Il n’y a pas de doutes possibles, Standard & Poor’s a fait très fort en annonçant par erreur la dégradation de la note souveraine française. Si les gens étaient normaux, ils ne s’inquiéteraient plus au sujet de la fiabilité des finances publiques françaises, mais bien de la fiabilité de S&P en tant qu’agence de notation (évidemment, ils peuvent faire les deux). Mais une fois de plus, les réactions politiques sont d’une pertinence toute relative.
Il faut rappeler que le but d’une agence de notation est de produire une information financière supposée aider les agents économiques à évaluer, sans avoir à le faire eux-mêmes, le risque attaché à un investissement. Il s’agit d’un des moyens de réduire de façon efficace l’asymétrie d’information sur les marchés financiers. De ce point de vue, il y a de quoi s’émouvoir de constater que S&P, dont le métier est l’information, est capable de publier une information qu’elle dément catégoriquement peu après. Peu importe du reste que ce ne soit que partie remise et que pour une raison x ou y, son intention initiale, à savoir dégrader la note française, ait été contrariée, la poussant à faire machine arrière. Bref, c’est un évènement doublement inqualifiable, quand on y songe sérieusement. D’abord parce que l’enjeu est important ; ensuite, parce qu’il est le fait d’une organisation à qui ça ne devrait tout simplement pas arriver, compte tenu de son métier.
Et c’est là que Valérie Pécresse entre en scène. Réagissant à cette faute professionnelle, elle en conclut qu’il faut davantage réguler l’activité des agences de notation. Mais de quoi parle-t-elle au juste ? L’autorité des marchés financiers va enquêter sur cette affaire. S&P risque déjà d’être sanctionnée par une lourde amende. Est-ce que réglementer davantage le secteur permettra d’éviter des erreurs de ce type ? On a du mal à voir comment. On peine à imaginer que les procédures internes ne soient pas déjà suffisamment verrouillées pour, théoriquement, éviter ce genre de couac dont l’occurrence est probablement aussi risible qu’exceptionnelle. Pécresse n’est pas la seule à tenir ce discours étonnant. Jean-Pierre Jouyet et Michel Barnier se sont joints à elle dans le concert régulateur. Barnier et Jouyet ont intérêt à plus de régulation, étant tous deux dans le camp des régulateurs. Plus de régulation, c’est plus de pouvoir. Pécresse a intérêt à tenir un discours de fermeté, toujours le même, montrant que l’Etat ne se laisse pas malmener par les agences. Je ne suis pas un grand spécialiste de la réglementation des agences de notation. Je ne remets pas d’emblée en cause la nécessité de corriger la réglementation les concernant, correction qui devrait se concrétiser d’ici peu dans un texte européen. Cette nécessité semble justifiée par l’aveuglement passé des agences vis-à-vis d’acteurs privés avant 2007 et leur sévérité, pas toujours suffisamment explicitée, vis-à-vis des Etats actuellement. Mais, si je décrypte le lien qui est fait aujourd’hui entre l’erreur de S&P et l’insistance manifestée par certains responsables publics, j’ai le sentiment qu’on reproche davantage à S&P ses conclusions sur la soutenabilité de la dette française que son incompétence organisationnelle. Et ça, c’est assez dingue, quand on y pense.
Il me semble également utile de rappeler que si le marché des agences de notation est un oligopole très réduit, ce n’est pas, en principe, par favoritisme. C’est pour des raisons d’efficacité. De même qu’il y a un intérêt collectif à ce que des spécialistes se substituent à chaque agent pour produire l’information financière qui serait trop coûteuse à produire par chacun, il y a un intérêt identique à ce que ces agences soient peu nombreuses. Elles peuvent bénéficier d’économies d’échelle et rentabiliser la production d’informations de qualité. Chose impossible si elles sont trop nombreuses. On est dans la logique du monopole naturel. La régulation de ce genre de structures est aussi utile que complexe et traiter le sujet à la hache est absurde.
Enfin, toujours sur la question du AAA, je reste assez interdit quand Mme Pécresse s’en prend avec une virulence assez incongrue à Jacques Attali, lorsque celui-ci avance que le triple A français est déjà perdu si on se fie aux taux supportés par l’Etat français pour se financer. A-t-il raison ? A-t-il tort ? C’est un peu compliqué à dire. Au fond, seule une dégradation de la note pourrait nous l’apprendre. Il constate simplement que tout en ayant conservé sa bonne notation, la France voit ses taux croître et l’écart avec les taux allemands grimper de façon significative. C’est donc une hypothèse qui n’a rien de saugrenue si on s’intéresse d’abord à l’essentiel, le niveau des taux. Mais il est bien évident qu’étant ministre du Budget d’un gouvernement qui a érigé la défense du AAA en principe de base de son action, Valérie Pécresse voit rouge à ces propos. Peu importe qu’avant Attali ces jours-ci, d’autres ici ou là aient déjà signalé que l’importance de la notation était à estimer avec prudence. Oui, peu importe, quand on tient sa ligne Maginot, on ne la lâche pas comme ça…
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texte envoyé "par erreur" et écrit "par erreur" aussi?? 😉
ça me fait penser à baroin et aux socialistes entrés "par effraction" en 1997…
Lisez cet article du Monde : http://www.lemonde.fr/economie/a...
Je ne m’explique pas comment un journal dit de référence impute la faillite de MF Global uniquement à son exposition à la dette des pays de l’UE quand il est dit et répété à longueur de texte dans le NYT que c’est dû à la gestion catastrophique de son repreneur avec 700 millions de $ (!!!!) qui ont disparus on ne sait pas où. Mettre ça sur le dos de la crise est tout simplement un SCANDALE à la DÉMOCRATIE !!
Qu’est-devenu l’information en France ?? On se le demande…À lire donc en Anglais ici pour une information de qualité et respectueuse des peuples : dealbook.nytimes.com/2011…
L’intérêt de la notation de débiteurs souverains est de toute façon assez limité puisqu’elle se base sur de l’information publique et que la dégradation de la note française est anticipée par les marchés vu le spread avec la dette allemande.
Je ne me souviens plus du nom de l’auteur de cette remarque (c’était une interview dans le monde) mais le vrai problème n’est peut-être pas le contrôle de ce que disent les agences (encore une fois elles se basent sur des faits publics) ou le faible nombre d’acteurs mais plutôt que la législation (notamment française) a consacré de manière obligatoire le recours à celles-ci pour un certain nombre de produits financiers.
J’ai une question: on doit pouvoir montrer la qualité des prédiction de ces agences. Si il devait s’avérer qu’elles sont légèrement pire que le lancé d’un dé, ne pourrait-on pas les interdire,au motif que justement elle ne sont qu’une source de bruit et donc néfastes pour le fonctionnement du marché?
@scandale: vous lisez mal l’article. Le nyt impute également en grande partie sa faillite à la stratégie aventureuse de son patron, qui détenait une quantité importante de dette souveraine de pays européens
"He made a similar wager at MF Global in buying up big holdings of debt from Spain, Italy, Portugal, Belgium and Ireland at a discount. Once Europe had solved its fiscal problems, those bonds would be very profitable.
But when that bet came to light in a regulatory filing, it set off alarms on Wall Street. While the bonds themselves have lost little value and mature in less than a year, MF Global was seen as having taken on an enormous amount of risk with little room for error given its size. By Friday evening, MF Global was under pressure to put up more money to support its trading positions, threatening to drain the firm’s remaining cash.
The collapse of MF Global underscores the extent of investor anxiety over Europe’s debt crisis. Other financial institutions have been buffeted in recent months because of their holdings of debt issued by weak European countries. The concerns about MF Global’s exposure to Europe prompted two ratings agencies to cut their ratings on the firm to junk last week."
@ marc
En fait, seul le titre était faux, mais il n’envoyait pas de lien vers un texte annonçant le dégradation.
Mais ne nous mentons pas : la situation de la France justifie que toutes les agences de notation aient sous le coude un texte près à être envoyé pour annoncer la dégradation. Un peu comme pour la mort de Jean-Paul II, où les journaux avaient eu des jours d’agonie du saint-père pour peaufiner leurs textes.
Une question en passant : qui paie les agences de notations ?
Parce que je n’aime pas le principe des boucs émissaires , parce que personne d’autre ne semble disposé à le faire, parce que j’ai 15 mn de dispo, parce que j’aime les causes perdues, je vais défendre S&P ; en 3 points :
1)Bon OK, balancer par erreur une info pareille, surtout en ce moment, c’est LA grosse boulette, mais qui n’en n’a jamais fait ?
2)D’où vient le problème ? de ceux qui émettent une opinion (avec le risque de se tromper) ? ou de ceux qui accordent une importance démesurée à cette opinion, allant jusqu’à l’inscrire dans la réglementation ?
3)Comment peut-on reprocher en même temps aux agences de notation d’avoir surnoté les subprimes et de dégrader trop durement la note des états européens ? (sans compter qu’elles sont pour l’instant plutôt indulgentes avec la France)
Même question que Valérie. Merci par avance pour la réponse.
Réponse de Stéphane Ménia