Le gaspillage tranquille

Aujourd’hui, j’ai reçu un coup de fil.

En décembre dernier, j’ai candidaté sur un poste en économie en classe prépa. La procédure se fait par Internet. J’ai été invité à laisser mon numéro de téléphone pour qu’on m’avertisse le plus rapidement possible. Aujourd’hui, un peu avant 13h, un appel du ministère. J’écoute attentivement la dame qui m’annonce, après avoir vérifié que j’étais bien la personne visée, que l’an prochain, je resterai là où je suis. J’écoute tout son laïus. Je raccroche en me disant que bon, ben voilà, je m’en doutais fortement depuis un moment, mais c’est désormais officiel. Et puis d’un coup, ça tilte. La personne que j’ai eue en ligne à débité un texte lu (ou connu par coeur), durant lequel j’ai seulement dit deux fois “oui” et une fois “merci, au revoir, bonne journée à vous aussi”. Notez au passage qu’elle vient de m’annoncer que je l’ai bien profond et est contrainte, pour suivre un quelconque protocole, de me souhaiter une bonne journée. J’imagine l’effet que ça peut avoir sur ceux qui espéraient plus que moi. Bref. Je ne vais pas retranscrire tout dans le détail, mais son quasi-monologue était réellement informatisé (eh, je m’y connais, j’enseigne le système d’information de gestion). A la virgule près, ses mots étaient ceux que je pourrai lire quand les résultats parviendront en mars dans les boîtes aux lettres électroniques des enseignants. Voilà à quoi on emploie le personnel de l’administration centrale de l’éducation nationale. C’est contre-productif et punitif. Utiliser des gens pour faire ça, c’est le comble de l’inefficacité, quand on sait que des tas d’autres moyens existent et que des tas d’autres besoins aussi. Et quand on se met à la place des gens qui font ça, c’est n’importe quoi (je ne sais pas combien de fois la personne que j’ai eue en ligne a débité ça dans la journée, mais suffisamment pour que ce soit du temps perdu). Une bonne idée (annoncer plus vite les résultats) se transforme en une pitrerie grotesque.

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6 Commentaires

  1. Et enseigner dans une prépa privée, ça vous tente pas?

    Réponse de Stéphane Ménia
    Si vous avez une proposition, je suis prêt à l’examiner. Le caractère privé ou public n’a pas d’importance pour moi du moment que certains critères sont remplis.

  2. Et si c’était un call-center de Roumanie ?

    Réponse de Stéphane Ménia
    A part de dire que “ça crée des emplois chez les roms et comme ça ils restent chez eux”, ça ne change rien.

  3. Je viens de lire "SuperCrunchers" d’Ian AYRES et qui sait? la personne que vous avez eu au téléphone lisait non pas un texte mais un script qui anticipait toutes vos réactions possibles, déterminé statistiquement afin de minimiser la durée de la conversation et votre déception. A vous lire, on dirait que cela a marché.

    L’administration utilise des techniques bien plus elaborées que ce que vous croyez 😉

    Réponse de Stéphane Ménia
    🙂

  4. L’inefficacité de téléphoner au lieu d’envoyer des courriers est mineure.

    La vraie inefficacité est que des recrutements pour des classes de prépa se fassent au niveau d’un ministère !

    il faut libérer l’éducation !

    Réponse de Stéphane Ménia
    Ce n’est pas le ministère qui fait les recrutements en classes prépa, mais l’inspection générale. Et vous allez vous faire dégommer par d’autres lecteurs, parce que sur ce point, il est loin d’être certain qu’une décentralisation complète soit une bonne chose en termes de coûts et de qualité. Quant à une décentralisation partielle, elle existe déjà via les reelais que sont les IPR et même les chefs d’établissement (qui peuvent donner des avis informels sur les candidats qu’ils connaissent). Vous êtes dans l’idéologie jusqu’à l’os. On commence à avoir l’habitude avec vous.

  5. Appel automatisé, synthèse vocale et appuyer sur "1" pour "oui".
    Pas besoin d’un fonctionnaire pour ça, effectivement.

    Plus sérieusement, ce genre de procédure encombre bien des secteurs (appel téléphonique inutile pour être sûr d’avoir la personne en direct, PUIS courrier, avec accusé de réception parfois). A la base, ça répondait à une vraie nécessité, ou c’est juste ceinture + bretelles pour éviter tout risque de contestation procédurière en cas de mécontentement ?

    Réponse de Stéphane Ménia
    C’est un confort pour les personnes qui demandent une mutation. Elles sont informées jusqu’à 3 semaines avant la date officielle. Je ne comprends pas pourquoi on n’utilise tout simplement pas les boîtes électroniques dont nous disposons tous et où la réponse finale aboutira. Après tout, celui qui est intéressé peut la consulter.

  6. "eh, je m’y connais, j’enseigne le système d’information de gestion"

    Nous avons a faire à quelqu’un qui souffre, et qui, sans doute pour ne pas attirer à lui les projecteurs d’une larmoyante compassion, avait eut la pudeur de nous épargner les aspect les plus glauques de sa vie professionnelle.

    Il nous livre ici une souffrance sans fard.

    Merci, à l’avenir, d’en tenir compte dans vos commentaire.

    Avec toute ma compassion.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Gardez vos larmes pour ceux qui enseignent la comptabilité. La vraie misère, elle est là. J’en suis sorti, je ne peux me plaindre.

Commentaires fermés.