En devisant avec mon compère sur son texte à venir sur Classe éco (publié ici), je me suis soudain rendu compte qu’une question méritait d’être posée : imaginons une France débarrassée des hétérodoxes et autres charlatans au sens de Cahuc et Zylberberg. Serait-elle pour autant le paradis scientifique que les auteurs imaginent ? Deux exemples de pays montrent que rien n’est acquis. Le premier, est caricatural, évidemment, puisqu’il s’agit de la Corée du Nord. Pas d’hétérodoxie, là bas. Le second est plus intéressant, il s’agit de l’Allemagne. En Allemagne, autour de la tradition surdominante ordo-libérale, la science économique est gentiment devenue médiocre, comme l’expliquait très bien Charles Wyplosz dans cet article. Enfin, on pourrait prendre comme contre-exemple le cas… des États-Unis. Vous n’y verrez nullement un Robert Lucas demander que James Galbraith soit interdit d’antenne. Pourtant, en matière de qualité de la recherche…
L’issue intellectuelle d’un monde Cahucio-zylberberguien est difficile à envisager, c’est certain. D’emblée, comme le souligne Olivier Bouba-Olga, le chercheur neutre, cela n’existe pas. Alors, si on refile à une minorité les clés de la baraque, où ira-t-on ? Ensuite, si, dans notre cas national en particulier, vous prenez les Français et leur tendance naturelle à voir de l’opinion et de la politique de partout, notre culture d’ingénieurs constructivistes, je me demande bien ce que donnerait le cas de figure évoqué. Et vous, vous l’imaginez comment ce scénario fiction ?
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Bonjour,
Juste une question: Qu’entendez-vous exactement par “ingénieur constructiviste” ? Les ingénieurs français sont très appréciés dans le monde. En étant un moi-même, ça m’interpelle 🙂
J’apprécie aussi le talent des ingénieurs français quand ils conçoivent des ponts, des réacteurs nucléaires, des moteurs de voiture ou des choses comme ça.
Mais nous avons une tradition de construction de systèmes techniques que des ingénieurs auraient aussi tendance à calquer sur le modelage des organismes sociaux. Ce qui n’est pas souvent une bonne idée.
C’est pourtant simple : le monde sera illico coupé en deux (une zone témoin et une zone d’expérimentation).
😀
Le parallèle entre économie et médecine est tout à fait judicieux plutôt que celui, habituel en économie, entre économie et physique. A l’instar de l’économie, la médecine a aussi ses hétérodoxies (médecine chinoise) et les remèdes apportés dépendent du contexte, du patient et du praticien. Un même médicament n’aura pas les mêmes effets (ceux attendus ou les effets secondaires) sur deux patients différents (un jeune, un vieux, un sportif ou pas etc.). Les expérimentations médicales peuvent aussi se contredire. La médecine est à la fois un art et un savoir. La qualité de cette pratique dépend du praticien lui-même et du patient et pas seulement des remèdes face à la maladie. Parfois, on peut douter des remèdes proposés par les “médecins orthodoxes” (vaccination), il peut y avoir une part d’idéologie. Aussi, les patients n’écoutent pas toujours leurs médecins (“faites du sport”, “mangez moins de charcuterie”….) comme les décideurs politiques n’écoutent pas toujours leurs économistes. Enfin, mettez deux psychiatres dans une même salle pour juger de l’état mental d’une personne, il y aura trois avis….(regardez les expertises psychiatriques lorsqu’il y a le procès de personnes pour juger la responsabilité de leurs actes).
J’ai lu “L’invention De La Réalité”
Comment savons-nous ce que nous croyons savoir ?
Contributions au constructivisme dirigé par Paul Watzlawick”.
Seuil 1988
Très beau livre.
Les personnes intéressées par ce genre de questions trouveront peut-être un certain intérêt au lien suivant : http://toutsepassecommesi.cafe-sciences.org/2016/01/27/vent-de-folie-dans-les-journaux-scientifiques-1-la-secte-du-cladisme/
Pour ma part j’ai trouvé possible de faire quelques rapprochements entre la querelle des “orthodoxes”/”hétérodoxes” et les évolutions de la phylogénie (expression amusante en elle même, bref).
Un court (hum) extrait :
“Les cladistes proposaient un critère de classification, les relations phylogénétiques. Et comme il n’existait pas de méthode objective pour reconstruire ces relations, et l’objectivité était leur objectif, ils ont aussi proposé une méthode formelle (programmable informatiquement même), dite de « parcimonie » (orthographe discutée ici