Le noeud du problème

Elie Cohen :

“Faut-il limiter les bonus et la distribution de dividendes ? L’intrusion de l’État dans la gouvernance et le management des banques à la faveur des plans d’aide au secteur bancaire soulève deux problèmes. Soit les bonus des dirigeants sont indexés sur la performance et en toute logique ils devraient être proches de zéro, compte tenu de la dégradation profonde de la situation des banques en 2008 qui ne pouvait être anticipée au moment de la fixation des objectifs fin 2007. Dans ce cas, l’intervention présidentielle relève du théâtre politique. Soit les dirigeants s’apprêtaient malgré tout à se verser de copieux bonus, et, dans ce cas, les conseils d’administration auraient gravement failli à leur tâche. Le vrai problème est celui des bonus des traders et autres banquiers d’affaires dont on peut estimer qu’il a contribué à des prises de risque excessives. Or curieusement nul n’en parle. Une structure d’incitations perverse qui a fait la preuve de son caractère nocif devrait davantage occuper les esprits. Quant à la distribution des dividendes, les conseils d’administration devraient en décider sur la base de deux paramètres : la fidélisation d’actionnaires qui ont perdu en moyenne les 3/4 de leur capital depuis le début de la crise et le besoin de reconstitution de fonds propres. L’intervention de l’État ôte une fois de plus aux conseils d’administration la possibilité de faire leur métier et d’assumer leurs responsabilités.”
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9 Commentaires

  1. Oué bon a part les remarques populistes (mais vraies) que dire :

    – Les patrons du CAC se votent entre eux leurs salaires et primes (chaque patron est administrateur de son copain voisin). Que faire si ce n’est une interdiction de cumul des mandats ? Ce qui aurait aussi comme avantage de contrer le moutonisme d’affaire.

    – Les bonus des traders. On est dans un business a court terme, pas que dans la finance… Ce qui compte ce n’est pas de vendre un frigo pour faire un consommateur heureux qui reviendra chez vous dans 3 ans pour son lave vaisselle. Ce qui compte c’est de vendre le plus possible tout de suite. Après on verra. Bah les traders c’est pareil. La prime est a la fin de l’année, donc pour gagner on fait comme tout le monde, on trace une droite sur le passé de l’indice et on continue. Quand ça monte ça va continuer a monter et quand ça baisse… Le bonus, pour être significatif, devrait être sur le long terme (un cycle de hausse – baisse) et basé sur la sur performance. Mais vous avez vu beaucoup de jeune a haut potentiel rester plus de 3 ans dans la même boite ????

  2. 2 critiques.

    Il est difficile de dire que les performances des banques sont mauvaises quand certaines affichent des profits élevés. Bien sûr, les cours de bourse se sont effondrés, mais la performance des dirigeants doit elle être intégralement indexée sur la bourse?

    Je suis surpris par l’argument du dividende comme outil de fidélisation des actionnaires. L’actionnaire réagit aux incitations de la même façon que le salarié; ce n’est pas tant le dividende ou le bonus qui fidélisent que la perspective d’en recevoir encore les années suivantes. C’est généralement juste après les bonus qu’on constate un pic de démissions. Et distribuer un confortable dividende aujourd’hui peut décider l’actionnaire à sortir après avoir un peu réduit sa perte.

    En revanche, je plussoie le point sur les bonus des employés. Mais le probléme de ces bonus n’est pas leur inadéquation à la performance, mais bien le fait que cette performance soit due en grande partie à des asymétries d’information et des externalités.

  3. Ce que je ne comprends pas réellement, c’est en quoi il serait nécessaire de disposer de banques françaises pour financer l’économie française.

    Quel intérêt a donc l’argent public à financer un secteur bancaire dont le travail pourrait fort avantageusement être fait par les banques étrangères ?

    Auquel cas on pourrait constater la faillite unanime et uniforme du secteur bancaire français et cesser d’attendre de lui quoi que ce soit, et le restructurer comme le fût en son temps la sidérurgie.

  4. "Une structure d’incitations perverse qui a fait la preuve de son caractère nocif"

    OK, mais où était l’incitation perverse, exactement?

    Les banques ont toujours intérêt à prendre un certain niveau de risque pour tout un tas de raisons. Mais ces dernières années / décennies, elles avaient intérêt à en prendre plus que d’habitude, notamment à cause de la socialisation des pertes et de l’expansion monétaire.

    Quand les pertes sont socialisées, et face à une envolée des prix immobiliers, il est rationnel de prêter plus. Si les banques avaient dû assumer leurs pertes, et sans expansion monétaire, elles auraient eu moins d’incitations à prendre des risques.

    Les incitations "perverses" ce sont donc celles créées par ces institutions. Elles sont perverses parce qu’elles autorisent une forme vol. Par conséquent, il faut s’attendre à ce que les acteurs bien placés saisissent l’opportunité. Les bonus des traders en sont un symptôme.

    C’est pervers, et pourtant je suis prêt à parier qu’il y a deux choses qui ne changeront pas dans les réformes et réglementations à venir : le prêteur en dernier ressort et la monnaie à cours forcé.

  5. La dernière phrase de la citation est vraiment curieuse. Surtout le "une fois de plus".

    Ainsi donc ce serait aussi la faute de l’Etat si les conseils d’administration ne conseillent pas grand’ chose et en administrent encore moins ? Ca c’est la meilleure de l’année !

    Plus sérieusement, sur les dividendes : j’avoue que dans le cas des banques, je peine à voir ce que les dividendes peuvent vraiment compenser des pertes en capital. Un titre Société Générale passé de 145 à 25 euros en moins de deux ans, ce n’est pas un pauv’ dividende de 1 ou 2 euros qui va changer grand chose.

    Je m’interroge d’ailleurs sur cette manie des financières de continuer à cracher du dividende coûte que coûte, alors qu’elles demandent des quasi-fonds propres auprès de l’Etat et que leurs ratio dettes/capitaux propres sont à faire peur, en Europe notamment.

    Il serait d’ailleurs intéressant de comparer ce que les banques vont faire rentrer comme fonds propres ‘hybrides’, et ce qu’elles vont ressortir en coupons.

    Aux Etats-Unis, regardez un peu General Electric, au tiers financière, qui promet de maintenir son dividende 2009 comme en 2008 avec des profits en berne. Le taux de distribution de ses bénéfices était déjà de 70% en 2008, et d’après les prévisions-maison au doigt mouillé, pourrait atteindre 90% en 2009 (si les bénefs prévus sont au rdv, s’entend).

    Quand je vois un truc pareil dans un contexte pareil, j’aurais plutôt tendance à fuir en courant. C’est tout sauf sain et durable.

    C’est moi ou il est abradacabrantesque d’ouvrir ainsi les vannes à flouze quant on n’est sûr ni de l’avenir, ni même du contenu de son propre bilan ?

    La parole est au conseil d’administration…

  6. on crie haro sur les traders, ce sont des cibles faciles. les banques se faisaient une concurrence extreme, et ont parfois débauché des employés a prix d’or, parfois meme en se trompant (ie, la dite personne faisait des pertes au lieu de gains).

    mais quand le PSG recrute une star des millions d’euros et qu’elle ne marque pas de but, met-on le buteur en question en prison, ou lui demande ton de rembourser son salaire et ses primes ?

    les primes de traders ne sont que des incitations au résultat, cela encourage evidemment des prises de risques, et il faut le contrebalancer par des garde-fous et des controles a tous les niveaux. et si tout le monde fait son travail, statistiquement ca devrait marcher (en simplifiant, pour X traders qui se plantent, 2 X gagnent)

    par exemple Kerviel etait un tres mauvais trader, qui a perdu 5 milliards, en plus il n’avait de toute facon pas de bonus (si il en avait eu, il se serait peut etre responsabilise). mais surtout on ne l’a visiblement pas controle. et la faute ce n’est pas le systeme de bonus, mais plutot dans son cas, l’absence de systeme de bonus, et surtout l’absence de controle et des defaillances dans l’organisation et le management.

    il faut en finir de designer une classe socio-professionnelle comme cause de tous les maux de notre societe. bientot des pogroms de traders ?

  7. Il me semble me souvenir que Bear Stearns et Lehman étaient la propriété de leur employés pour environ 1/3 ce qui ne les a pas empêché de couler. Si seulement ce truc d’incentif pervers pouvait etre vrai.

    Il y avait des traders avant que les bonus de footballers existent et leur job était de prendre les risques. Ce qui les motivait était la même chose que ce qui motive une troupe de babouins: être l’alpha mâle avec la plus grosse paire. Le problème est qu’il faut contrôler les traders et c’est un boulot plutôt "physique".

    Les responsables sont les patrons qui n’y comprennent rien et pensent qu’ils sont les seuls a pouvoir marcher sur l’eau; les Will E. Coyotte du banking.

    Pour le reste je trouve que l’exposé d’Élie Cohen est clair, comme d’habitude.

  8. @ Merlin

    Très intéressante remarque sur Lehman! Si c’est bien le cas, ça me conforte dans l’idée que la prise de risque excessive n’était pas dûe à un problème d’agence, mais que c’était tout simplement une stratégie gagnante (ex ante) pour les actionnaires.

  9. Il faudrait aussi voir si ce sont vraiment des actionnaires dont il faut attendre un comportement responsable. En effet, leur rémunération les incitent à prendre des risques mais pas à prendre en compte les pertes des créanciers.
    http://www.voxeu.org/index.php?q...

    Dans le même temps, le contrôle par les débiteurs (qui fonctionne pour les autres entreprises) a toutes les chances d’être défaillant (ce sont soit des déposants peu informés bénéficiant de la garantie des dépôts, soit d’autres banques qui espèrent être sauvées en cas de crise systémique). C’est sans doute de ce côté qu’il faudrait renforcer les incitations ou les contre-pouvoirs.

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