Il y a quelques moments douloureux dans la vie d’un économiste. Lorsqu’on se retrouve à table et que l’on expose sa profession, on a bien souvent droit à un convive annonçant “moi l’économie, je n’y connais rien, mais…” suivi de quelques affirmations péremptoires selon lesquelles tout va mal et ce qu’il faudrait faire “à mon avis, hein…” pour que cela aille mieux. en général, après cette mise en bouche, la conversation s’oriente sur le thème des parités monétaires (les autres dévaluent leur monnaie, les salauds!) et des taux d’intérêt (trop élevés, toujours trop élevés!), et c’est là que brusquement, les convives se retournent vers l’économiste de service pour lui demander : “et qu’en penses-tu? le dollar, il va encore baisser? Et les taux d’intérêt? ils vont monter?” Dans ce cas, la seule réponse honnête : personne n’en sait rien, et ça n’a aucune importance – vous attire des regards de commisération : “toutes ces études, ça sert à quoi, alors?” semblent demander les regards des convives, tandis que vous profitez du silence pour engloutir les derniers reliefs de votre plat de résistance, avant que la conversation ne glisse vers les prix de l’immobilier (qui vous permettra d’entendre des gens dire “l’immobilier, c’est devenu vraiment trop cher. Tiens, moi, en revendant mon appartement, j’ai gagné 40 000 euros sur trois ans. c’est épouvantable, tu ne trouves pas?”).
Notre camarade Hugues, n’étant pas coutumier du fait, a donc décidé de se lancer sur la question de l’euro fort et suggère que celui-ci a surtout pour conséquence de provoquer l’hystérie collective chez les candidats au second tour. Il n’y a pas grand-chose à ajouter si ce n’est quelques remarques :
– Il y a quelques temps, j’avais abordé ici la question des incompréhensions courantes du grand public en matière économique. La préoccupation sur les questions monétaires relève de tous ces biais à la fois : le biais productiviste et le biais d’hostilité à l’égard de l’étranger, tout d’abord, selon lequel produire et vendre c’est bien, et acheter, c’est mal. Or une devise forte pénalise les entreprises exportatrices (combien de fois a-t-on entendu parler d’Airbus qui perd x milliards à chaque baisse du dollar…) et celles qui sont soumises à la concurrence des produits importés et avantage les consommateurs de produits importés. La variation des devises étrangères est donc immanquablement interprétée comme l’usage d’une “arme” par les étrangers (le terme n’est pas innocent du tout).
– Or on peut remarquer plusieurs choses. Premièrement, si la production d’avions ou les vieux ateliers textiles font plaisir à l’orgueil national et aux politiciens avides d’inaugurations d’usines et de politiques clientélistes, le commerce et la distribution représentent beaucoup plus d’emploi – qualifié et non qualifié – que ces autres secteurs. Or le commerce et la distribution bénéficient directement des gains de pouvoir d’achat de produits importés issus d’une monnaie forte. Il existe par ailleurs de nombreux secteurs d’activité qui ne sont pas concernés par les parités de devises (activités de services par exemple). Au total, bien malin qui pourra deviner par avance l’effet sur l’emploi d’un changement de parité monétaire.
– D’ailleurs, lorsqu’on cherche à en mesurer un, on ne le trouve pas. Et ce, pour deux raisons. Premièrement, les entreprises soumises à un risque de change disposent d’instruments de couverture de celui-ci qui leur permettent de s’en abstraire, au moins en partie. Deuxièmement, le plus souvent, les inconvénients d’une parité monétaire défavorable sont répercutés sur les profits en attendant que cela passe. Les actionnaires savent en achetant les actions d’une entreprise que les performances de celle-ci sont liées aux parités monétaires, et supportent ce risque (contre lequel eux-mêmes d’ailleurs peuvent se couvrir en achetant des actions d’entreprises bénéficiant d’une monnaie forte).
– Autre biais, l’incompréhension des mécanismes de marché. Les critiques de la monnaie forte s’imaginent deux choses : premièrement qu’il est possible de déterminer la parité de la monnaie nationale (ils prêtent donc à l’ineffable Jean-Claude Trichet des pouvoirs considérables) et deuxièmement, qu’il est possible d’utiliser ce pouvoir de façon efficace pour obtenir une “bonne” parité de la devise nationale. Mais ceci est doublement faux. Premièrement, ce sont les marchés qui fixent les cours des devises pour l’essentiel : les fluctuations de taux directeurs des banques centrales ne constituent qu’un élément, parmi d’autres, du cours final. Avoir des taux d’intérêt voisins de zéro peut fort bien impliquer quand même une devise forte, si beaucoup d’investisseurs étrangers souhaitent acquérir des actifs nationaux (en profitant de l’aubaine desdits taux faibles) et que le pays connaît beaucoup d’entrées de capitaux. Une hausse des taux peut de la même façon provoquer une chute de la monnaie, si les investisseurs considèrent que cette hausse est trop importante et va réduire la rentabilité des entreprises nationales.
– Il n’y a qu’une seule façon de fixer la parité de la devise nationale : c’est d’imposer des contrôles importants sur les entrées et les sorties de devises. C’est ce que fait la Chine; mais cette stratégie présente un prix élevé. Les conséquences d’une sous-évaluation de la devise nationale, c’est d’appauvrir l’essentiel de la population pour bénéficier à quelques secteurs exportateurs. Cela correspond à la situation chinoise, dans laquelle 200 millions de personnes employées dans les secteurs liés aux exportations bénéficient du système, tandis que le milliard restant vit dans une misère noire et se voit, faute de pouvoir disposer de biens de consommation abordables, obligé d’épargner une large part de son revenu dans un système bancaire corrompu et opaque. Est-ce vraiment un modèle souhaitable?
– En l’absence de tels mécanismes contraignants, il est possible pour un pays d’adopter une parité monétaire fixe et ajustable par rapport à un partenaire commercial, mais cela ouvre la voie royale aux attaques spéculatives. Les intervenants sur les marchés financiers se lancent dans un jeu de chat et de la souris avec les autorités publiques du pays, cherchant à identifier le moment ou leur engagement à maintenir une certaine parité va cesser d’être tenable. Les crises financières que ce jeu entraîne provoquent une instabilité extrêmement nuisible à l’activité. Par ailleurs, à l’intérieur du pays, les entreprises exportatrices, sachant qu’elles peuvent bénéficier d’une dévaluation, consacrent leur énergie à encourager le pouvoir politique dans ce sens plutôt qu’à accroître leur productivité.
– Surtout, cela repose sur l’idée qu’il est possible de connaître “la bonne parité” de la devise nationale. Or il n’en est rien. Les économistes disposent d’outils sur le sujet – la parité de taux d’intérêt qui implique que les parités des devises égalisent les rendements d’actifs de risque comparable, la parité de pouvoir d’achat qui implique une égalisation des prix des biens échangeables par le biais des parités monétaires (en gros, si la même voiture se vend 15 000 euros et 10 000 livres sterling, la livre doit valoir 1.5 euros, sinon, des gens vont traverser la frontière pour acheter leur voiture et modifier par là les parités de devises). Mais ces effets ne déterminent pas un “bon” taux de change – celui qui est le plus favorable à l’activité économique par exemple. En pratique, dans un pays donné, la politique de change effective correspond à celle qui est souhaitée par la coalition d’intérêts la plus proche du pouvoir – au hasard, quelques industriels dépendant des commandes publiques et propriétaires de journaux et autres médias (qui se plaint de la parité de l’euro, déjà?). Il n’y a que peu de chances pour que cela soit optimal.
– Et en Europe? on oublie souvent que la politique de change n’est pas du ressort de la BCE, mais de l’eurogroupe, c’est à dire, des ministres des finances des différents pays. Il n’y a pas de politique de change pour une raison simple : personne n’est d’accord sur celle qui devrait prévaloir, car les situations économiques des différents pays sont très hétérogènes. L’Allemagne bénéficie actuellement d’une conjoncture favorable avec la croissance des pays émergents, qui lui permet d’exporter beaucoup de machines-outils sophistiquées dans laquelle elle dispose d’une spécialisation de longue date : ses entreprises exportatrices n’ont donc pas intérêt à une baisse de l’euro qui ferait que ces ventes rapporteraient moins de devises étrangères. La France, plus spécialisée dans les biens de consommation et quelques grandes entreprises exportatrices, exporte moins parce que ces grandes entreprises industrielles sont dans une phase creuse de leur cycle (l’automobile et l’aéronautique par exemple). Ces entreprises gagneraient à une baisse de la parité monétaire, mais il n’est pas certain que cela bénéficierait à l’économie dans son ensemble.
– Au total donc, (voir par exemple ici) l’un des grands progrès des dernières années en matière de politique économique a été de comprendre qu’il valait mieux se focaliser sur la situation intérieure du pays, et laisser la parité monétaire se fixer sur les marchés, plutôt que de chercher à fixer la parité des devises, ce qui n’apporte aucun avantage mesurable mais amplifie l’instabilité financière. Il peut arriver que les mouvements de change atteignent des niveaux très éloignés des fondamentaux impliquant des actions correctrices, mais ce genre de circonstance est rare; et nous n’y sommes certainement pas. La chute actuelle du dollar, en réalité, va exactement dans le sens d’un rééquilibrage nécessaire depuis longtemps. Mais blâmer les méchants étrangers et les banquiers centraux est tellement plus simple que de comprendre la réalité du monde…
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Si ça peut vous consoler :
excalibur.cnam.fr/pages_p…
Aucun rapport avec le sujet effectivement…
Et cette question, elle n’est jamais abordée dans vos repas :
"Oui, mais le dollar va s’effondré car ce n’est plus une valeur refuge, le déficit des USA affole la finance mondiale et les pays producteurs de pétrole commencent vendre en Euro.
En plus les USA camouflent leur masse monétaire et une part non négligeable est faite de faux billets".
Au delà de l’euro fort (et du dollar faible), cette question ne mérite t’elle pas un billet (en tout cas, ça m’interesserait, si vous avez le temps) ?
C’est plutôt la question à l’heure du cognac celle-là… C’est encore un exemple d’une façon de prêter aux questions monétaires une importance qu’elles n’ont pas. Disposer d’une “monnaie de réserve internationale” n’a pas beaucoup d’autre avantage que l’éventuelle fierté nationale que cela apporte et la capacité de payer ses importations de drogue pour pas trop cher; quant à la “finance mondiale”, je ne sais pas qui c’est, mais si elle est raisonnablement informée elle a depuis belle lurette intégré les risques de change du dollar liée aux actuels déficits extérieurs et publics. La chute de la maison dollar, quant à elle, est annoncée avec constance depuis un bon siècle.
Et qu’en est-il du ‘pouvoir de battre monnaie’? cad. d’imprimer de l’argent afin d’augmenter Ms?
Ou voulez vous en venir?
J’ai beaucoup apprécié votre billet. Une question (entre autres) m’est venue à l’esprit en lisant ceci:
"Il n’y a qu’une seule façon de fixer la parité de la devise nationale : c’est d’imposer des contrôles importants sur les entrées et les sorties de devises."
C’est une phrase que j’ai souvent entendue (ou lue) mais que je ne suis pas sûr de vraiment comprendre. Est-ce que cela signifie par exemple qu’un français ne pourrait plus échanger librement ses euros contre, par exemple, des dollars ou des francs suisses, sous peine de sanctions pénales importantes ?
En pratique, cela signifie souvent que la conversion de monnaie fait l’objet d’un monopole, auprès duquel on ne peut changer sa monnaie que dans des quantités limitées, et à un cours fixé par les autorités publiques. Le change illégal (vous savez, ces gens qui vous proposent dans certains pays des devises à un meilleur taux que le taux officiel) est puni par la loi.
Encore une fois merci pour votre clairvoyance. Ce que je ne comprends pas, c’est que les exportations nettes ne sont qu’une partie de la demande finale donc au final n’explique qu’une partie de la croissance. Or il se trouve qu’on réalise l’essentiel de notre commerce extérieure avec les pays européens (qui utilisent l’euro pour la plus part). Pour être claire, les vrais effets de l’euro sur la croissance française doivent être vraiment dérisoire. Mais bon, il faut un bouc émissaire à tout. Heureusement que l’Allemagne est là pour nous rappeler que l’euro n’est pas le problème mais plutôt nous les français.
"Mais l’immobilier, mon bon monsieur Alexandre, c’est de l’investissement sûr" : regardez comme ‘on’ se précipite sur ‘quarante ans de bons et loyaux remboursements'[ http://www.lefigaro.fr/immobilie... ].
PS. En France (chiffres Eurostat), 37 divorces ont été prononcés pour 100 mariages en 2001.
Nos monnaies modernes ne sont plus convertibles, et leur valeur dépend à présent de la politique monétaire des banques centrales et plus des découvertes de mines d’or. Quand la monnaie devient plus abondante, sa valeur diminue par rapport aux autres biens, c’est l’inflation. Les "monétaristes" considèrent que l’augmentation de la quantité de monnaie par les banques centrales est la principale source d’inflation, sinon la seule : "inflation is always and everywhere a monetary phenomenon" disait feu M.Friedman.
Si la valeur d’une monnaie (le dollar) baisse plus vite que la valeur d’une autre monnaie (l’euro) alors la parité entre les deux change. On imagine bien que les politiques respectives de la BCE et de la Fed sont un facteur déterminant pour l’évolution de la parité des deux monnaies. Les nombreux investisseurs qui achètent et vendent des monnaies tentent donc de deviner quelle sera la politique des deux banques centrales dans un avenir proche.
D’où la question suivante :
Le fait que le dollar baisse ne reflète-t-il pas les anticipations des investisseurs plutôt que la politique actuelle de la Fed? Et pour quelles raisons les investisseurs anticiperaient-ils une politique relativement plus inflationniste aux US qu’en Europe?
PS : pour une présentation (décoiffante) de ce qu’est la monnaie, je recommande le texte "What has the government done to our money?" de M.Rothbard (http://www.mises.org/rothbard/ro... )
Vous avez de mauvaises lectures. Si vous avez envie de lire du libertarien, lisez au moins Buchanan plutôt que Rothbard. Les anticipations d’inflation sont une influence, parmi beaucoup d’autres, déterminant les taux de change, et s’imaginer que les variations actuelles du change ne reflètent que des anticipations d’inflation est assez fantasmagorique.
Vous avez mangé avec qui ? pas avec ceux là :
http://www.ofce.sciences-po.fr/p...
🙂
Non en effet :-). Mais le point demeure. S’ils ont raison de constater que l’absence de politique de change en Europe traduit une absence de politique (ce qui est cohérent avec leur perspective très fédéraliste) il n’en découle pas qu’une politique de change pourrait être source de beaucoup d’améliorations. Cf triangle d’incompatibilité de Mundell, choisir de ne pas se préoccuper de la parité résulte de deux choix : avoir la liberté de mener ses politiques macroéconomiques, et disposer de marchés de capitaux ouverts. Que l’on déplore l’absence de politiques macroéconomiques en Europe, OK; mais c’est contradictoire avec la volonté de mener une politique de change active.
"Ou voulez vous en venir?"
Augmenter l’offre de la monnaie…
Désolé, c’est probablement évident, mais je ne vois toujours pas ou vous voulez en venir…
" Quand la monnaie devient plus abondante, sa valeur diminue par rapport aux autres biens, c’est l’inflation. Les "monétaristes" considèrent que l’augmentation de la quantité de monnaie par les banques centrales est la principale source d’inflation, sinon la seule : "inflation is always and everywhere a monetary phenomenon" disait feu M.Friedman."
Ce qui est tt a fait vrai, mais cette conclusion se referait essentiellement a des economies "encore fermees"…
Cependant, le "monde", comme tout un chacun le sait, s’est "enormement" transforme…
Comment expliquer le fait, que la FED est "vraiment" en train d’inonder les marches avec de la liquidite…a ce titre voir l’evolution de la masse monetaire M3 "aux E.-U.?"…
Rajoutant aussi que la FED a recemment decide de ne plus vouloir publier de donnees en ce qui concerne la masse M3…???
Bref, P.-V. se pose alors une question…
"L’inflation, dans une economie fermee est +/- effectivement fonction (d’une certaine maniere ou d’une autre…mais bon, l’envergure ca se discute…) de M3…mais qu’en est-il de l’inflation en fonction de M3 dans une economie ouverte…si p.ex. une partie de M3 peut etre injectee (evacuee) autre part?"
@Pancho Villa
En vertu de l’équation MV=PQ
(econoclaste.org.free.fr/d…
la masse monétaire varie en proportion inverse de la "vitesse de circulation". Cela ne veut pas dire qu’une baisse de V "cause" une augmentation de M, mais qu’il faut comprendre V si on veut comprendre M. Accessoirement, jusqu’où peut-on se fier à cette équation, je n’en sais rien…
J’ignore aussi quels sont les déterminants de V. Qu’est-ce qui explique sa tendance actuelle à la baisse? Toujours est-il qu’avec cette baisse, M peut augmenter beaucoup plus vite que l’indice des prix (environ 8% contre 2% en Europe). Du coup, je pense qu’il est difficile de tirer des conclusions du style "la Fed nous inonde de billets" sans autre information que M.
Ok, j’adhère à la thèse de l’auteur. Les marchés optimisent les niveaux de change, en fonction de leurs anticipations et appréciations des situations économiques de chaque zone monétaire.
L’Europe a deux types de partenaires: les membres de la zone euro et les autres.
L’auteur de l’article pourrait il comparer les niveaux de croissance de ces deux groupes de pays, depuis la création de la monnaie unique?
La question de l’euro fort n’est elle pas la question du rapport entre taux de change et croissance?
Les marchés qui doivent selon vous établir le juste taux de change, ont ils le moindre intérêt au niveau de croissance relatif dans chaque zone.
Dernière question : on nous bassine sans arrêt sur la croissance aux Etats Unis, pourquoi les "efficients" marchés
baissent ils la valeur du dollar face à l’euro.
Pour le chômage, vous pouvez déjà regarder le graphique dans ce post. Pour la croissance, on pourrait faire la même remarque : il y a tellement de situations différentes dans la zone euro qu’il est bien difficile de distinguer un effet spécifique de celle-ci. Sur la seconde question, voir commentaire plus haut. Pour la troisième, ben cela signifie que les marchés anticipent un ralentissement de la croissance américaine, peu-être…
En réponse au commentaire #2 plus haut de cet EXCELLENT (je mets des majuscules, comme cela, cette fois-ci il n’y aura pas de malentendu…) post sur le dollar faible (pardon, sur "l’euro fort"), vous écrivez : "Disposer d’une "monnaie de réserve internationale" n’a pas beaucoup d’autre avantage que l’éventuelle fierté nationale que cela apporte et la capacité de payer ses importations de drogue pour pas trop cher".
Hum, hum, je crains que vous ne vous soyez laissé emporter un peu vite par la recherche d’originalité et la fougue contradictoire et n’ayez omis de tourner sept fois votre clavier dans votre bouche. C’est pas sérieux, voyons… Je vous rappelle que les réserves de changes des banques centrales représentent actuellement plus de 5.000 milliards de dollars (contre seulement 2.000 au début du siècle), et sont pour environ 60% en dollars justement, essentiellement en dette de l’Etat américain. Outre le crédit bon marché accordé ainsi directement au gouvernement des Etats-Unis, et à la réduction qui en résulte pour l’ensemble des taux d’intérêt américains, je préfère ne pas penser à ce qu’un simple rééquilibrage pourrait faire aux marchés américains de taux, qui sont tous empilés, tels une pyramide inversée, sur le maché des govvies, et à la panique qui pourrait en résulter, que 1929 à côté, c’était du pipi de félin domestique. Adieu dollar, taux, actions, etc, etc.
La raison structurelle – et elle est de taille – qui empêche pour l’instant ce scénario catastrophe résulte de la conjonction :
1 – d’un excès mondial d’épargne financière (plans retraite des bayboomers au Nord, fortunes récentes, pétrolières, commerciales ou industrielles au Sud), ce que Ben Bernanke a appelé en mars 2005 "a global saving glut"
2 – et, au Sud, d’une pénurie de supports d’investissement, c’est-à-dire de marchés financiers liquides.
Pourvu que ça dure.
Il y a plusieurs contradictions dans votre propos. D’un côté, vous imputez la forte quantité de dettes américaines détenues à l’étranger à la position du dollar, puis à un “global savings glut”. Lequel est le bon? Vous expliquez ensuite que la position du dollar permet au gouvernement américain de s’endetter plus que de raison (ce qui semble être un avantage) puis que cela génère un risque important (ce qui est un inconvénient). Il faut choisir.
En réalité ce qui détermine le taux d’intérêt de la dette publique américaine, c’est la capacité de remboursement… Comme pour n’importe quel emprunteur. A ce titre le gouvernement américain n’est pas spécialement avantagé (il emprunte à un taux plus élevé que le gouvernement japonais, bien plus endetté, et qui ne bénéficie pas d’une “monnaie de réserve internationale”). Parce que l’économie américaine est importante, on achète beaucoup de titres de la dette publique américaine; le rôle du dollar n’a rien à voir là dedans. Le gouvernement américain doit payer les intérêts sur sa dette, comme tout le monde.
Le seul avantage théorique d’une monnaie de réserve, c’est lorsque les étrangers veulent détenir cette monnaie sous forme monétaire (et pas sous forme de titres) et pour cela fournissent des biens et des services que l’économie nationale achète donc contre des morceaux de papier ne rapportant aucun intérêt. Comme c’est typiquement l’économie souterraine internationale qui a besoin de grandes quantités d’argent liquide en dollars, cela signifie que l’économie américaine (et européenne…) paie partiellement sa drogue en papier et non en actifs ou en biens et services. Quel avantage conséquent…
Très bon billet, comme à votre habitude.
J’ai juste une remarque sur le taux de change du Yuan chinois. Beaucoup de gens considère qu’il est notablement sous évalué. Cependant, dans un système de change contrôlé, comme l’est la chine, quand le taux de change officiel est manifestement déconnecté de la réalité économique, des systèmes informels de change se mettent en place.
Or ceux-ci n’existent pas en Chine. En tout cas, je n’en ai pas vu la dernière fois que j’y suis allé (octobre 2006).
Le contrôle des changes qu’impose le gouvernement chinois me semble plutôt dû à d’autres facteurs que le « dumping » dénoncé en Europe et surtout aux Usa.
– D’une part, l’élite politique Chinoise n’a pas de raison d’être plus compétente en économie que les nôtres, et ils peuvent penser – en toute bonne foi – avoir ainsi la maîtrise d’un élément qu’il considère comme « clé » de leur compétitivité.
– En pratique, ils utilisent le système de change contrôlé pour « récompense » ou punir les américains en fonction des décisions du congrès américains.
Du point de vu strictement économique, ce système de change n’a qu’un seul effet : interdire aux chinois d’investir librement à l’étranger. Il a pour conséquence un surinvestissement en chine – que le gouvernement tente de combattre. Et surtout une rentabilité des actifs chinois très faible : L’immobilier locatif chinois rapporte moins de 1 % par an. C’est-à-dire sensiblement moins que l’inflation.
Une libéralisation des changes se traduirait – à mon avis – par une dévaluation du Yuan, plus que par une réévaluation.
"Les conséquences d’une sous-évaluation de la devise nationale, c’est d’appauvrir l’essentiel de la population pour bénéficier à quelques secteurs exportateurs."
L’essentiel de la population n’est riche que de l’argent que distribué par le secteur exportateur. Si vos exportation augmentent vous avez plus d’argent ce qui compense la perte de pouvoir d’achat.
Ouille, ouille ouille… Et la richesse, ce sont les métaux précieux accumulés, c’est ça? Cela ne fait jamais que trois siècles que l’on a compris que cette phrase est fausse…
"Il existe par ailleurs de nombreux secteurs d’activité qui ne sont pas concernés par les parités de devises (activités de services par exemple)."
Tout secteur d’activité est concerné tôt ou tard, c’est une question d’horizon temporel. Les Allemands vont pleurer si l’euro se met dans l’idée de ne plus jamais redescendre. Ou alors les prix ne servent à rien et l’économie de marché n’existe pas.
Oula… A un certain horizon temporel, j’achéterai donc mes hamburgers à Pékin, et j’irai au cinema à Bombay, parce que c’est moins cher. Non seulement cet horizon temporel dépasse de loin mon espérance de vie, mais en plus, Scotty est mort, savez-vous…
Concernant les exportations de services:
1 elles pèsent peu par rapport aux biens environ 1/3 à 1/4.
2 soit elles sont liés au commerce des biens (transport, assurances, financement des exportations).
3 soit très dépendante du taux de change (tourisme).
4 soit pour le reste (la moitié) obéissent à des logiques qui m’échappent: logique fiscale pour l’intra-entreprise, rente technologique ou culturelle etc…
La logique de cette remarque m’échappe aussi…
"on oublie souvent que la politique de change n’est pas du ressort de la BCE, mais de l’eurogroupe, c’est à dire, des ministres des finances des différents pays. Il n’y a pas de politique de change pour une raison simple : personne n’est d’accord sur celle qui devrait prévaloir, car les situations économiques des différents pays sont très hétérogènes."
C’est pareil voir pire pour la politique monétaire interne. Lorsque la BCE bouge ses taux, il n’y a pas un pays qui réagit comme son voisin. Pourtant on a bien une institution qui prend des décisions en fonction de l’interet général et qui fait même des interventions de change pour soutenir l’euro alors qu’on lui avait rien demandé (?).
En fait même si le processus de décision était clair (quelle majorité pour décider ? unanimité ?) les intervention de change sont interdites par les traités si elles sont inflationistes. On a le droit de soutenir l’euro mais pas de le faire baisser (c-a-d créer de la monnaie pour la vendre contre des $).
"l’un des grands progrès des dernières années en matière de politique économique a été de comprendre qu’il valait mieux se focaliser sur la situation intérieure du pays"
Ce que j’ai apris de ces dernières années, c’est que le monde est de plus en plus interdépendant. L’€ monte -> les taux baissent -> M3 augmente et l’inflation suivra.
Dieu merci, vous êtes commentateur de blog, pas banquier central… C’est amusant, cette tendance des gens à avoir des idées définitives (et fausses) sur des sujets aussi abscons que les questions monétaires…
NB: la bundesbank s’était mise à vendre du dollar à 1,35$/€ (euro reconstitué).
@Gu Si Fang
Ms = P * L(Y;r)
en supposant que:
" Troisième hypothèse : M est également exogène. Cela veut dire, en général, qu’elle (et la politique economique…?) est contrôlée par la banque centrale. En fait, cette hypothèse est largement exagérée, puisque la masse monétaire dépend des crédits accordés par les banques commerciales à leurs clients, et la demande de crédits est assez fluctuante (mais tjrs. tres mais tres dependante de r….!!!) Les banques centrales ne peuvent donc contrôler qu’en partie la masse monétaire. Selon les institutions bancaires, M peut également varier en fonction des mouvements de capitaux internationaux."
Il me semblait que la monnaie était un des sujets où l’école autrichienne s’était particulièrement illustrée (Mises et Rothbard). Ayant lu à peu d’intervalle "What has the government done to our money?" de Rothbard, et "Money mischief" de Friedman, j’ai trouvé – à ma grande suprise d’ailleurs – que le livre de Rothbard était supérieur à celui du plus célèbre monétariste.
Merci pour la référence à Buchanan. Un certain nombre de ses livres sont disponibles en ligne ici (http://www.econlib.org/library/B... ) mais je ne vois rien sur la monnaie : qu’a-t-il écrit sur le sujet?