J’aurais pu y penser avant

Il y a quelques années, j’avais écrit un truc sur le bac. J’y avançais, entre autres choses, qu’on focalisait sûrement trop sur cet examen, dont la valeur en soi était largement symbolique, quand on rapportait son coût à son rendement.

Bizarrement (ou pas), à l’époque, je pensais que cette petite obsession était d’abord le fait des familles. Peut-être ai-je négligé les enseignants de lycée ? Après tout, que leur reste-t-il de reconnaissance sociale à part la préparation à cet examen ?

C’est une question ouverte.

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8 Commentaires

  1. Un tiers des Français des générations actuelles n’ont/n’auront pas leur bac. Leurs trajectoires sociales et professionnelles ne sont/seront pas comparables à ceux qui l’obtiendront, ne serait-ce qu’en termes d’exposition au chômage ou de rémunérations salariales… C’est un tiers de chaque génération qui se trouve cantonné aux emplois les moins qualifiés et les moins stables. Ce diplôme n’a donc pas qu’une simple valeur symbolique. En revanche, il est vrai qu’il se dote d’une forte valeur symbolique aux yeux des parents (vous avez fait une note de lecture sur le dernier Goux/Maurin…)

    Réponse de Stéphane Ménia
    Mon idée était que pour ceux qui l’ont (et qui sont de plus en plus nombreux), il n’est pas forcément nécessaire de focaliser dessus plus que ça. L’important est après. Ceux qui ne l’ont pas sont les grands perdants. Dans la perspective de Maurin, il faut encore démocratiser.

  2. Parole de vieux prof : le bac reste un objectif bien identifié,pour les jeunes à un âge où le flou est souvent dominant,devant un avenir très incertain: combien d’élèves de lycée poursuivront les études supérieures qu’ils ont prévues, et aboutiront au métier auquel ils pensaient ? Alors quoi,pourquoi, comment travailler ?Et le bac est là, avec ses programmes,contenus, méthodes…critiquables, contestables,avec des résultats parfois injustes (dans les deux sens)…Il y a peu de parents, d’élèves, d’enseignants qui n’aient l’occasion de protester, de tempêter contre lui, le plus souvent à juste titre, professionnel ou psychologique…mais il fournit un cadre,qui aide à travailler .
    Les explosions de joie de ces adolescents, souvent mal à l’aise dans leur peau et dans notre société,devant les panneaux d’affichage de résultats, quand ils y lisent leur nom,peuvent nous dire quelque chose de leur besoin de reconnaissance, auquel le bac encore, à tort ou à raison,donne une part de réponse…
    Ouille…j’enfile mon gilet pare-balles 😉

  3. Votre scalp est solidement attaché? Chuck Norris ne doit pas etre enseignant de lycée.

  4. Je peux déjà te donner la réaction d’un certain nombre de prof : "ouais, mais si y’a plus de bac, ils vont plus travailler les élèves !" (j’ai déjà eu le "ouais, d’accord, t’as des études qui montrent que le redoublement ça sert à rien, mais c’est parce qu’ils ont pas mesuré l’effet de la peur du redoublement sur les élèves"). Je pense que si un jour, on parvient au plein emploi (ahah), il y aura des profs pour se plaindre de ne plus pouvoir mettre la pression sur les élèves avec le chômage. Le management par le stress, c’est nous qu’on l’a inventé.

    Réponse de Stéphane Ménia
    🙂

  5. … Cette asymétrie de trajectoires sociales (entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas) donne toute l’utilité du bac. Ensuite, il est vrai que toute la surenchère dans la poursuite d’études longues paraît peu rationnelle. Duru-Bellat a parlé d’"inflation scolaire" pour décrire cette course infructueuse au diplôme. Le terme montre bien l’impact dévalorisateur que la démocratisation scolaire exerce sur la valeur des diplômes, le nombre d’emplois qualifiés n’augmentant pas au même rythme.

    D’ailleurs en considération de ça, le processus de Bologne (la fameuse stratégie de Lisbonne) s’avère finalement défaillant : il ne suffit pas d’élever (artificiellement?) le niveau de qualification de la population pour que cela se traduise par une accélération de la croissance. J’imagine que le peu d’investissement en r&d en France ne participe pas à offrir des débouchés aux diplômés…

    Réponse de Stéphane Ménia
    Les arguments de Durut-Bellat sont moins convaincants que ceux de Maurin (le livre de Durut-Bellat est néanmoins intéressant), même si la théorie du signal ne peut être balayée (voir les travaux récents sur la bulle éducative). Au fond, on a encore du mal à comprendre qu’on peut très bien avoir un niveau moyen qui baisse à chaque niveau mais un niveau d’ensemble qui monte…

  6. Spéculation: Peut-être qu’un diplôme est plus intéressant pour l’individu en raison des relations sociales (le capital social) que son obtention va lui permettre d’obtenir que le signal qu’il lui permettra d’envoyer… Je ne parle pas seulement de l’obtention proprement dite, mais de la course elle-même pour l’obtenir. Les gamins passant un bac plutôt qu’un autre ne seront pas confrontés aux mêmes camarades. Les parents aiguillonneraient (inconsciemment?) leurs enfants dans les filières suivies par les enfants de même milieu social. Il s’agit d’un rendement symbolique certes, mais important sur le plan social.

    Va falloir que je m’intéresse un peu plus à ces travaux sur la bulle éducative…

  7. Contre Denis Colombi: vu le peu d’empressement de mes terminales à prendre le bac au sérieux, je ne suis pas sûr sa disparition les mène à moins bosser… Les kids ne sont pas là pour apprendre, ils viennent pour avoir des notes.

  8. J’aimerai bien qu’on définisse sérieusement le concept de "reconnaissance sociale"….Je suis prof (à la fac) et le fait de savoir que je transmets un cours rigoureux selon les règles admises dans ma discipline, que ce cours intéresse l’étudiant, mieux (mais je rêve) qu’il le trouve "utile", alors le job est fait. La quête de reconnaissance sociale, c’est un simple manque d’amour de profs qui ont une vision romantique et missionnaire de leur boulot, et non rationnelle et scientifique…et vice versa comme diraient les Inconnus. Allez, faut bien rigoler…

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