C’est la contestation concertée de la limite des 3% de déficit public du traité de Maastricht. Ce chiffre, dont on sait qu’il n’a pas de fondement théorique, a probablement jusqu’ici été négatif pour la régulation conjoncturelle, les avantages de la règle (éviter un très grand n’importe quoi) ayant été limités (voir les ruses de sioux comptables) alors que les inconvénients étaient clairs (absence de souplesse et déresponsabilisation : “c’est l’UE, ma bonne dame” ou absence de réduction en période d’expansion). Le pire n’étant jamais certain, je n’exclue pas de regretter un jour ces mots. En attendant, Nicolas Sarkozy transformera-t-il cette (possible) nouvelle souplesse en quelque chose de bien ou se contentera-t-il d’arroser amis et secteurs vendeurs médiatiquement parlant ? Difficile à dire.
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Le pacte de stabilité était une tentative de constitution monétaire et budgétaire. Il limitait les pouvoirs des Etats membres, ce qui est l’un des rôles d’une constitution.
Certes, ce contre-pouvoir était bien chétif. Le plafond de 60% de dette/PIB, par exemple, a été oublié depuis longtemps. Avec les 3% de déficit budgétaire, et officieusement l’objectif de 2% de hausse des prix, la constitution monétaire et budgétaire est à présent complètement morte et enterrée.
Les Etats ont donc recouvert leur souveraineté budgétaire, dont acte. La différence avec la période antérieure, c’est qu’il y a maintenant l’euro. Pour faire un parallèle, imaginez que les collectivités locales soient dotées du même pouvoir, et qu’elles puissent entretenir un déficit budgétaire et accumuler les dettes…
A mon avis, tout est en place pour un retour durable des déficits publics. La BCE ayant cédé sur la stabilité des prix, la monétisation de la dette sera l’issue probable. Or le fait d’avoir une BCE permet de monétiser la dette de façon beaucoup plus efficace, moins visible (dans un premier temps) et à une autre échelle que ce qui était possible avec des monnaies nationales. Le taux de change, par exemple, qui servait de bonnet d’âne pour les Etats impécunieux, a disparu.
Nous avons donc à présent le système institutionnel suivant :
– des Etats dont les représentants politiques peuvent de nouveau dépenser sans trop compter si cela les aide pour être élus
– une BCE dont les dirigeants ne sont pas élus et peuvent prélever d’une manière redoutablement efficace l’impôt d’inflation, l’impôt le plus opaque et le plus injuste qui soit
Même si l’on croit à l’utilité des politiques de relance (ce qui n’est pas mon cas), il faut reconnaître que ce cadre institutionnel permet tous les abus? Et abus il y aura, je le crains.
"Ce chiffre, dont on sait qu’il n’a pas de fondement théorique"
Ah, mais le fondement théorique existe : un déficit de 3 % permet de stabiliser la dette publique à 60 % pour une croissance nominale de 5%. Oui, c’est idiot, mais ça existe.
Réponse de Stéphane Ménia
Ce n’est pas franchement de la théorie.
ça va dans le sens d’une théorie en laquelle je crois depuis longtemps : les dirigeants politiques ne croient pas vraiment dans l’idée "déficit=mal", mais ils s’en servent pour faire passer des mesures de restriction budgétaire qu’ils jugent bonnes pour d’autres raisons mais dont ils ne savent pas comment les vendre à l’opinion.
Réponse de Stéphane Ménia
La notion de mal n’existe pas pour les dirigeants politiques, à part quand c’est accolé à “défaite électorale”.
Cette règle était idiote. Mais l’absence de règle l’est sans doute encore plus. Le nœud du problème avec l’euro, c’est que nous avons une monnaie commune mais pas de politique budgétaire.
La règle des 3 % (la deuxième – les 60 % de dette publique – n’ayant jamais été appliquée) était une tentative de pallier à ce problème au moins à court terme.
Nous n’en sommes pas là, mais je m’interrogerais sérieusement sur la durée de vie de l’euro si un grand état appliqué la politique de la GB (déficit à près de 8 %) et un autre serré la vis en pratiquant une politique de rigueur.
Ah, et les 3 % n’était pas tout à fait arbitraire. L’idée c’était de se dire qu’a ce niveau, le taux d’endettement de l’état ne pouvait pas évoluer rapidement. En gros 3 % c’est un peu moins que l’inflation + la croissance. Bon, je sais que vous considérez l’endettement de l’état comme un truc neutre, mais ceux qui avait cette règle n’était pas de votre avis 🙂
Voir aussi sur le même sujet le dernier billet de Ceteris Paribus : ceteris-paribus.blogspot….
"Au-delà des bornes il n’y a plus de limite", l’argent n’a pas de prix finalement, ne "coûte" rien surtout pour les industries financières: les banquiers, il y a un temps certain, étaient chargés de contrôler la bonne monnaie à l’entrée des villages et des marchés sur un banc (banca): les Etats émettaient beaucoup de mauvaise monnaie pour financer leur niveau de vie et leurs conquêtes. Maintenant c’est les banquiers privés et publics! On assiste à une faillite intellectuelle avant tout majeure.
De quel modèle de pensée provient en outre cette vérité mathématique et historique (un peu idée recue) que pour un politique "La notion de mal n’existe pas pour les dirigeants politiques, à part quand c’est accolé à "défaite électorale". La science économique devient vraiment molle: quelle contingence ou contrainte ou à priori y-t-il derrière cette affirmation économique?
Réponse de Stéphane Ménia
Votre délire enflammé sur les banquiers non bornés était-il supposé amener une critique du public choice ?
On peut affirmer que pour un banquier (et par extension, un économiste "officiel" ?) le mal, c’est de perdre de l’argent.
Mais, sauf à réduire la politique à un cadre simple de récompense-punition, j’ai du mal avec l’affirmation "mal=risque électoral".
N’y a-t-il moults exemple de politique qui prennent des risques par choix idéologique ? ( L’abrogation de la peine de mort)
Bon, il y a eu Chirac…
@ 2 (Emmanuel) :
En fait, il manque le taux auquel est rémunérée la dette publique, non ? Parce que si un Etat A et un Etat B ont une croissance pile poil de 5% et un déficit budgétaire pile poil de 3%, mais qu’ils ne paient pas leur dette au même tarif (hypothèse pas complètement absurde), pourquoi convergent-ils vers 60% (qui plus est quel que soit le point de départ) ?
J’ai essayé de poser les équations, j’y suis pas arrivé (donc j’en déduis qu’il me manque des hypothèses, mais c’est aussi peut-être parce que je n’ai pas compris le problème, restons humbles !).
PS : ah ouais, en diagonalisant comme un ouf, ça converge pour un taux de 0% pour la dette. Dingue ça ! Cool, j’arrive encore à aligner les équations…
Le problème est que la gauche a toujours fait du déficit (en ce moment ils militent pour une relance par la consommation, politiquement c’est tellement facile !). Et le problème se complique depuis que la droite, sous Sarkozy, a cessé de vouloir endosser le mauvais rôle du père-la-rigueur austère qui reconstitue les réserves, perd subséquemment les élections et permet aux socialos de dilapider ce qui a été péniblement acquis.
J’entends déjà ceux qui vont me dire "sous Jospin gnagnagna" : si on veut s’abstraire des biais liés à la conjoncture mondiale sur laquelle le gouvernement n’a aucune prise, il suffit de revenir aux programmes. A gauche c’est toujours plus d’emploi public (à financer), plus d’aides sociales, relance par la consommation, soit clairement une politique de la dépense, démagogique et totalement inefficace en économie ouverte (conduit juste à augmenter les importations chinoises, appauvrir et endetter le pays).
J’ai bien peur que, le court-termisme de ce régime étant acquis, le déficit ne continue à croître désormais jusqu’à la banqueroute. Et là ce sera très grave.
Avez-vous lu l’opus de Philippe Jaffré, "Le jour où la France a fait faillite" ?
Réponse de Stéphane Ménia
J’ai peur que vous vous mépreniez sur qui fait des déficits plus que les autres. Des études très sérieuses font état d’un biais en ce sens dans de nombreux pays, mais du côté des conservateurs (l’explication est très simple et repose sur la contrainte créée à l’alternance par cet engagement pris pour les autres). Dans le cas de la France, un bref survol des 30 dernières années montrera que cette tendances est plutôt bien partagée entre la droite et la gauche. Un pays ne fait pas faillite, donc je ne lis pas de livres avec un titre pareil. Raison de plus quand il s’agit de Philippe Jaffré, qui n’est pas une référence pour moi, ni en matière économique, ni en matière de gestion de bon père de famille (enfin, je pense à la famille Elf, pas à la sienne biologique et sociale)… Bref, franchement, qu’alliez vous faire dans cette galère alors que le problème n’était pas la gauche ou la droite ?
Pourquoi dites-vous qu’un Etat ne fait pas faillite ? La faillite d’un Etat s’appelle banqueroute, elle se produit très exactement quand il n’a plus les moyens financiers et politiques de payer ses dettes.
Et le résultat est catastrophique : souvent le régime s’écroule (révolution, ou dictature). On peut donc parler comme pour une entreprise en faillite d’une liquidation de l’Etat, qui renait bien entendu sous une forme ou une autre ensuite, mais le coût économique, social et politique de la transition est très élevé.
Vous avez tort de ne pas lire cet ouvrage de Jaffré (politique-fiction très prenante, particulièrement pour un économiste). Peu importe son passif dans l’affaire Elf dont nous sommes loin de pouvoir juger tous les éléments, il a quand même été major de l’ENA, inspecteur des finances et spécialiste de la monnaie, ayant travaillé à la direction du Trésor. Il sait de quoi il parle.
D’ailleurs l’hypothèse de banqueroute n’est pas farfelue. Après la stabilisation de la crise, la signature de l’Etat ne sera plus autant recherchée, les taux d’OAT vont remonter, la charge de la dette n’en sera que plus lourde. Surtout si celle-ci a pris 10 points de PIB sous l’effet conjugué de plans de relances massives, d’accompagnement social, et de la baisse des rentrées fiscales.
La question est : si l’Etat n’a plus les moyens politiques de sabrer dans des dépenses structurelles comme les allocations sociales et les traitements des fonctionnaires, que se passe-t-il ?
L’hypothèse du livre est qu’il y a un jour où les agences de notation suppriment le triple A de la dette française, rendant infructueuse l’attribution suivante de milliards de bons, et l’Etat se retrouve confronté à une brutale crise de liquidités, lui qui a besoin constamment d’emprunter 20 à 25% de plus que ce qu’il lève en impôts pour simplement payer les salaires des fonctionnaires et les transferts sociaux.
Le bouquin décrit concrètement tous les enchaînements économiques suite à ce facteur déclencheur, c’est assez passionnant.
Gaëtan B. : ce qui est vraiment impressionnant, et qui ne milite pas en faveur de Jaffré, c’est que vous soyez capable d’aligner autant d’absurdités en aussi peu de lignes. Reprenons quelques fondamentaux.
Un État fait faillite quand les deux conditions suivantes sont remplies : les détenteurs de dette publique perdent confiance dans sa capacité à rembourser et l’État en question ne dispose plus d’assez de devises pour rembourser les détenteurs étrangers de sa dette. Pour la France, la possibilité du premier point relève de la pure fiction. L’état de l’économie, l’insertion dans la zone euro et la stabilité politique font qu’on est très loin d’un niveau d’endettement qui conduirait ne serait-ce qu’à réduire un peu la note attribuée à la dette française. De même, notre balance des paiements fait que l’hypothèse d’un manque de devises n’a aucun intérêt pratique. Ainsi, envisager la faillite de la France n’est qu’un épouvantail sans fondement. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est tout simplement inutile de lire le reste du livre.
Ensuite, rien ne dit qu’après la crise les obligations d’État soient moins demandés. Au contraire, échaudés par l’expérience, un certain nombre d’investisseurs pourraient bien revoir la quantité de titres sans risques qu’ils estiment nécessaires comme fonds de portefeuille.
Bref, plutôt que de lire des élucubrations, je vous conseille la lecture de « Sexe, drogue et économie ». Là, au moins, les auteurs ne prennent pas leur lecteur pour un imbécile.
@Mathieu P.
Ce qui m’impressionne, c’est vos certitudes toutes faites et la condescendance avec laquelle vous vous permettez d’invalider une hypothèse – la banqueroute de l’Etat – tout ce qu’il y a de plus réaliste, pour la bonne raison :
– qu’elle s’est déjà produite à plusieurs reprises dans notre pays
– et plus récemment à l’étranger.
Vous êtes le nez dans le guidon, à nous répéter que les détenteurs de dette d’Etat ne peuvent pas perdre confiance. C’est vrai aujourd’hui. Si une banqueroute se produit, elle n’est évidemment pas pour demain, personne ne dit ça et surtout pas Jaffré.
Mais il y a un vrai motif d’inquiétude dans le fait que la dette, dans l’histoire française récente, ne cesse pas d’augmenter, qu’aucun politique ne soit jamais parvenu à la faire baisser, et pire, n’inscrive plus son contrôle comme un objectif sérieux dans un programme ou une pratique politique.
Êtes-vous capable d’extrapoler ce que signifie une telle tendance à moyen terme, ou bien c’est trop compliqué ?
Et ce que rappelle également le livre de Jaffré, c’est que la confiance, c’est très volatil et que ça peut disparaître brutalement. Les bank runs récents l’illustrent assez bien je crois : en trois jours, des édifices centenaires, avec des produits nets bancaires de centaines de milliards d’euros, se sont effondrés comme des châteaux de cartes.
L’Argentine, l’Islande, c’est trop loin pour vous ?
Réponse de Alexandre Delaigue
Ni pour l’Argentine, ni pour l’Islande, les dettes publiques ne sont en cause. La crise argentine a été provoquée par une crise de change et une parité monétaire intenable, pas par la dette publique; l’annulation unilatérale de sa dette par le gouvernement Kirchner a été bénéfique pour le pays, pas négative. Dans le cas de l’Islande, ce sont les dettes privées qui sont élevées, pas la dette publique. Et si un jour les prêteurs cessent de faire confiance à l’état français, les gens comme vous seront heureux : on sera obligés de payer les dépenses publiques avec des impôts. J’espère qu’on fera payer ceux-ci à hauteur du degré d’hystérie sur la dette publique.
L’intérêt du pacte de stabilité était de convaincre les épargnants allemands qu’acheter de la dette italienne était un comportement responsable, puisque encadré.
C’était utile si on voulait maintenir la stabilité des prix et éviter les comportements opportunistes, mais si on s’en fiche, c’est sans intérêt.
Au fait, qui va l’acheter, la dette sarkozyste ?
le fond de l’affaire, c’est que les gouvernements sont incapables de respecter les règles qui pourraient les empêcher de faire des conneries, même quand c’est eux qui les ont mises en place.