Le complot des agents immobiliers

Les agents immobiliers cacheraient, avec leurs complices des medias, les chiffres de la baisse de l’immobilier. Moins pour faire plaisir aux propriétaires que pour inciter les acheteurs à ne pas reporter à une future baisse leur acquisition. Complot ?

Edit : la chronique de François de Witt, qui a inspiré ce billet.

L’inconvénient de cette vision des choses, c’est qu’elle ne s’occupe que de la demande. L’offre et le volume des transactions du marché sont laissés de côté. Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes.

Du côté de l’offre, manipuler les chiffres c’est laisser croire que les offreurs pourront vendre leur bien à un prix supérieur à ce qu’il est raisonnable d’espérer. Or, les offreurs ont souvent un travers qui porte le nom d‘effet de dotation. Cette idée, mise en avant par Kahneman, Knestch et Thaler, tend à montrer que les individus donnent plus de valeur à ce qu’ils possèdent déjà qu’à ce qu’ils pourraient obtenir en échange. Appliquée au marché immobilier, elle suggère qu’un propriétaire peut avoir plus de mal à vendre qu’à acheter un bien immobilier pourtant de même valeur. Dans cette optique, la perspective de pouvoir vendre le bien à un prix qui correspond à l’idée (exagérée) qu’on s’en fait incite plutôt à se montrer plus gourmand et à refuser des offres jugées trop faibles. A l’inverse, des informations selon lesquelles le marché est orienté à la baisse peuvent accélérer la décision de vendre, afin d’éviter la situation où le prix sera bien plus faible qu’aujourd’hui. Le comportement des vendeurs, dans le cas de mauvaises nouvelles, serait assez symétrique à celui des acheteurs : les premiers veulent vendre plus vite, les seconds préfèrent attendre. A ceci près que dans cette situation, la baisse des prix a de fortes chances d’accroître le volume de transactions, qui reste limité dans le cas de bonnes nouvelles fabriquées.

C’est là que les agents immobiliers interviennent. Si on se fie à Levitt, un agent immobilier a tendance à vendre plus vite et moins cher le bien que vous lui confiez, en comparaison de ce qu’il fait pour lui-même quand il vend sa maison. En dehors du fait qu’il faut savoir être un peu ferme sur ce que vous attendez, on peut en déduire qu’un agent immobilier n’a pas intérêt à voir les invendus s’empiler dans son portefeuille. En d’autres termes, si la baisse des prix (et donc de la commission par transaction) est compensée par la hausse des volumes de transactions (et donc des commissions globales), il n’est nullement de l’intérêt des agents immobiliers de faire croire à l’inverse d’une baisse. On me dira qu’un krach immobilier aurait un effet dévastateur sur le marché et les prix. Certes. Mais comment croire à cela dans l’immédiat, compte tenu des fondamentaux, notamment une offre globalement encore insuffisante ? Au delà, qui peut penser que la corporation soit suffisamment puissante pour cacher à tout le monde la baisse des prix ? Les amateurs de cinéma ?

Billet inspiré par une chronique de François de Witt, sur France Info (non encore en ligne).

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20 Commentaires

  1. Les fondamentaux (l’offre insuffisante) ne suffisent toutefois pas à expliquer une telle hausse de l’immobilier.

    Les prix de l’immobilier ont doublé en France depuis 2001.Le nombre de ménages n’a pas doublé dans cette période. Il n’y a d’ailleurs pas de facteurs démographiques qui expliquent le décollage soudain des prix.

    Rien n’interdit de penser que les prix pourraient revenir à un niveau proche de ceux de 2001. Ce qui pourrait alors être appelé un krach immobilier.

    Je me trompe ?

  2. Tu oublies la disymétrie de l’information : il existe bien un syndycat-regroupement très puissant des agents Comme Titzel, le pense que la FNAIM est le principal fournisseur d’infos sur le marché immo, il y a de forte chances qu’elle ne diffuse pas exactement la même info à tous les acteurs et il étant plus proche des agents immo que des autres, son intérêt et de retarder la tendance baissière du marché au maximum : parce que les commissions des professionnels de l’immo sont dépendantes des prix de vente et parce que le volume de transaction dépend de la perception du marché par les acheteurs et les vendeurs. Maintenir le mythe d’un marché haussier permet de pousser les acheteurs a déclencher l’acte d’achat avant que ce ne soit plus cher et relativise l’envie des propriétaires de baisser le prix de vente afin de se débrarasser plus vite d’un bien coûteux (un logement vide, c’est des mensualités de crédit qui courent quand il en reste à éponger, c’est des impôts locaux et des mises au normes qui te tombent sur le coin du pif et diminuent ton profit…).

    À partir du moment où les acheteurs ne croiront plus à la fiction haussière, ils vont forcément se mettre en position attentiste, car plus tu attends, plus tu risques de sortir moins d’argent pour le même produit… ce qui renforce la tendance des proprios à baisser et qui va ruiner bien des officines immobilières qui ont poussé bien trop nombreuses à l’ombre de la bulle, faute de transaction suffisantes en volume (combien de temps une agence peut-elle survivre dans un marché en attente?)

    Bon, je dis ça, mais je n’y connais rien par ailleurs!

  3. Bonjour,
    D’abord, c’est de moins en moins caché (cf. les numéris "spécial immobilier" des grands journeaux qui titrent tous: ça baisse, il faut acheter).
    Ensuite, le volume de transactions s’est déjà fortement réduit ces 2 dernières années (donc l’effet compensateur ne marche pas), sans oublier que dans l’immobilier, personne n’est obligé d’acheter, mais certains sont obligés de vendre (divorce, mutation, succession) et annoncer une baisse en cours ne fera que rendre les acheteurs encore plus attentistes.
    Enfin, vous parlez des fondamentaux qui expliquent pourquoi il n’y a pas de raison que cela baisse, mais ces mêmes fondamentaux n’expliquent pas vraiment pourquoi ça a été multiplié par 2 en 10 ans. Et à propos de l’offre insuffisante: pensez à tous ces appartements défiscalisés depuis Périssol (à partir de 97 mais surtout après), rajoutez la période de défiscalisation (environ 10 ans), et vous avez une pléthore d’appartements qui vont arriver sur le marché de la vente…

  4. Dans un non marché immobilier aussi illiquide et inefficient que le "marché" Parisien, l’effet dotation est très visible. Il est quasiment impossible d’acheter a un particulier sans qu’ils veuillent vous vendre sa biographie familiale complète(et sa salle de bain 1970) avec, pour un prix exorbitant.

    Malheureusement les ventes a la découpes diminuent et la liquidité qu’elles apportaient disparait. Rendez nous les méchants spéculateurs.

    Quand a la notion de fondamentaux…..

  5. Ayez confiance. Le gouvernement interviendra (encore) pour soutenir la demande à coup de defiscalisation, de prêts à taux moins que zero et de maison à 10 000 kopeks. Si les gens sont attentistes, on peut toujours espérer susciter des achats en faisant payer la collectivité.
    "Une France de propriétaires", qu’il a dit.

  6. Les fondamentaux… Depuis quand les marchés ne sont-ils tributaires que des fondamentaux ?

    La croyance collective est en train de basculer de haussière à baissière et ce ne sont pas les crashs US, UK, espagnol qui vont infléchir cette bascule.

  7. Peut-être faut-il à ce stade mentionner le fait que les notaires, qui connaissent les prix réels des ventes conclues, se font un plaisir d’informer leurs clients pour peu que ceux-ci veuillent bien faire appel à leurs services plutôt qu’à ceux des professions autorisées à recourir librement à la publicité ?

  8. Pour ceux qui ont en mémoire la crise immobilière des années 1990/1997,elle s’était caractérisée par une période 91/93 d’équilibre entre les vendeurs qui n’avaient pas encore intégré la baisse des prix, et des acheteurs qui l’anticipaient.Equilibre sans transaction,blocage qui a ravagé les agences immobilières de la Côte d’Azur (parfois deux ans sans commissions avec les charges qui courent…)Un grand ménage salutaire pour éliminer les non-professionnels,et rabattre la morgue des autres ,condescendants avec les actifs désirants se loger,qui ne disposaient pas d’un budget de mafieux russes ou de retraités suisses…
    Puis,la raison (économique)l’a emporté avec une baisse sans précédente depuis 1945 (en francs constants.!!!!
    Nous en sommes là.

  9. Au delà des raisonnements parfois contestables sur la psychologie des acteurs, il y a de vraies études sur le sujet ; on peut citer en particulier celles de J. Friggit :
    http://www.adef.org/statistiques...

    J. Friggit démontre que l’on est loin des tendances historiques et qu’il n’y a pas de pénurie, contrairement au discours ambiant. Il met également en évidence qu’un krach est tout à fait possible et serait plutôt le signe d’un retour à la normale. Il est à noter également que les périodes de repli des prix sont toujours historiquement précédées d’une réduction du volume des transactions, qui continue pendant la baisse.

    Si l’on revient à la psychologie, il faut noter que les agents immobiliers ont un intérêt double : soutenir le marché en général (ce qui maximise leurs honoraires) et, face à un vendeur donné, le pousser à baisser son prix pour vendre le plus vite possible (et avec peu de visites). La contradiction n’est qu’apparente : il est toujours possible face à un vendeur particulier de lui expliquer que sa maison est une ruine et qu’elle ne vaut que des clopinettes, même si le marché est haussier. D’ailleurs l’exercice est le même quel que soit le niveau ou la tendance du marché.

  10. saccard: le dynamisme parfaitement stupéfiant de l’activité de vitrine immobilière sur internet témoigne de la pertinence de votre commentaire, notamment dans les régions sud-ouest (Montpellier, Toulouse, Bordeaux)

  11. Les commentaires sur ce site me rassure… il n’y a pas que des gogos dans la rue et dans les agences immobilières et dans les banques pour signer sous une double injonction sociale et sécuritaire un chèque en blanc sur 30 ans en pensant faire l’économie d’un loyer ! il n’y a pas d’exemple dans un monde ouvert ou des prix se maintiennent durablement à un niveau totalement déconnecté avec l’économie réelle : soit le pouvoir d’achat des primo accédant augmente et les prix peuvent suivre sur le long terme, soit c’est le krach…

  12. Je crois que les indices des notaires ou de la FNAIM font une moyenne sur les transactions réalisées dans l’année. C’est un échantillon à géométrie variable. Il y a donc un risque de biais de sélection si les biens qui se vendent en période d’euphorie et en période de déprime sont assez différents (par exemple à cause de l’effet dotation).

    Quelqu’un a-t-il vu une étude sur le sujet?

  13. Prix du baril de petrole et immobilier: c’est quoi le rapport?
    Les couts de production d’un baril de petrole sont de 50$. Le prix de vente actuel est d’environ 105$, soit >55$ de plus value par baril. A multiplier par le nombre de barils dont le monde a besoin, ca fait beaucoup d’argent a investir quelque part. Hors pour le moment, la bourse c’est mort. Tout comme en 2001 apres l’eclatement de la bulle internet. Mais il y a un maximum de liquidite de disponible dans le monde (et les Chinois? et les Russes? et les indiens? et les bresiliens? tous ont plein d’argent a investir). Et ou vont aller ces liquidites?
    Apres subprime et immobilier sans interet, l’argent, c’est sur a 200%, ira dans l’immobilier valorisable a court / moyen terme. En clair, en moyenne le marche va baisser un peu, l’immobilier pourri va s’effondrer, le moyen + et le haut de gamme vont continuer a monter partout dans le monde.
    S’il y a complot des agents immobiliers, c’est pour faire croire que l’immobilier de m… vaut qqc, alors que ca vaut juste le prix du terrain.
    Sinon, au bout du compte ce n’est qu’une adequation entre l’offre et la demande, au cas par cas, maison par maison, appartement par appartement. Chaque cas est different.

  14. Personne de sérieux ne parle de complot. On imagine mal la FNAIM manipuler ses chiffres. Les conséquences en cas de découverte de la manipulation seraient trop dévastatrices.

    En revanche, on peut soupçonner la FNAIM de prévoir ce qui l’arrange : Un atterrissage en douceur permettant de sauvegarder les prix et les volumes. C’est flagrant quand on lis les commentaires.
    Une baisse des prix, qui serait obligatoirement précédée d’une baisse des volumes serait catastrophique pour les agents immobiliers. A titre d’illustration, un article de Monde d’il y a quelques semaines expliquait que la moitié des agences espagnoles avaient fermésuite au Krach.

    La FNAIM est d’ailleurs l’organisme le plus optimiste sur l’évolution du marché immobilier en 2008.

  15. Beaucoup de gens ont des intérêts à voir l’immobilier cher:
    – Les banques, pour prêter plus
    – L’état pour encaisser plus (les taxes sont en %)
    – Les agents pour gagner plus (les primes sont proportionnelles au prix).

    Seul le particulier, au final aurait intérêt à une baisse…

    Celle ci est enclenchée: les stocks gonflent dans les agences, les banques sont frileuses à prêter, les taux d’intérêts augmentent, le pouvoir d’achat baisse (quand on dépense plus pour manger, on dépense moins pour dormir…)

    Pour avoir un crack sur l’immobilier, il ne manque qu’une variable, qui reste positive pour l’instant: l’emploi. Car à n’en pas douter, si le chomage augmente, il va se retrouver tout un stock de logement à vendre: Les logements que les gens ont achetés hors de prix ces derniers temps et qu’ils ne pouront plus rembourser une fois au chomage.

    gigi75.over-blog.com/

  16. À Shangaï88 : très pertinent le commentaire sur la spéculation pétrolière à la vente au baril, sans compter que les compagnies se resservent un coup après raffinage et que l’État embarque la part du lion au final!
    Oui, il y a plein de liquidités qui ne demandent qu’à trouver des débouchés et mon petit doigt me dit que l’argent s’est récemment tourné vers le blé, voyant arriver le tsunami immobilier.
    Et hop, voilà l’alimentation qui flambe.
    Surtout que là, les acheteurs sont captifs : difficile de faire son attentiste avec sa bouffe, non?

    Gigi75 : il faut s’ôter de la tête que la baisse des chiffres du chômage correspond forcément à un réduction des personnes en recherche d’emploi. Le montant des salaires d’embauche montre bien que l’on est loin d’une tension sur le marché de l’emploi. Les chiffres du chômage (qui ne concernent que la catégorie 1 des chômeurs sur les 8 qui existent) baissent parce que les retraités sortent du marché de l’emploi, mais aussi les licenciés tous frais qui sont classé CRP (de vrais chômeurs redéfinis comme stagiaires de l’emploi et non comptabilisés), les heureux possesseurs d’une contrat dans le mois (une poignée d’heures peut te faire sortir des stats pendant 30 jours), les expédiés en stage de relooking ou de motivation (t’es un chômeur, tu chômes, mais tu dois aller écouter des gens plus ou moins intéressant pérorer sur ta situation et cela te sors des stats…), etc.
    En dehors du chômage, la précarité, les temps partiels à très partiels augmentent, les salaires des nouveaux entrants ont tendance à rester scotchés au SMIC, du coup, on a des millions de non chômeurs avec des revenus de RMIstes qui doivent avoir un mal de chien à continuer à payer leur crédit immobilier contracté pendant des périodes plus fastes.

    Autrement dit, le plus dur est à venir.

  17. L’Etat a un interet tres evident a soutenir l’immobilier puisqu’il y detient une participation indirecte a travers l’ISF.

    Un grand bonjour depuis Londres ou le crash vient juste de debuter.

  18. Juste un petit mot remercier l’auteur du blog, ainsi que les autres bloggeurs avec leurs commentaires intéressants, sa me stimule les neurones.
    Si je pouvais ajouter quelque chose se serait de vous recommander "freakonomics", un bouquin audacieux puisque dans l’un des chapitres il fait des comparaisons entre les agents immobiliers et le kukuxklan. Un ouvrage qui se lit facilement. Par contre je ne me souviens plus du noms des auteurs (qui sont des économistes américains qui publiaient pas mal de chronique, notamment dans le NYTimes). Et je ne pense pas qu’il soit traduit en français.

  19. Tout cela me laisse perplexe, j’ai mis un appart en vente par une agence ( obligée car j’habite très loin de cet appart). L’agence m’incite à passer du mandat simple à l’exclusif , et si rien , baisser encore le prix ! Après avoir lu tout cela , que faire ..

    Réponse de Stéphane Ménia
    L’exclusif n’est que rarement une bonne solution. Vous donnez un monopole sur votre bien à quelqu’un qui gère déjà un paquet d’autres biens. En résumé, vous n’avez que lui, mais vous n’êtes qu’une parmi d’autres pour lui. Après, ça dépend des agents. Mais bon, pour avoir vendu il y a deux ans, les discussions avec des agents m’avaient confirmé cette idée. Et la mauvaise expérience du proprio qui m’a vendu mon nouveau logement aussi : exclu sur le bien et des mois sans visites… Et une agence de très grande taille, très très connue partout dans le monde. Bon, après, je ne suis pas un expert, on vous dira que celui qui a l’exclu peut mieux travailler pour obtenir le bon prix. Je n’y crois pas une seconde, mais c’est autant subjectif que lié à ce que je vous dis plus haut.

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