Faut-il une relance budgétaire aux USA?

D’après Larry Summers et Martin Feldstein, pour éviter une très forte récession aux USA l’année prochaine, il faut une politique budgétaire expansionniste pour accompagner la politique monétaire; pour Greg Mankiw, la politique monétaire suffira et la politique budgétaire est inopportune; pour The Economist, une politique budgétaire n’est pas urgente.

Churchill déplorait dans une plaisanterie célèbre que lorsqu’il réunissait 4 économistes à propos d’un problème, il obtenait 4 avis différents; et même 5 avis différents si l’un d’entre eux était J.M. Keynes. Cette question de l’opportunité d’une politique budgétaire expansionniste lui donne un peu raison : ces positions différentes ne sont pas assises sur des différences théoriques – tous ces auteurs se fondent sur le même corpus keynésien pour leurs préconisations; bien qu’étant d’accord sur les outils, les préconisations sont différentes. Le tout dans un contexte dans lequel la probabilité de récession aux USA a tendance à augmenter. Les différences ne viennent même pas de points de vue politiques; Feldstein et Mankiw sont tous deux proches des républicains, Summers étant l’ancien secrétaire au trésor de l’administration Clinton.

Ce qui fait les différences de points de vue, c’est que si tous s’accordent pour considérer que l’économie américaine va passer une mauvaise année 2008, l’ampleur des difficultés à venir est inconnue. Pour ma part, je me demande si le contexte d’une élection présidentielle américaine est très propice à une politique adaptée. Le public choice nous dit qu’on devrait assister, comme chaque année électorale, à un gonflement des déficits publics; mais cela ne marche pas à tous les coups, surtout avec un président qui ne se représente pas. Si je devais faire un pronostic, je pense qu’il y aura un peu de stimulation budgétaire, mais pas beaucoup : pas assez pour soutenir l’activité si effectivement la récession est forte, mais juste assez pour que la situation budgétaire du prochain gouvernement soit un peu difficile.

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Alexandre Delaigue

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4 Commentaires

  1. Hippocrate avait fait une proposition en ce cas : choisir le ou le moyen ayant le moins de conséquences néfastes notoirement prévisibles et dans le doute, ne rien faire (primum, non nocere).

    Les politiques traduisent cela par ; "ne se fermer aucune issue sans y être absolument contraint", ce qui est approximativement identique.

    C’est donc peut-être dans l’identification de conséquences indésirables mé ou mal connues de certains actes ou stratégies de la politique économique que les économistes peuvent apporter au politique.

  2. En effet il est surprenant de voir une telle convergence de points de vue. Aussi bien Mankiw que The Economist adoptent un point de vue keynésien. Ils parlent de la demande globale et des effets stimulants de la politique budgétaire. Seule l’opportunité de telles mesure est débattue.

    N’y en aura-t-il pas un pour critiquer cette ânerie qu’est le paradoxe de l’épargne ( en.wikipedia.org/wiki/Par… )?

    Dieu merci, l’analyse keynésienne moderne ne se limite pas au paradoxe de l’épargne

  3. Bush augmenter meme un peu la depense publique ? Il va proposer des tax cuts et sortir encore quelques enfants de medicare, plutot.

  4. Je viens de lire le commentaire d’Alexandre, ainsi que l’article de P.Krugman. Désolé, mais je suis consterné par l’énormité de ce qu’il écrit. S’pas croyab’ de lire des choses pareilles!

    Résumons :

    Selon le paradoxe de l’épargne "vulgaire", si les gens désirent épargner une part plus importante de leur revenu, la consommation baisse, et donc les entreprises s’adaptent à la moindre demande en réduisant les embauches et les investissements. Ainsi, le nouvel équilibre est plus bas que le précédent, d’où une baisse de l’épargne alors que les gens voulaient épargner plus (paradoxe).

    Bien sûr, P.Krugman reconnaît que cette vision est simpliste. Pourquoi? Et là sa réponse m’a laissé sur le c.. : Alan Greenspan!

    La Fed gère les taux d’intérêt de sorte que le taux de chômage reste proche du niveau qu’elle estime naturel. Dans le cas qui nous intéresse, elle baisse les taux afin de maintenir le taux de chômage suffisamment bas. Ainsi, l’action de la Fed permet à ce désir d’épargne de se transformer effectivement en supplément d’investissement. Par charité pour l’auteur, je souhaite seulement que cette nouvelle théorie ne porte pas son nom…

    P.Krugman considère qu’un désir accru d’épargne déplace l’économie vers l’intérieur de sa zone potentielle de production, et que seule l’action de la Fed permet de la maintenir sur la frontière (c’est-à-dire éviter une hausse du chômage). De plus, il semble penser que la Fed agit sur les taux longs, mais ce n’est pas clair dans son article.

    Or un désir accru d’épargne signifie que les gens veulent plus de biens futurs. Ils sont prêts à réduire leur consommation pour cela, et vont chercher le moyen d’obtenir ces biens futurs en investissant. Cela suppose que les structures de production existantes s’adaptent à ces nouvelles préférences. Ce genre d’évolution des préférences étant rarement brutal, l’adaptation ne pose aucun problème, et l’économie se déplace le long de sa frontière de production vers moins de consommation et plus d’investissement. L’investissement élevé fait que son rythme de croissance augmente. Oui, les taux baissent, puisque par définition si les gens ont envie d’épargner plus c’est synonyme d’une baisse du taux d’intérêt wicksellien.

    En somme c’est l’explications classique. Mais P.Krugman considère que cette vision classique de la macro a été complètement démolie par l’épisode de la Grande Dépression, et que Keynes a permis de commencer à y voir clair. Le lien qu’il donne vers The Great Depression Homepage (dispo sur The Internet Archive) en dit long. Il y a tellement d’erreurs dedans, je n’ai pas le courage de tout reprendre.

    Ironiquement, le package de stimulation fiscale annoncé par Bush correspond bien à la description de l’économie par P.Krugman. Inciter les gens à consommer plus en leur distribuant des chèques est censé faire sortir l’économie de sa frontière de production et donc augmenter la consommation ET l’investissement. Encore un repas gratuit qui risque d’être difficile à digérer…

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