Le livret A est attaqué !

C’est ce qu’on entend dire. Sur le blog de la CCIP, baptisé Friedland, Jean-Luc Biacabe explique que c’est un peu raccourci.

L’argumentaire est simple :
– le calcul du taux du livret A est automatique, basé sur l’inflation et deux taux d’intérêt de référence (l’EONIA et l’Euribor à 3 mois) ;
– si le taux baisse, c’est que ces taux baissent, ce qui n’est pas forécement une mauvaise nouvelle pour le rendement net du livret (mieux vaut 2% de rendement réel avec un taux à 3% que 1% avec un taux à 4%) ;

Du côté des explications, Biacabe nous dit :

“Alors pourquoi un tel émoi ? Au moins trois raisons peuvent être avancées:
– un biais catastrophiste des médias : c’est plus vendeur !
– la persistance d’une illusion nominaliste : on préfère avoir 4% de taux d’intérêt nominal avec une inflation à 3,5% que 3% avec une hausse des prix à 1,5%. C’est idiot, mais c’est comme ça !
– une incapacité à assumer la complexité du monde réel : une information n’est ni blanche, ni noire dans l’absolu. Ça dépend des situations individuelles, des circonstances etc…”

Et de conclure :

“Bref, dans cette affaire comme dans bien d‘autres, on voudrait avoir le beurre et l’argent du beurre. Qui aura le courage de dire à nos concitoyens que c’est impossible ?”

Je suis d’accord avec le texte, dans son ensemble. Mais ce dernier point ne me satisfait pas vraiment. Dès lors qu’il s’agit de taux administrés, on peut tout envisager, dans l’absolu. Il n’y a pas d’obstacle de principe à avoir le beurre et l’argent du beurre. Après tout, si le livret A est considéré comme un instrument de redistribution, au même titre que le SMIC, son taux (réel) peut très bien être rehaussé à la faveur du bordel ambiant. C’est, il me semble, la démarche de ceux qui s’insurgent publiquement. Imaginez donc… Après avoir confié la monnaie à la banque centrale indépendante, voilà qu’on lui donne pour toujours le pouvoir de calculer automatiquement le taux du livret A. Insupportable, n’est-il pas ? Bref, l’explication sur l’incapacité à assumer la complexité du monde réel est à relativiser ou, plus sournoisement, à renvoyer à l’auteur. Évidemment, nous ne reviendrons pas sur le fait qu’en matière de redistribution, il y a probablement mieux que de soutenir le taux du livret A. Sinon, ça va faire des histoires.

Pour tout savoir sur le livret A, la fiche Wikipédia.

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6 Commentaires

  1. Il a pourtant été très récemment démontré (février 2008, notamment) que le calcul du taux du livret A n’était automatique que pour peu que le résultat de ce calcul veuille bien se conformer aux souhaits du gouvernement. C’est donc un peu facile de proposer l’application des règles quand le résultat vous arrange pour les oublier lorsqu’il vous déplait.

    D’ailleurs, n’importe quel conseiller financier se précipitait pour vous l’expliquer depuis novembre 2007 pour vous convaincre de mettre votre argent ailleurs. Je sais bien qu’il a l’air un peu con, l’agent économique, mais c’est quand même un peu offensant de voir l’intellectuel du jour s’imaginer qu’il puisse avoir la mémoire aussi courte en ce qui concerne le fruit de son travail….

    Mais après tout, changer les règles du jeu en fonction des priorités du jour, n’est-ce pas la fonction même du politique ?

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je ne comprends pas bien votre commentaire. Qui veut changer les règles qui l’arrangeaient et lui déplaisent maintenant ? Le gouvernement ou l’opposition ?

  2. L’argumentaire de Biacabe me semble pour le moins spécieux : il prétend que la Banque de France définit la règle qui donne le taux du livret A, ce qui est, au sens littéral de la chose, exact.

    Mais il en oublierait presque, au passage, de préciser ce que précise bien plus littéralement que lui évoquant des "circonstances exceptionnelles" (sous-entendu, révolues) la Wikipedia ( fr.wikipedia.org/wiki/Liv… ) et que d’ailleurs savent tous les épargnants s’étant intéressés au moins une fois ces dix huit derniers mois au livret A, le plus souvent, avec le soutien de leur banquier, c’est à dire que la Banque de France a décidé de changer de règle en février 2008 avec pour objectif avoué de trouver un calcul dont le résultat soit inférieur à celui que proposait la règle de calcul jusqu’alors utilisée, ce qui, vous en conviendrez, ressemble quand même assez furieusement à une simple administration du taux du livret A, administration contre laquelle Biacabe s’insurge désormais, puisque celle-ci pourrait, cette fois-ci, mener à un arbitrage en faveur d’une hausse du rendement du livret A plutôt qu’une baisse de son rendement.

    Il n’a d’ailleurs à l’époque pas manqué de voix au sein du gouvernement pour revendiquer être à l’origine de ce changement de position de la Banque de France de février 2008.

    A l’heure où la crédibilité des autorités prudentielles n’est pas à son apogée, voilà qui alimentera utilement le débat sur la crédibilité de la politique qu’il faut bien qualifier fe monétaire malgré l’Euro d’un état cherchant notoirement chez ses voisins de quoi boucler ses fins de mois.

    Ensuite, mais assez logiquement, Biacabe prétend réduire la totalité du débat sur l’administration du taux du livret A à un appel à l’imbécilité de l’épargnant. A ses yeux, ses contradicteurs seraient essentiellement motivés par l’ambition de flatter la démagogie et, au passage, l’irrationnalité du citoyen économe.

    Nous sortons, il me semble, d’une très longue campagne de lobbying auprès de la Commission Européenne, au cours de laquelle tout ce que l’industrie bancaire compte d’intellectuels aura été mobilisé pour dénoncer le monopole d’un livret A bien trop attirant aux yeux de l’épargnant le plus ordinaire (liquidité, sécurité, régime fiscal simple) grâce à laquelle nous savons désormais tous que l’industrie bancaire regrette de ne pouvoir disposer de toute cette épargne absorbée par le Livret A pour pratiquer leur métier.

    Et puisque l’usage de l’épargne du Livret A est malheureusement bien trop encadrée pour laisser aux techniciens de la finance la liberté requise pour s’exprimer, je ne m’étonne pour ma part guère de voir surgir ici et là de grands discours pour tenter par tous les moyens et avec tous les arguments possibles de réduire l’attractibilité du livret A.

    Mais ne serait-il pas plus simple d’admettre que, depuis février 2008 au moins et sans doute depuis bien avant, le livret A n’est qu’un outil administré de la politique économique parmi d’autres ? Et d’ailleurs, est-on bien certain que ce soit un mal ? Et d’ailleurs, les "circonstances exceptionnelles" qu’évoque Biacabe n’ont-elle pas quelque chose à voir avec des évènements assez antérieurs, comme le renversement de la tendance mondiale des cours de l’immobilier en 2005 ou les manoeuvres paniquées des banques centrales d’août 2007 ? Si vraiment tel n’est pas le cas, autant le nier. Ce n’est pas, me semble-t-il, le cas.

    Si tel est le cas, qui fait appel à la démagogie de l’épargnant ?

    Celui qui constate la situation pour ce qu’elle est et tente de peser dans le débat de fond ou celui qui prend l’initiative d’une position publique aussi largement tronquée ?

  3. Si les conseillers financiers ne poussaient pas au livret A, c’est qu’ils y touchaient une toute petite commission (voire même pas du tout puisque jusqu’à une date récente c’était un monopole des caisses d’épargne et de la poste).

    Ceci dit, ce n’est pas une raison pour céder au populisme ambiant, qui veut que dès que le gouvernement tente un simple ajustement structurel à la baisse, pourvu que ce soit au détriment du "populaire" (travailleur ou épargnant), on hurle hystériquement à l’insupportable complot de la Réaction, exploiteuse des masses paupérisées.

    Des règles de calcul consensuelles avaient été instituées pour éviter ce coût politique, et même ça, la démocratie française en semble incapable.

    En tant qu’économiste, votre devoir serait d’expliquer pourquoi il n’est pas sain qu’une épargne garantie atteigne des sommets de rendement sans limite claire à la hausse, et indépendamment du contexte économique.

  4. le beurre et l’argent du beurre, c’est vouloir relancer la consommation et en même temps encourager l’épargne. Quelle est notre priorité en ce moment?

    Réponse de Stéphane Ménia
    Pas faux. J’avais un peu interprété l’expression comme plus de rendement et sécurité.

  5. Il a surtout été démontré que le Libor était bidonné, mais pour sur l’euribor, surtout dans un contexte où le marché interbancaire est quasi gelé, ça c’est du solide.

    "Money-market rates may rise after the British Bankers’ Association threatened to ban members that deliberately understate their borrowing costs."
    http://www.bloomberg.com/apps/ne...

    Et pour ce qui est du beurre et de l’argent du beurre, on reste un peu timoré, par rapport à ceux qui sont déjà passé sur la crémière:

    "Wall Street Won’t Surrender on Bonuses, Veterans Say"
    http://www.bloomberg.com/apps/ne...

    PS: pour redemption, cherchez plutot sur bloomberg que google. Ca vous évitera de perdre du temps sur le web du vatican.

    Réponse de Stéphane Ménia
    PS : Replonk

  6. Merci pour cet article! L’état a en tout cas tranché cette discussion. Avec la hausse de l’inflation et surtout la baisse fin 2008 des taux directeurs par la BCE, le livret A va subir une perte de 1 à 2 points (tablons sur un 3% net).

    Il est à noter que tout le monde parle du livret A comme un produit pour les particuliers, mais c’est aussi un produit destiné pour l’épargne des associations et des offices HLM http://www.hsbc.fr/1/2/hsbc-fran...

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