Je vous souhaite une très bonne année 2019.
Le Président de la République l’a fait avant moi. Une des phrases qui a fait réagir dans ses vœux portait sur la réforme de l’indemnisation du chômage.
“Le Gouvernement, dans les prochains mois, devra poursuivre ce travail pour ancrer nombre de ces réformes dans notre quotidien mais aussi pour changer en profondeur les règles de l’indemnisation du chômage afin d’inciter davantage à reprendre le travail“
Quoi de neuf ?
Un des éléments est connu. Un décret du 28 décembre indique plusieurs éléments de renforcement du contrôle des chômeurs. Le plus visible est la modification des sanctions en cas d’efforts de recherche d’emploi insuffisante. Cet article de Libération résume la teneur du dispositif, qui n’est pas un pur et simple durcissement des mesures en la matière :
“Le fait de ne pas se rendre à un rendez-vous avec un conseiller, par exemple, devait être sanctionné de 15 jours de radiation des listes au lieu des deux mois actuellement en vigueur. Finalement, ce sera un mois de radiation selon le texte du décret, deux mois au bout de deux manquements et quatre mois au ”troisième manquement” constaté.
Par ailleurs, s’agissant des sanctions concernant l’insuffisance de recherche d’emploi (refus à deux reprises de deux ”offres raisonnables d’emploi” par exemple), le gouvernement avait évoqué des sanctions graduelles : suspension de l’allocation d’un mois la première fois, de deux mois la deuxième fois et quatre mois la troisième fois. Il avait alors précisé que l’allocation serait amputée à partir de la deuxième fois. D’après le décret, l’allocation est maintenant ”supprimée” dès le premier manquement et non ”suspendue”, ce qui permettait de conserver ses droits.”
Autre point très important, la définition de l’offre d’emploi raisonnable ne contiendra plus de référence au salaire anciennement perçu. Jusqu’à présent, une offre d’emploi était considérée comme raisonnable si elle correspondait aux qualifications et compétences du chômeur et si le trajet domicile-travail n’était pas trop long. L’offre pouvait être refusée s’il s’agissait d’un temps partiel alors que le chômeur souhaitait travailler à temps plein, si un travail le dimanche était imposé et si le niveau du salaire ne respectait l’un des deux critères suivants : ne pas être inférieur à ce qui se pratique dans la région pour la profession et suivre un barème ainsi résumé :
Durée du chômage | Niveau de rémunération |
---|---|
Moins de 3 mois | Équivalent au salaire perçu antérieurement |
Entre 3 et 6 mois | Au moins 95 % du salaire perçu antérieurement |
Entre 6 mois et un an | Au moins 85 % du salaire perçu antérieurement |
Au moins 1 an | Au moins équivalent au montant des allocations chômage perçues |
C’est donc ce barème qui est supprimé. Pour rappel, un chômeur ne peut refuser plus de deux offres d’emploi raisonnables.
Est-ce que cela change beaucoup de choses pour les chômeurs ?
N’étant pas juriste, je ne saurais le dire avec certitude. À vue de nez, sur le papier, concernant les manquements en termes de rendez-vous avec Pôle emploi, la prise en compte des circonstances sera importante pour éviter les injustices. Néanmoins, le dispositif est finalement moins sévère sur le papier que précédemment mais, en même temps, plus strict qu’annoncé…
Sur la référence (ou son absence, donc) à l’ancien salaire perçu, Pôle emploi se voit donner un grand pouvoir. Puisque c’est à Pôle emploi d’estimer si un emploi est dans “vos qualifications et compétences professionnelles” et si “le salaire est inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et la profession concernées” (deux critères maintenus), le risque de devoir accepter un emploi bien inférieur à vos compétences réelles (à un salaire plus faible que celui auquel vous pouvez prétendre) est déterminé par la vision de vos qualifications et compétences.
Si on entend par là le niveau normal de qualifications que vous possédez, peu de chances d’être contraint d’accepter n’importe quoi. Si on considère que vos qualifications correspondent à ce que vous pouvez faire a minima, alors vous pouvez effectivement passer d’un job d’ingénieur à un job d’ouvrier. Un conseiller pôle emploi qui appliquerait cette seconde lecture pour un chômeur inscrit depuis disons 3 mois ferait une faute professionnelle. La qualité des appariements fait partie de son travail. Une durée optimale de recherche d’emploi n’est pas celle qui minimise le temps de recherche, mais celle qui fait correspondre au mieux le profil des offres au profil des demandes d’emploi, tout en minimisant le temps de recherche sous cette contrainte. Il n’est bon ni pour l’assurance chômage, ni pour les entreprises, ni pour les chômeurs de caser les chômeurs sur des emplois qu’ils quitteront dès que possible pour… redevenir chômeurs.
Si l’on part du principe que les conseillers Pôle emploi font bien leur travail, cela n’arrivera donc pas. Mais l’histoire n’est pas finie. Si Pôle emploi fixe des objectifs de radiation à ses conseillers, alors le risque réapparaît. Ce risque existe. Il n’est pas absurde de considérer que le rapport de Pôle emploi qui estimait à 12% la proportion des demandeurs d’emploi ne réalisant pas une recherche active sérieuse devrait servir de base à l’évaluation des performances du nouveau dispositif, l’objectif étant de réduire ce chiffre. Que se passera-t-il si on donne un objectif de x% de radiations pour sanctionner les supposés 12% de chômeurs peu actifs dans leur recherche d’emploi ou si on demande un taux de placement des chômeurs significativement plus élevé pour valider l’hypothèse qui sous-tendait le nouveau dispositif ? Absolument rien ne dit que seuls les chômeurs peu actifs dans leur recherche seront effectivement concernés par les radiations. Et rien ne dit que la qualité des appariements sera préservée. Si un indicateur de ce type est mis en place, les risques qu’il conduise à un très mauvais travail chez Pôle emploi sont réels.
À ce stade, plus qu’un problème de règles, les changements introduits me semblent donc poser la question du management et des incitations au sein de Pôle emploi. Je ne saurais faire de prévisions à ce sujet.
Toujours la même question, en fin de compte (et toujours la même réponse)
Était-il urgent de renforcer le contrôle des chômeurs ?
Fin 2017, j’avais rédigé un billet qui reprenait en particulier une note rédigée par Bruno Coquet sur le contrôle des chômeurs. Note qui montrait clairement qu’il n’y avait pas d’espèce d’urgence à axer les politiques de l’emploi sur ce volet. Je vous invite à lire le billet (et/ou la note) dans son intégralité pour un tour d’horizon assez complet du sujet. Si le temps vous manque, je résumerai, avec les mots de Coquet ce qu’il faut retenir :
« Les études réalisées en France montrent que l’aléa moral des chômeurs indemnisés est faible, et même notablement plus faible que dans la plupart des pays comparables : en d’autres termes il n’y a pas de réticence généralisée à la reprise d’emploi de la part des chômeurs indemnisés. Lorsque l’aléa moral est observé, il est marginal dans tous les cas, car attribuable à des règles très spécifiques dont l’incidence est très réduite, au regard du nombre d’individus concernés et surtout en termes de dépenses ; l’existence d’un aléa moral fort et généralisé au point de restreindre massivement les reprises d’emploi n’est pas établie. »
12%, c’est la part des demandeurs d’emploi (indemnisés ou non) dont Pôle emploi estime qu’ils ne sont pas en recherche d’emploi suffisamment active. Parmi les radiés, le taux de radiation est de 8% chez les chômeurs indemnisés, de 15% pour les chômeurs indemnisés selon le régime de solidarité et de 19% pour les non indemnisés. D’autres caractéristiques sont très parlantes. Ce sont les moins qualifiés qui sont le plus souvent radiés. La durée du chômage compte significativement aussi, au delà de 6 mois.
Suite à un contrôle, le taux de retour à l’emploi dans les 6 mois qui suivent le contrôle est plus élevé que pour l’ensemble des demandeurs d’emploi, de façon significative. Grosso modo, avec toutes les précautions nécessaires quand on emploie une règle de trois sauvage de ce genre (sauvage notamment parce que le taux global inclut aussi les chômeurs contrôlés… j’ai la flemme de peaufiner), si on prend les 5,4 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A, B et C, qu’on estime un retour à l’emploi plus élevé de 3 points, cela représente 160 000 personnes de plus qui retrouvent un emploi au bout de six mois. De quoi dire deux choses : ce n’est pas rien et c’est bien peu.
Mais le rapport ne donne pas d’éléments qualitatifs pour juger de l’impact réel des contrôles (sur la qualité des appariements, par exemple, le graphique assimilant par exemple un CDD de 6 mois à un emploi durable).
Il est utile de relever que le rapport mentionne le point suivant. Lorsque l’insuffisance de recherche d’emploi est déclarée :
“le conseiller rappelle au demandeur d’emploi ses droits et devoirs, renforce si nécessaire sa connaissance desservices de Pôle emploi et le cas échéant le sensibilise à l’insuffisance de sa démarche de recherche. Par ailleurs, il peut identifier un besoin d’accompagnement et en informer le conseiller référent du demandeur d’emploi. D’après les estimations qualitatives de quelques responsables d’équipes de contrôle, cette situation représenterait 15 à 20% des cas.”
C’est important. Pour être efficace, la notion de contrôle ne peut être dissociée de la notion d’accompagnement prise au sens large. Dans ce cas, travailler sur ce point est forcément une bonne chose. Mais je ne vois pas en quoi cela serait servi par une politique visant à “changer en profondeur les règles de l’indemnisation du chômage afin d’inciter davantage à reprendre le travail”. Wait and see…
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J’avoue que j’ai toujours trouvé ridicule cette notion d’emploi refusé. Je n’arrive même pas à me représenter dans quel cas la situation peut se produire. Franchement, comme si on vous proposait un job comme ça, cadeau “signez là”, sans avoir fait l’effort de l’obtenir. Y’a rien de plus simple que foirer un entretien d’embauche quand on veut le poste, alors quand on en veut pas …
Déjà, moi j’aimerais bien que PE me fasse parvenir des offres d’emploi !!! Bon, je dois avouer qu’en sept ans, j’en ai eu trois :
– une pour laquelle je n’ai jamais eu de réponse de la part de “l’employeur”
– une avec une réponse de l’employeur me précisant qu’il était “désolé, mais cette offre a été pourvue il y a déjà un mois”…(pour un “15h/semaine”)
– une en CDD de deux mois à temps partiel (20h) à 450 km de mon domicile (et dans un secteur pro que je ne connais absolument pas : formateur en bâtiment)
Par contre, PE ne m’a JAMAIS contacté lorsqu’il recrutait 2000 (deux milles) psychologues du travail (ma formation et mon métier)… Je ne l’ai appris par mes propres moyens qu’une fois les recrutements quasiment terminés !
On ne m’a jamais proposé de formation. J’ai insisté pour en avoir une. Invité alors à une “info coll” pour nous entendre dire qu’il n’y avait plus de place (en formation d’anglais), mais que par contre, il en restait pour une formation en Allemand. J’ai malgré tout dit “OK pour moi”.
On nous dit “vous passerez des tests de niveau et on vous contactera si vous êtes retenus, la formation débutant à (telle date)”.
Je passe les tests… et demeure sans réponse. Arrive le jour de début de formation : je n’ai pas de réponse. Donc, si j’ai bien compris, pas de formation…
La formation débute un lundi.
Le vendredi suivant, je reçois un courrier de PE (envoyé 48 h avant, un mercredi donc, soit également 48h APRÈS le début de la formation) m’indiquant que la formation démarrait… le lundi d’avant (soit deux jours AVANT l’envoi du courrier m’invitant à débuter cette formation et quatre jours AVANT la réception du courrier envoyé comme il se doit en courrier “lent” !!!).
Panique à bord : Je file à PE. Je montre l’enveloppe et le courrier à la conseillère avec mes explications. Elle appelle sa collègue qui gère cette formation. Et je m’entends dire (texto) :”Ah oui. J’ai oublié de le prévenir, mais la formation a été annulée” ! Tout cela, sans excuses (pourtant je comprends très bien qu’il puisse y avoir de loupés !).
Sinon, j’ai également eu droit à une convocation pour un entretien (le 4è en sept ans…) un mercredi à 14h15.
Je me présente à 14h. J’indique que j’ai un rdv avec telle conseillère à 14h15, ce mercredi. La personne me jette un oeil sévère : “vous avez votre convocation ? Car vous êtes certains que c’est aujourd’hui ?”. Moi, re-panique (il faut savoir que j’ai déjà fait deux infarctus, mais ça on s’en fout à PE) ; je tends la lettre. Le conseiller la regarde et file vers un bureau, sans un mot pour moi (rien que du genre “je reviens tout de suite”, ou “je vais vérifier quelque chose”). Je me dis :”OK. Cette fois, je suis bon pour la radiation”. Il revient quelques minutes plus tard en me demandant si je n’avais pas eu un autre courrier annulant cette convocation. Je réponds par la négative. Il est visiblement très gêné. Et fini par me dire : cette conseillère ne travaille JAMAIS le mercredi… Mais aucune excuse, bien entendu, de la part de l’institution.
Le dernier rdv (le cinquième en 7 ans, donc) le conseiller qui me reçoit me dit très vite et avec beaucoup d’honnêteté : “votre cas ne relève pas de mes compétences”… Mais nous avons quand même discuté environ 30 minutes : il a tout simplement tenter de me connaitre un peu… Et lorsqu’il a vu mon âge (56 ans à cette époque), il m’a clairement indiqué que “oui, effectivement, à votre âge, malheureusement il n’y a quasiment plus de chance que vous retrouviez en emploi, et en tout cas plus en CDI”…
Avoir un boulot, je ne demande que ça !!! Parce que tout ces Jenfoutre d’en haut croient que survivre avec 500 euros/mois est très simple (ASS) (Castaner a bien dit qu’on prend des vacances pendant cinq ans !), que vivre en hiver dans des pièces où la température n’excède pas 13 (treize) degrés le jour et 10 ou 11 la nuit est extrêmement ludique (pas les moyens de me chauffer) ; et encore, parce que les températures extérieures sont stabilisées autour de 0 à 7 degrés, mais lorsqu’elles chutent à moins 10, à l’intérieur je vis dans 7 ou 8 degrés ! ; et, surtout, plus aucune vie sociale possible : boire un café au bistrot revient cher… Sans compter la honte de me retrouver dans cette situation que je cache comme on peut cacher un furoncle sur le bout de son nez !
Au fait, à quand un contrôle accru des absentéistes au Parlement et au Sénat ??? Avec retrait systématique de leurs indemnités ?
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