L’article du jour que j’ai pas compris

On devrait toujours éviter de vouloir avoir raison contre les conventions, surtout lorsqu’elles sont statistiques.

C’est Francisco Vergara qui est l’auteur de cet article qui vient de me faire “perdre” 45 minutes de ma vie, sur le site du Monde. Il veut visiblement nous expliquer deux choses. D’abord, que le ratio dépenses publiques / PIB ne signifie pas que les dépenses publiques font partie du PIB et qu’il faut manier cette mesure avec discernement. Ensuite, qu’il y a un problème de décompte des dépenses ou du PIB, je sais pas trop exactement. Il dit par exemple : “lorsqu’on additionne les dépenses des différents acteurs, on obtient un total beaucoup plus élevé que celui de leur production (le PIB), car certaines choses sont comptées plusieurs fois”. Ou encore “En 2010, la dépense des ménages (en consommation finale) a été de 1 084,8 milliards d’euros tandis que celle des sociétés non financières (en achats aux autres secteurs institutionnels et en salaires) a été de 1 928,2 milliards. On n’a pas encore compté les cinq secteurs institutionnels restants, qu’on a déjà dépassé le PIB de 56%”.

Certes. Mais, d’une part, lorsqu’on isole un secteur, en l’occurrence les administrations publiques, ce cumul n’existe plus. Vous ne prenez en compte qu’une seule fois chaque dépense des administrations. Même en décomposant chaque dépense, on n’a pas de double comptabilisation. Ce qui devient le cas si j’additionne les dépenses des administrations et des sociétés, par exemple. Dans les achats des administrations aux sociétés, il y a des consommations intermédiaires déjà payées par les sociétés à d’autres secteurs, donc un doublon. Et on revient avec cette remarque à la confusion fondamentale de l’article : le PIB, ce n’est pas la production, mais la valeur ajoutée globale. Ce qui signifie que pour chaque unité de production, sa contribution au PIB correspond à sa production moins ce qui a été consommé pour la réaliser (les consommations intermédiaires).

Autre point important, le PIB intègre bien les dépenses publiques, puisqu’il inclut la production non marchande, en l’évaluant à son coût de production. Donc, de ce point de vue, la dépense publique est bien incluse dans le PIB (par construction, l’essentiel de la production des administrations est absorbée en consommation finale des administrations). C’est bien une part du PIB, du côté de la production. Et c’est évidemment une part du PIB lorsqu’on établit un équilibre emplois-ressources du type PIB = Demande…

Il y a beaucoup à dire sur les conventions de la comptabilité nationale. Mais le rapport entre dépenses publiques et PIB nous donne une information, notamment quand on étudie son évolution dans le temps ou l’espace : si le PIB est retenu comme mesure de la richesse créée sur une année, alors les dépenses publiques représentent un certain pourcentage de cette richesse créée annuellement. A partir de ce ratio, on peut analyser tout un tas de choses et en tirer des conclusions qui pourront être débattues.

Bref, je ne comprends pas vraiment où Francisco Vergara voulait en venir, mais je sais une chose, ça va pas trop nous aider. Je ne suis même pas sûr que ce que je viens d’écrire nous avance énormément…

Si vous voulez en savoir plus sur la comptabilité nationale, ce site peut en revanche vous aider.

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5 Commentaires

  1. Bonjour,

    Je pense simplement qu’il ne connait pas la définition du PIB. Mais plus rien ne m’étonne.

  2. La Comptabilité Nationale – J-P Piriou Collection Reperes Editions La Decouverte, dans les 8€.

    Il y a aussi le site de l’INSEE (insee.fr)

    Merci pour le lien.

    Vous lisez encore le Monde? Nice Matin est d’un meilleur niveau.

  3. De ce que je comprends il fait bien la différence entre "production" et valeur ajoutée. Il pointe justement le paradoxe de comparer une "production" (dépenses publiques) à une valeur ajoutée (PIB).
    Si on poursuit son raisonnement il faudrait non pas se base sur le % de dépenses publiques par rapport au PIB, mais le % de valeur ajoutée produite par les administrations publiques (en gros = dépenses publiques – consommations externes)

    Une fois cela dit, je ne comprends pas non plus où il veut en venir. Ce nouveau ratio conduit-il à des conclusions différentes sur le poids de l’Etat dans l’économie? si oui, il faudrait développer.

    La deuxième partie n’est pas révolutionnaire (en gros certains Etats dépensent moins parce que leur périmètre d’intervention est moins large, et ça ne veut pas dire que leur dépense publique est plus efficace)

  4. vous êtes sévère avec ce pauvre philosophe qui voulait faire de l’économie alors que vous ne relevez jamais les perles de l’inénarrable Marc Roche, correspondant du Monde à Londres. Je crois que certains de ses textes devraient être étudiés au lycée; c’est un bon exercice: que veut-il dire ? (on ne sait pas toujours) mais où veut-il en venir et que diable vient faire ce paragraphe à la suite du précédent? etc.
    Un bon exemple dans le monde d’aujourd’hui
    http://www.lemonde.fr/europe/art...

    Au vu de ses articles précédents (pas tellement celui-ci), on peut subodorer qu’il ne comprend pas grand-chose aux mécanismes élémentaires de la finance (qu’à cela ne tienne, il a écrit un livre sur la crise). Mais parfois, c’est tellement gros que l’on en vient à se demander si c’est sa compréhension de l’anglais qui n’est pas défaillante.

  5. Bonjour Stéphane, Julien, Merlin, Coriolan et dl,

    Merci d’avoir pris le temps de discuter de mon article « La ‘part’ des dépenses publiques dans le PIB » paru dans Lemonde.fr du 14 novembre.

    D’abord permettez-moi de vous féliciter d’avoir vu que, au lieu d’écrire « lorsqu’on additionne les dépenses des différents acteurs, on obtient un total beaucoup plus élevé QUE CELUI DE LEUR PRODUCTION (le PIB) » j’aurais mieux fait d’écrire « QUE CELUI DE LEUR PRODUIT » ou « QUE CE QU’ILS PRODUISENT ».

    Dans cet article, je voulais attirer l’attention sur le fait que, lorsqu’on classe les acteurs de l’économie en branches ou en secteurs institutionnels, la somme des dépenses (des branches ou des secteurs institutionnels) DEPASSE le PIB. Parler donc de « la dépense » (d’un acteur, d’une branche ou d’un secteur)comme représentant « une part » du PIB, est une erreur de vocabulaire, car la somme des « parts » ne doit pas dépasser 100%. C’est la définition du mot « part », qui signifie « partie ou portion d’un tout ». Consultez le Larousse et le Littré et nous poursuivrons la discussion.

    Amicalement
    Francisco Vergara
    fvergara.com

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