grosse fatigue

En début d’année, j’indique toujours à mes élèves que s’ils s’avisent de commencer un travail écrit par une variante sur le thème de “à l’aube du XXIème siècle, dans la mondialisation issue de l’après-guerre froide, dans le monde post-11 septembre…” je ne prends même pas la peine de lire le reste de la copie. Outre que ce style boursouflé m’énerve, il n’annonce en général qu’une série de platitudes qui ne mérite pas d’être lue. Illustration par l’exemple, avec le Baverez du Monde daté de demain.

Au passage, quelqu’un pourrait-il m’expliquer l’origine de la dernière mode consistant à utiliser le verbe “acter” à tout bout de champ?

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Alexandre Delaigue

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21 Commentaires

  1. Acter passer mieux que constater ? Comme le verbe est phonétiquement proche d’acteur, ça donne un côté volontariste à une simple prise en compte – voire menaçant si on creuse par là.

  2. De tout temps, l’élève a été tenté de commencer ses rédactions en recentrant les débats sur les sujets qu’il maîtrisait. Des techniques innées lui permettaient alors d’esquiver le débat lui-même, et sa problématique, pour se réfugier dans le confort rassurant de ses cours mal digérés. En actant de cette tendance née d’une longue tradition scolaire qui veut qu’un élève n’imagine pas un seul instant que ce qu’il invente a déjà été réalisé mille fois parce ceux qui l’ont précédé, et notamment, leurs enseignants, les professeurs ont tenté de les dissuader d’user de telles formules, qui les piégeraient dans le néant rédactionnel du lieu commun.

  3. Introduction pleine de platitudes ? Le dernier billet d’Attali sur son blog est pas mal dans le genre :
    blogs.lexpress.fr/attali/…

    Cela dit, en tant qu’étudiant, je réagis : je vous trouve terriblement strict en ce qui concerne les premiers mots d’un devoir. Pas besoin d’être le roi du style et de l’acuité pour faire des bons devoirs.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Au bout de quelques cours, on parle de théorie des jeux, de crédibilité des menaces… Ca les rassure 🙂

  4. Je me souviens (et "je me souviens", on a le droit de répéter, c’est de la littérature) mon prof de philo nous disait la même chose avec l’introduction "de tous temps, les hommes…." et depuis, chaque fois que je croise cette phrase à l’introduction d’un article (et je la croise relativement souvent, l’air de rien, celle-ci), je tourne la page…

  5. Merci Alexandre, grâce à vous je lis des articles que je n’aurais probablement pas lus (même lorsque j’étais abonnée à ce journal…)
    Vivement que vous puissiez remplir les colonnes du Monde, cela nous changera de ce type papier prétentieux et inepte.
    Sinon le verbe "acter" est peut-être plus facile à employer que le verbe "adhérer" ces derniers temps…

  6. Savoir commencer un texte et avoir quelque chose à dire, ce sont deux choses différentes, ai-je tendance à penser. Votre "en général" est statistiquement constaté, ou juste une auto-persuasion pour justifier votre agacement? (Désolé, je dois être plus vieux que vous, mais je resterai à jamais du côté de l’élève, dans la guerre ancestrale qu’il mène contre l’enseignant, et qu’il perd toujours).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Je lis quand même, hein… L’essentiel est juste de leur faire remarquer le problème.

  7. Ca me fait penser qu’il faudrait se pencher sur la stupidité du langage managérial inculqué plus ou moins consciemment aux élèves et étudiants de gestion qui n’ont pas la chance d’avoir fait HEC. Irrémédiablement, ils me font penser à des joueurs de foot lors d’une interview. La différence, c’est que les joueurs de foot utilisent des phrases creuses pour justifier leur salaire aux yeux du monde alors que ce sont les salaires qui sont justifiés par des phrases creuses dans le cas de nos jeunes BTS et autres IUT. Oui, bah, je n’invente rien. Je veux bien que le langage soit un vecteur de culture et de cohésion. Mais quand on comprend pas ce qu’on dit, c’est mal pour la tête. Enfin, en tout cas, sur ce point, les miens, ils ont l’air de mieux réagir que les tiens.

  8. De tout temps, Baverez semble s’etre donné pour habitude de surfer sur les plus communes platitudes.

    Je parlais deja du pape de le "déclinologie" en 2006… perspective intéressante vue de Londres (Bavarez vous le dirait : c’est tellement mieux ailleurs…) -> vonric.blogexpat.com/blog…

  9. Ne pas oublier que ces actes doivent être des "gestes forts"…

    Pour ce qui concerne les platitudes introductives, j’ai pour ma part l’attitude radicalement inverse de la vôtre : un début nul ne veut rien dire, un bon début est l’assurance d’une bonne copie.

  10. Depuis que j’ais un bon prof d’éco, il m’arrive de penser …

    Est-ce un meilleur début ou craignez vous être pris pour un con ?

    Plus sérieusement, depuis qu’ll existe des blogs tels ceux pointés par Lieux Communs ou des sites comme Rue89 ou Agoravox, je ne vois pas pourquoi je foutais en l’air plus de 1 euro pour lire des conneries.

  11. Il me semble que l’utilisation du mot "acter" n’est pas étrangère à sa prononciation."Acter" sonne comme un coup de marteau sur un clou.Rentrez-vous bien cela dans la tête,il n’y a pas à y revenir.Il y a quelque chose de physique dans ce mot et on ne peut rien contre les lois de la physique.

  12. Ce que je n’ai jamais vraiment compris, c’est pourquoi on donne à M. Baverez le titre d’économiste ? je viens de vérifier encore sa biographie et il n’est pas fait mention de diplôme d’économie ou de poste dans des organismes (banques, institutions, université) pouvant légitimer le titre. Il est bien docteur et agrégé de l’université mais en histoire et sciences sociales, ce qui n’est pas le même chose, non ?

  13. "Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune…"

    (un peu plus bas)
    "… ah, passons au déluge !"

    Les Plaideurs, Racine

    Pour "acter" (un raccourci pour "prendre acte" ?) , peut-on voir une séquelle de la "roue de Deming" ou roue PDCA (Plan, Do, Check, Act) ?
    Le "Act" voulant dire ici mettre en oeuvre, appliquer (l’amélioration qui a été élaborée et validée dans les deux phases précédentes).

    Ceci dit, après un petit tour sur le TLF, "acter" pour prendre acte était déjà critiqué dans Le Temps en septembre 1938…

  14. "Acter" me semble utilisé le plus souvent à l’issue d’une réunion parfois conflictuelle pour inscrire une résolution à un procés-verbal de séance.Peut-être pour se rappocher phonétiquement de "acte" au sens juridique? Un peu dans le sens "constat d’huissier" …car les paroles s’envolent.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Si j’en crois le dictionnaire de l’académie française, “acter” est un terme désuet qui signifie “rédiger un acte juridique”. Donc oui, vous avez raison… Mais ce n’est pas dans ce sens que le terme est utilisé dans le verbiage “moderne”.

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