je ne suis pas animé par les mêmes réticences, j’avoue me reconnaître dans les mots que Piketty a eu sur l’absence de lisibilité des montants réellement en jeu, bien que, contrairement à lui, je m’écarte de la question de savoir s’il s’agit d’argent déjà prévu ou non. Pour l’instant en tout cas, puisque la question ne sera pas anodine quand il faudra envoyer une seconde salve.

Un dernier mot pour contester la longue analyse d’Alexandre concernant le premier emploi créé par le plan de relance. Si, comme cela s’est murmuré, Brice Hortefeux devient secrétaire général de l’UMP et reste au gouvernement (hypothèse), alors ce sont les heures sup qui vont augmenter…

Share Button

26 Commentaires

  1. Petite question d’un ignare:

    Il me semble que le Japon avait déjà fait des plans relances spectaculaires dans les années 90 avec des sommes colossales, ce fut un échec intégral. En quoi est-ce que le cas actuel est différent?

    Réponse de Stéphane Ménia
    “we aren’t yet stuck in the trap of deflationary expectations that Japan fell into after years of insufficiently forceful policies. And Japan waited far too long to recapitalize its banking system, a mistake we hopefully won’t repeat.” Paul Krugman. Il est essentiel que les gens comprennent que quand il y a une récession importante, on ne reste pas les bras croisés. Ce n’est pas être de gauche, ce n’est pas être un intégriste keynésien. C’est un des acquis de l’analyse économique qui du reste évolue dans sa compréhension de ce qui fait ou non une bonne politique de stabilisation.

  2. «il y a des mesures de dépenses [publiques], c’est bien»

    Alors ça, j’aimerais que vous m’expliquiez :

    pourquoi est-ce bien que l’Etat prenne encore plus d’argent aux contribuables ou aux créanciers pour le dépenser ?

    Les contribuables ne sont-ils pas adultes capables de dépenser comme des grands ?

    Et si ils choisissent de ne pas dépenser mais de se désendetter ou d’épargner, en quoi est-ce un mal ?

    Guizot a dit : «Enrichissez vous par le travail et par l’épargne.»

    Il n’a pas dit : «Enrichissez vous par la consommation et l’endettement.»

    Il me semble qu’en voulant à tout prix «relancer», on est dans la logique qui a amené la crise.

    Il est donc peu probable que cela la résolve (A. Einstein :«C’est une erreur de compter sur les hommes qui ont créé un problème pour le résoudre»).

    Etant un affreux ultra-libéral (forcément ultra), je considère que le seul vrai plan de relance, c’est la baisse des dépenses publiques et la baisse subséquente des ponctions de l’Etat sur l’économie libre.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Vous êtes bien agressif. Que vous ai-je fait ?

  3. Guizot a dit : «Enrichissez vous par le travail et par l’épargne.»
    Il n’a pas dit : «Enrichissez vous par la consommation et l’endettement.»

    Waaaaahahaha…. Enorme. Harpagon dans toute sa splendeur. Et dites moi, à quoi ça sert d’être riche si on n’utilise pas sa richesse ?
    Je ne pensais pas trouver une citation ascétique aussi convaincue en 2008.

  4. Mais non, je ne suis pas agressif, je suis juste un peu esseulé 🙂 (Voir commentaire sur billet précédent)

    Vous ne m’avez cependant pas répondu. Si une réponse théorique vous semble un trop vaste sujet, auriez des exemples de relance étatique qui ont fonctionné ?

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je suis désolé, mais je n’ai pas le temps de reprendre les épisodes de stabilisation (je préfère le terme à celui de relance) qui ont fonctionné, tout ça pour que vous finissiez par me resservir des arguments que je connais déjà et dont je suis sûr que pour certains d’entre eux, vous les exagérerez.

  5. Ma proposition pour un plan de relance numéro 2:
    que l’état distribue à tous les français un carnet de chèque "services à domicile" de par exemple 300 euros.
    C’est de l’argent qui ne partirait pas dans la "poche des importations".
    Ca permettrait à beaucoup de français de découvrir l’intérêt de consommer des services plutot que des produits inutiles, à l’obsolescence programmée et polluants, et donc en partie à continuer à utiliser ses services une fois le carnet de chèque terminé (création d’emplois nombreux à terme).
    Et sans doute beaucoup d’autres intérêts (et sans doute aussi quelques défauts), mais je ne suis pas un expert, c’et juste une idée qui m’est venue comme ça.

  6. Je suis contre ce plan, par principe.
    En effet, les expériences de désastre économique sont riches pour en découvrir plus sur le comportement humain en période de stress, si j’en crois le lien de votre billet précédent.

    En fait, il y a carrément des jours où j’aimerais qu’on fasse ce que les ultralibéraux demandent. Juste pour qu’on ait un exemple incontestable à leur donner que leur projet ne fonctionne pas.

  7. Je ne sais pas si une distribution de chèques emploi-service (remplis à 300€) représenterait une augmentation conséquente de la demande globale…

    Ce qui manque surtout c’est que l’Europe à 27 fasse de même : n’oublions que les 3/4 des échanges commerciaux de l’UE sont intra-zones… Peut-être y a-t-il ici un bon moyen de réduire au maximum la contrainte extérieure ? Est-ce qu’il y a des études disponibles sur la question ?

  8. Je vous remercie de votre réponse : à sa manière, je la trouve fort instructive (aucune ironie de ma part).

    Je vous donne rendez-vous dans deux ans.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Dans deux ans, nous serons tous morts. Mais peut-être pourriez-vous, vous, proposer une liste des programmes de stabilisation ratés ? Pour ma part, je viens de terminer la rédaction de la chronique du livre de Bozio et Piketty, qui m’a pris un certain temps, après être parti chercher quelques bêtises dans un magasin de bricolage plein de gens en furie. Entre temps, ma gamine est revenue de chez ses grands parents et j’ai jugé utile de passer un peu de temps avec elle. J’espère que ce commentaire sera pour vous aussi instructif que le précédent.

  9. Allons Franck Boizard, vous ne voulez pas réécrire l’histoire économique tant que vous y êtes ?
    Vous voulez un plan de relance râté ? La relance socialiste de 1981-1982.

  10. J’étais au restaurant.
    «Allons Franck Boizard, vous ne voulez pas réécrire l’histoire économique tant que vous y êtes ?»

    Sous-entendez vous qu’il y a unanimité pour dire que le New Deal fut une réussite ? En ce cas, vous êtes gravement sous-informé.

    «Vous voulez un plan de relance râté ? La relance socialiste de 1981-1982.»

    OK

  11. Ce qui me frappe c’est que la pratique récente dans les administrations publiques a été principalement de se serrer la ceinture, notamment en faisant trainer de façon parfois scandaleuse les règlements de fournisseurs (cela vaut aussi pour bcp de rémunérations bonus des agents, par exemple le BAC pour les profs).

    Et tout d’un coup on annonce qu’on tire un trait sur ces pratiques.

    Je m’interroge en particulier sur l’application de ces mesures dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières, déjà assez échaudées par les transferts de charge insuffisamment compensés. D’autant plus que la structure de pouvoir est beaucoup moins pyramidale. Si un ministre décide, ce sera en gros mis en œuvre dans son ministère. Qui ira par contre dire à un maire comment gérer sa trésorerie ?

  12. @Skav
    faire traîner les règlements des fournisseurs ou des agents, ça n’est pas se serrer la ceinture, c’est serrer la ceinture des autres, en plus d’être malhonnête.

  13. C’est bien souvent le trésor public qui gère la trésorerie des collectivités, donc le problème n’est pas si grand pour peu qu’il y ait des instructions ministérielles claires (en a-t-on les moyens, c’est douteux).

    Sur la question plus générale des plans de relance, on trouve très difficilement des exemples de pays s’étant sortis d’une récession par la dépense publique; on trouve plus facilement des exemples dans lesquels cela n’a pas fonctionné. Un plan de relance-stabilisation, de toute façon, s’inscrit toujours dans un contexte beaucoup plus déterminant que le plan lui-même. En tirer la conclusion qu’il ne faut rien faire, c’est aller vite en besogne (ou partir d’un postulat, qui est que la dépense publique est toujours mauvaise).

    De toute façon, c’est irréaliste : il est tout simplement inenvisageable qu’un gouvernement reste en situation de crise sans rien faire, s’il veut avoir quelques chances de rester au pouvoir. La seule question est celle de l’effet des mesures choisies. De ce point de vue, comme l’indique Stéphane, le plan actuel semble assez pauvre en effets sur la demande globale à court terme, et riche en effets potentiellement pervers sur la croissance à long terme, en orientant l’investissement sur des secteurs en déclin et sur des infrastructures à l’efficacité douteuse.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Plutôt que de me laisser aller au vocabulaire ambiant, j’aurais dû clairement employer le terme de “plan de stabilisation”. Ce n’est pas la même chose.

  14. Et que penser de la proposition d’amendement UMP de "socialiser" une partie des pertes en Bourse des particuliers? Cadeau de Noel? Initiative irréversible qui transgresse la séparation Etat – marché et fait voler en éclat la responsabilité individuelle du boursicoteur?

  15. Autre question : Krugman dit qu’il est encore temps d’agir parce qu’on n’est pas encore entré dans la spirale des attentes déflationnistes.

    Sur quoi base-t-il ce diagnostic ?

    En tous les cas, mes familiers sont bel et bien entrés dans la spirale des attentes déflationnistes : cinq minutes de discussion avec chacun ne laissent aucun doute, ils repoussent les achats (sauf de Noël) à demain en pensant que ça ne sera pas plus cher et sûrement moins.

    Bien sûr, ça n’a aucune valeur statistique, mais ça renforce ma curiosité sur l’affirmation de Krugman.

  16. Vous écrivez : "last but not least, ces dépenses, elles sont vraiment porteuses de croissance ? On a envie de dire que ce n’est pas le problème du moment, mais bon, puisqu’on nous en parle…"

    Malgré un ton un peu…offensif, Franck Boizard ne fait que reprendre cette affirmation qui est la vôtre. Et un peu celle d’Angela, qui se fonde aussi sur le principe d’orthodoxie budgétaire nécessaire pour la cohésion de l’euro (et d’anti-sarkozysme primaire, mais il ne faut trop le dire).

    Tout cet argent, c’est un peu le nôtre. OK, dette ou impôt, dette qui nous appartient, etc. Mais enfin, ça reste notre blé à nous, pauvres assujettis qui ne sommes pas assez intelligents pour dépenser correctement. Est-ce utile de nous le prendre pour le dépenser à notre place, sans imaginer que nous allons ajuster notre comportement à ce transfert de richesse ?

    D’ailleurs, pendant que j’y pense, j’ai des voisins qui semblent ne pas vouloir dépenser suffisamment (à mon goût) pour Noël. Il faudrait que je dispose du droit de saisir une partie de leurs avoirs pour les dépenser pour notre bien à tous (et aussi le mien). J’ai une liste de cadeaux bien utiles, leur argent m’arrangerait bien.
    –> Projet de loi à imaginer : mise en place de comités (de salut public) autorisés à saisir l’épargne des brebis galeuses dénoncées par leurs voisins pour la dépenser…au nom de la relance.

    Réponse de Stéphane Ménia
    D’abord, quand je parle de croissance, je ne parle pas de stimulation de la demande et d’expansion à court terme. Je parle de croissance à long terme, c’est-à-dire de stimulation de l’offre. C’est en ce sens que je m’interroge sur l’impact de ces dépenses. Ensuite, et c’est pour cela que je préfère la notion de stabilisation à celle de relance (franchement, on pourrait me reprocher de chipoter d’ailleurs ; mais je crois qu’on comprend la différence), je considère qu’il n’est pas utile (et pas très raisonnable) de croire que les dépenses de stabilisation peuvent avoir un impact sur le potentiel de croissance. A court terme, c’est autre chose.
    Quant à votre analogie avec les voisins à qui vous voulez piquer du fric, on dirait du Pascal Salin et sa fable des voleurs majoritaires dans un village. Si vous êtes l’élu d’un comité de quartier qui a dans son règlement intérieur des prérogatives sur les revenus de vos voisins à l’approche de Noël, vous pouvez peser de tout votre poids et de toute votre légitimité démocratique pour mener votre projet à bien. Vous ne serez peut-être pas réélu la prochaine fois. Ou peut-être que oui.

  17. Bonjour,
    Le 4 Novembre, l’Etat signait avec Réseau Ferré de France un contrat 2008-2012 prévoyant un budget stable en € constants et un augmentation de la part des recettes commerciales de 48 à 60% du budget. Soit une économie de plusieurs milliards d’€ pour l’Etat.
    Lorsque Sarkozy annonce que l’Etat, la SNCF et les Régions vont augmenter leurs investissements, il faut comprendre ceci: la SNCF, en bon monopole, va augmenter ses tarifs pour financer le désengagement de l’Etat. Ce que feront les régions (TER), je n’en sais rien, mais ce n’est pas la part du lion.

    Du coté des autoroutes, il me semble avoir entendu un élu local ou le
    PDG d’Eiffage dire que les projets pourraient démarrer en 2010…
    La aussi, nul argent de l’Etat. Les autoroutes sont financées par péage.

    Globalement si RFF et les concessionnaires autoroutiers empruntent et se remboursent par des péages sur X années, on a bien une mesure de relance.
    Je doute que le timing soit bon, encore plus de la réalité de ce plan.

    Concernant la TVA, le génie de Gordon Brown est d’annoncer une baisse puis une hausse de la TVA. En 2006, les Allemands ont, une fois n’est pas coutume, augmenté leur consommation anticipant une hausse de la TVA en 2007.
    Plus que rassurer les marchés, par cette mesure, G. Brown ancre les anticipations d’inflation des consommateurs du bon coté.

  18. Franck Boizard : La spirale des attentes déflationnistes, c’est une baisse des prix : en théorie, si la concurrence fonctionne, elle ne peut pas avoir lieu à coûts de production constants (les prix du marché étant sensés être trop peu supérieurs au côut de production).

    Donc, si elle se produit, c’est que les coûts de production eux aussi baissent, c’est à dire, que des pertes de revenus réelles des agents accompagnent des anticipations à la baisse des prix.

    A cet instant, il semble difficile de considérer qu’il y a des pertes réelles de revenus des agents, étant donné, notamment, la résistance des dépenses de Noël.

    La remarque de Krugman est qu’une fois la spirale déflationniste amorcée, rien que puissent faire des gouvernements n’y pourra grand chose (hormis peut-être des politiques économiques et monétaires parfaitement synchronisées à niveau mondial ce qui est absolument irréaliste)

  19. "Plan de stabilisation" est une bonne formule, en effet, meilleure que "plan de relance". Je persiste à douter de son impact en France, compte tenu d’une accoutumance au déficit public autour de 3%. Il faudrait un montant considérable pour sortir les Français de leur torpeur, accompagné de réformes choc qui débloquent notre économie molle. Nous en sommes loin.

    Notre technocratie au pouvoir est en train de nationaliser davantage le logement, tendance dont nous connaissons les effets catastrophiques, à jouer aux stratèges industriels avec des entreprises publiques, à créer des effets d’aubaine pour ceux qui veulent acheter leur voiture maintenant plutôt que dans un an, etc.

    La réglementation du travail et les charges restent aussi lourdes (sauf dans les TPE qui ne voudront pas grossir de peur de perdre leur maigre avantage de charges sur bas revenus, l’avenir quoi !), les gouvernants persistent à défendre nos fleurons et à cantonner notre tissu de PME à servir de sous-traitants, c’est à dire d’amortisseurs. Pour sortir de la récession, les entreprises doivent pouvoir se développer le plus librement possible, non ?

    Attendons de voir si des réformes audacieuses accompagnent vite ce mini plan surtout destiné à faire la une des journaux. Le statut d’auto-entrepreneur semble aller dans la bonne direction, par exemple, en espérant que ses seuils seront relevés.

  20. @ Franck Boizard :
    Entre un plan de stabilisation raté et une réussite, il y a un monde.

    Je ne suis pas sous-informé sur la question : je n’ignore pas que le véritable facteur du redémarrage américain après 1929 a été la guerre.
    Mais ce que vous sous-entendez, et même si c’est l’opinion de certains économistes, c’est que laisser libre-cours au marché aurait été plus efficace (du moins c’est l’hypothèse que je fais, aux vues de vos posts). Et là, oui, il me semble bien que vous voulez réécrire l’histoire : le New Deal a eu un bilan mitigé, mais vous ne pouvez pas dire que s’il n’avait pas été là c’eut été pire, car cela reviendrait à écrire l’histoire des années 1930… sans le New Deal.

    Au passage, qu’un des blogeurs m’arrêtent mais, Pierre Laval, par ses décrets-lois de 1935 réduisant de 10% la dépense publique, n’a fait qu’aggraver la crise en comprimant le marché intérieur…

  21. Pour répondre à la question posée dans le titre du billet, ce plan ne déchire rien du tout.

    L’impression que ça me laisse, c’est que Sarkozy est le parfait produit du système qui a créé le problème et qu’il ne comprend pas grand chose à ce qui se passe. Ces mesures sont dérisoires face à l’ampleur de l’onde de choc déflationniste. Pouvait-il en être autrement ?

    @Franck Boizard "je considère que le seul vrai plan de relance, c’est la baisse des dépenses publiques et la baisse subséquente des ponctions de l’Etat sur l’économie libre" : super programme, visionnaire même…

    C’est ce mode de pensée simpliste qui nous a flanqué dans la mouscaille jusqu’au coup. C’était bien la peine de citer cette pensée ô combien profonde d’Einstein…

    L’Etat et le Marché ont chacun un rôle à jouer. Le dogmatisme pro l’un ou l’autre est stérile. Le Marché a montré ses limites récemment, c’est à l’Etat de prendre temporairement la main le temps de "stabiliser" le système. Hélas je crains que ça ne soit pas possible, le retour de bâton est trop violent, et qu’il ne faille le "reconfigurer" profondément.

  22. "le véritable facteur du redémarrage américain après 1929 a été la guerre." (dixit Pioupiou)

    euréka ! voilà ce qu’il nous faut pour sortir de la récession : une bonne guerre ! Celle d’Irak ne suffit pas.

    je sais bien qu’il y a même des économistes (sic) pour croire que les guerres ont un effet positif sur l’économie, mais quand même, faudrait pas trop pousser dans l’absurdité…

  23. Attention à ne pas faire de contre-sens : la seconde guerre mondiale a effectivement fait des E-U une puissance économique de premier plan.

    Mais le cynisme des économistes n’est bien qu’un simple cynisme : aucun d’entres eux ne vous proposera une bonne guerre pour mettre tout le monde d’accord… à moins d’être fou (ou actionnaire majoritaire d’une entreprise d’armement en situation de quasi-monopole 🙂 …)

    Dans le même genre, certains disent que le faible taux de chômage américan s’explique peut etre en partie par le taux élevé d’incarceration… de là, dire qu’il faille emprisonner les jeunes des banlieues pour résoudre le même problème en France, il y a un monde d’absurdité et personne ici ne vous dira le contraire.

  24. Il est dommage qu’un article de cette qualité se traduise chez certains lecteurs par une amertume percevable. Juste un point pour rappeler que commenter un plan de relance de l’économie française implique de ne pas raisonner qu’en homo economicus grincheux, avec des envolées lyriques du style "ponctionner sur l’économie libre".
    L’économie n’est pas affaire d’étroitesse d’esprits et de petites querelles (le New Deal a-t-il marcher) mais est plutôt un savant mélange à mon sens de vision du monde et de découverte empirique.

    A bon entendeur, salut, et merci à Stéphane pour cet article instructif, bien écrit, lisible et compréhensif par tous (plan de relance pour plan de stabilisation, ca va suffire je pense à beaucoup de vos lecteurs!)

  25. Je suis peut-être bête, dogmatique, grincheux, butor (mais les sophistes médiévaux étaient d’une grande subtilité, ce qui ne les empêchaient nullement de tenir des propos qui nous paraissent aujourd’hui ridicules) ou, plus simplement, en désaccord avec vous.

    Cependant, il n’y a qu’une seule personne, Pioupiou, qui a tenté de répondre à ma question «Y a-t-il jamais eu un "plan de relance" qui a fonctionné ?»

    Alors si la subtilité consiste à éviter de répondre à des questions élémentaires, je vais m’y mettre.

Commentaires fermés.