Le Monde titrait samedi “Bourses : 25 000 milliards de dollars partis en fumée”, article repris par Yahoo aujourd’hui, avec la bonne photo du trader déconfit qui va bien (juste au dessus). Deux mots là-dessus.
EDIT : billet assez inutile, il existait déjà au moins une explication de Pascal Riché, ici, amplement, voire plus satisfaisante.
Si je vous vends aujourd’hui un vélo rouge (avec pare-boue chromé) 100€ et que vous le passez sous un rouleau-compresseur dans un mois, vous avez perdu un vélo et il est parti en fumée. Les 100 euros, eux, sont toujours là, mais c’est moi qui les ai. Si quelqu’un récupère la carcasse et vous en donne 10€, vous avez perdu un vélo et récupéré 10€. Si celui qui récupère la carcasse la transforme en lampe design et la revend 90€, il gagne 80€ et quelqu’un a une lampe. Les 100€, je les ai toujours et la lampe existe. Dans cette histoire, je ne vois qu’un perdant : vous. Vous aviez 100€ et vous n’en avez plus que 10. Je vous ai vendu la promesse d’une promenade en vélo, vous l’avez acceptée et, hélas, tout ne s’est pas passé comme prévu pour vous.
Aucun billet de banque n’a été brûlé ou maltraité dans cette petite histoire.
Sortons de cette parabole et voyons-en une autre un peu plus proche de la réalité : s’il y a un mois j’avais acheté tous les titres de tous les indices du monde, cela m’aurait à peu près coûté 100 000 milliards de dollars. Si je les revendais aujourd’hui, j’en tirerais 75 000, donc j’en perdrais 25 000. Pour moi, ces 25 000 sont perdus, mais ils ne sont pas partis en fumée, puisque je les ai bien payés à mes vendeurs du mois dernier. Du reste, quelqu’un a encore les titres, un peu comme mon designer a votre vélo.
Ca, c’est aujourd’hui. La vraie question est de savoir ce que deviendront les actifs réels cachés derrière les cours des bourses mondiales.
Si la crise boursière se traduit par une chute ou un gros ralentissement de l’activité réelle, on pourra chiffrer les pertes sociales du krach. Mais elles seront mesurables dans des ordres de grandeur totalement indépendants des 25 000 milliards évoqués.
En conclusion, l’image est frappante et commune dans les media. Et, après tout, oui, il y a bien eu une perte énorme pour certains, mais, à ce jour, pas pour l’ensemble.
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Les média de masse font souvent des raccourcis +/- trompeur dans leur titre mais le développement est souvent meilleur. ils parlent de la monnaie scripturale et pas fiduciaire. La bulle immobilière éclate et cette perte de 37 000 G$ depuis 2007 est à relativiser. Disons qu’on découvre une valeur des choses plus consensuelle. Un peu comme si hier tout le monde négociait un vélo de 100€ à 150€. La perte de 50€ est bien réelle pour ces récents acheteurs.
fr.youtube.com/watch?v=p5…
KLF maltraitant les Billets (après un mn et surtout après 3mn)….
Ce cliché gros, gras et dodu de "partis en fumée", qu’on lit et qu’on entend six ou sept fois par jour, a le don de m’exaspérer. C’est comme les avions qui sont toujours "cloués au sol"…
Réponse de Stéphane Ménia
Ah oui, tiens, c’est vrai, ça. J’ai jamais vu un clou sur un tarmac.
Le Monde, qui est un journal sérieux, va bien sûr corriger, après la hausse de 10% de Wall Street hier soir (28 octobre), en titrant en une: "2500 milliards ont été retrouvés" (cachés dans les faux plafonds — ou les ordinateurs — des salles de marché ?)
Je ne comprends pas vos railleries récurrentes à propos de ce raccourci des médias, des fameux "milliards partis en fumée" à l’issue de séances de baisse. Il me semble que vous oubliez l’effet richesse.
Ces derniers jours, on a vu les cours de certaines actions baisser de 10% avec moins d’1% du capital échangé. Il suffit qu’il n’y ait pas d’acheteur au prix courant, et qu’il traîne dans les carnets d’ordres quelques ordres d’achat à limite basse au cas où, pour que l’algo de la bourse en cas de pression à la vente fixe un prix d’équilibre en forte baisse.
Dans ce cas, sans qu’il y ait d’argent qui change de main ni de transaction pour 99% des possesseurs de titres, ceux-ci subissent tous une moins-value latente importante, latente mais non moins réelle.
C’est la même chose pour l’immobilier : ce sont des transactions à la marge qui fixent les prix. Tout les propriétaires peuvent se retrouver moins riche parce que momentanément (période de crise ou de restriction du crédit), les 5% de vendeurs ne trouvent que des acheteurs à bas prix.
Tous ces gens perdent effectivement du capital : s’ils veulent vendre leurs titres ou leur maison pour acheter quoi que ce soit, il faudra en rabattre sur leurs prétentions. Acheter une Logan plutôt qu’une Audi.
Et ce qui vaut pour des particuliers vaut pour une entreprise, et bien sûr une banque : le capital, c’est la capacité d’investir. C’est bien celle-ci qui est amoindrie en ce moment, et qui va entraîner la récession.
Donc oui, des milliards partent en fumée quand la bourse baisse. Cette confiance moindre en l’avenir que la veille, ce capital disparu, tout cela a un impact sur l’économie, ce n’est pas un simple jeu d’écriture à somme nulle.
Réponse de Stéphane Ménia
Primo, je ne comprends pas pourquoi vous parlez de “railleries”. Pour une fois, j’ai été nickel, comme en atteste ma dernière phrase. Secundo, vous écrivez que DES gens ont perdu de l’argent. Oui, mais d’autres en ont gagné, exactement 25 000 milliards. Quant aux pertes collectives à venir, qui ne sont pas là où vous croyez, si vous êtes foutu de les chiffrer à 25 000 milliards, je vous envoie une bouteille de Ricard.
@Stéphane : je dis railleries parce que ce n’est pas la première fois qu’éconoclaste se paye la tête des journalistes supposés incompétents et ignares en économie.
Par ailleurs, qui a gagné les 25000 milliards "partis en fumée" ? La bourse n’est pas à somme nulle et je viens de vous dire que même pas 1% de gens ont effectivement vendu leurs titres lors d’une séance baissière. Les volumes quotidiens à la bourse de Paris sont inférieurs à 10 milliards pour environ le centuple de capitalisation. Quand le CAC baisse de 10%, ce sont 100 milliards de capital qui disparaissent. Ils ne sont transférés nulle part !
Après vous pouvez bien botter en touche, comme Pascal Riché, sur le fait que le capital n’est pas la mesure de la richesse réelle. C’est vrai, puisque les usines, les maisons, les produits et les matières premières sont toujours là.
Mais étant entrepreneur je puis vous dire que le capital, c’est tout de même on ne peut plus concret : l’argent avec lequel j’achète des marchandises, je paye des salaires, ou j’investis dans des projets.
Réponse de Stéphane Ménia
“La bourse n’est pas à somme nulle”. Ai-je écrit cela ? Non. Votre capital, c’est quoi ? La valeur de marché de votre entreprise ou ce que vous avez injecté dans votre boîte ? Dans le premier cas, ce n’est pas l’argent avec lequel vous achetez des marchandises. Dans le second, et dans l’immédiat, vous l’avez toujours. Pour le reste, merci d’aller encore plus dans mon sens…
@ Gaétan B : les journalistes ne sont pas "supposés incompétents et ignares en économie", ils SONT incompétents et ignares en économie (comme 99% des français, je ne jette la pierre à personne).
Il me semble que lorsqu’une énormité est dite dans les médias (ou ailleurs) il n’est pas abérant de la corriger. Et c’est d’ailleurs pour cette raison précise qu’à titre personnel je suis éconoclaste avec un grand intérêt…
Réponse de Stéphane Ménia
Oui. Mais notre position a évolué au fil du temps. Quand on prend en compte les contraintes des journalistes (notamment pour faire une Une), on a un regard plus indulgent ou blasé et moins centré sur les gens qui produisent des raccourcis ou des idioties notoires. Mais continuer à relever est utile pour tous. Là où Gaëtan se plante, c’est que ce billet corrigeait sans railler et en concluant que ce n’était pas si grave. Mais visiblement, il est convaincu que le titre était totalement justifié. Sur ce point, nous ne serons pas d’accord.
Le rapport entre capitalisation boursière et capital de la société m’apparaît hasardeux. Pour une société cotée, le cours de l’action n’est pas une image fidèle de la valeur de la dite société. La cote doit plutôt être vue comme la valeur actualisée des rendements futurs.
Lorsque le cours de l’action diminue de 10 %, les capitaux propres de la société sont inchangés ( je sais c’est un raccourcis approximatif : titres auto-détenus…). Les évolutions des cours montrent les évaluations par le marché des perspectives de la société et non-pas de la valeur actuelle ou future de la société.
Je me permets de rajouter mon grain de sel bien que le débat semble dater :
Le capital, pour une entreprise, est constitué de l’ensemble des emplois nécessaires au processus productif. Au sens étroit, il s’agit plus précisément de l’ensemble des actifs immobilisés (usines, fabriques, terrains, biens immobiliers, actifs incorporels, droits d’utilisations, marques, brevets, licences, technologies, actifs financiers). Ils sont constitués grâce à des investissements (que l’on peut assimiler à la formation brute de capital fixe). Le reste des emplois est constitué des actifs et passifs circulants également appelé besoin en fonds de roulement (Créances hors financier + stocks – dettes hors dettes financières).
En somme pour faire le lien entre capital (au sens économique) et capitalisation boursière on a l’égalité suivante (en valeur de marché) :
Capital + Besoin en Fonds de Roulement = Capitalisation Boursière + Endettement Financier Net.
Les cours de bourse mesurent la valeur de marché d’une quote-part des fonds propres d’une entreprise. La valeur de marché des fonds propres ou capitalisation boursière est le plus souvent éloignée de la valeur comptable des fonds propres de l’entreprise pour la simple et bonne raison que les actifs et passifs, ne sont pas systématiquement comptabilisés au bilan d’une entreprise à leur valeur de marché (les normes comptables IFRS tendent néanmoins désormais vers une comptabilisation en « fair value » mais c’est un autre débat épineux).
Lorsque la valeur de marché des fonds propres est supérieure aux fonds propres comptables (Price to Book > 1) cela signifie qu’il existe des plus values latentes à reconnaître à l’actif de l’entreprise en question (il s’agit même souvent d’actifs non reconnus au bilan de l’entreprise) toutes choses égales par ailleurs (valeur de l’endettement net constante). Dès lors, lorsque les cours de bourse baissent, cela signifie implicitement que la valeur de marché des actifs immobilisés des entreprises, et donc de leur capital diminue également (si l’on suppose que le besoin en fonds de roulement et l’endettement net sont stables => Cf. équation ci-dessus). Ceci peut impliquer que les plus values évoquées plus haut soient plus faibles voire même négatives (cas où la valeur de marché des actifs est inférieure à la valeur comptable).
Mais cette diminution de la valeur du capital est virtuelle. Elle traduit le plus souvent des craintes (souvent exagérées et là on rentre dans un autre débat, celui de l’efficience des marchés) de dégradation des conditions du marché dans lequel ce capital est utilisé.
Si l’on prend l’exemple d’Air France, dont le capital est constitué essentiellement de sa flotte d’avions (pour simplifier), la baisse de -25% du cours de cette entreprise depuis début août 2011 signifie implicitement que la valeur de son capital (sa flotte d’avion) a diminué d’autant (toujours en supposant la stabilité du BFR et de l’endettement net) ce qui peut sembler absurde. On voit mal comment un avion peut perdre 25% de sa valeur en quelques jours. Airbus ne vend pas ses A320 25% moins cher pour autant.
Mais on ne parle ici que de valeur de marché et non de valeur intrinsèque. La valeur de marché fait référence entre autre à un contexte économique et financier et à des perspectives, lesquelles se sont assombries suite aux incertitudes face à l’endettement public et les craintes de récession associées. Si Air France vendait sa flotte demain, il ne perdrait surement pas 25%. Toutefois, si les perspectives économiques se dégradent nettement, et que le trafic aérien est touché, le prix des avions baissera très probablement peut-être pas de -25%, mais il baissera quand même. Il se peut aussi que les marchés exacerbent nettement les risques sur l’économie réelle (mimétisme, comportement moutonnier…). Dans ce cas, dans un futur proche, la valeur d’Air France redeviendra surement plus cohérente avec ses fondamentaux et les euros partis en fumée auparavant seront « récupérés ». Enfin, il se peut que les -25% s’expliquent par des facteurs spécifiques à l’action Air France.
Tout cela pour dire qu’en effet, les 25 000 milliards en question ne sont pas perdus au niveau macroéconomique tout comme ils ne seront pas gagnés si les cours de bourses augmentent dans les jours ou mois à venir. Les cours de bourse ne reflètent que la valeur virtuelle du capital (virtuelle car fonction des anticipations faites par les marchés en termes d’hypothèses de croissance, marché, stratégie de l’entreprise…). La perte de valeur ne devient réelle que lorsque ces hypothèses se vérifient. Or, les marchés ne vivent quasiment que d’hypothèses, d’anticipations et des inférences tirées sur la base de l’information financière publique. Ainsi, les cours de bourse sont par essence, toujours des valeurs virtuelles, les informations d’aujourd’hui pouvant être contredites par les informations du lendemain.
Toutefois, il me semble qu’il existe bien un effet de richesse. Les entreprises garantissant leur emprunt sur la valeur de leurs actifs voient leur capacité d’endettement diminuées lorsque la valeur de leur capital diminue et ceci peut être un frein à la croissance économique. Le raisonnement inverse tient aussi. Des valorisations boursières excessives sont également dangereuses économiquement puisqu’elles développent plus que de raison les capacités d’emprunt des agents économiques, processus pouvant aboutir à un surendettement généralisé.
En conclusion, à mon sens au niveau macroéconomique la perte est avant tout virtuelle au sens ou si les hypothèses qui sous-tendent les comportements des marchés s’étaient vérifiées, l’ensemble des capitalisations boursières aurait perdu 25 000 milliards de dollars. Ces pertes latentes peuvent toutefois avoir un effet négatif sur la croissance via une réduction des capacités d’emprunt des agents économiques.