“Nous proposons, parmi d’autres décisions soumises à concertation avec les partenaires sociaux, une augmentation sensible du SMIC. Il est aujourd’hui à 1217 Euros pour 35 heures. Il devrait se situer autour de 1270 Euros en 2007. Par une revalorisation régulière, nous proposons de porter le SMIC avant la fin de la prochaine législature entre 1400 et 1500 Euros.”.
Voici l’une des propositions avancées par la motion que Laurent Fabius soutiendra au congrès du PS au Mans en novembre.
Il a changé Laurent Fabius. C’est ce qu’il crie haut et fort depuis quelques mois maintenant. Plus à gauche, moins loin des vrais soucis du vrai peuple de gauche. Et cette tonitruante proposition est là pour le prouver, non ? A voir…
Pas copain pour deux sous, DSK a récemment fait remarquer que 1 500€, c’était pas si extraordinaire et qu’on devait pouvoir faire beaucoup mieux avec un peu de croissance. Surenchère démagogique ? Le SMIC à plus de 1 500€, ça fait rêver pas mal de smicards, c’est sûr. Mais aujourd’hui, pas dans 7 ans…
Deux questions se posent alors :
– 1 400 € ou 1 500 € en 2012, est-ce une progression spectaculaire en soi, d’une part ?
– et, d’autre part, la droite a-t-elle fait moins bien depuis 2002 (ce qui semble la moindre des choses) ?
En 2001, le SMIC brut (oui, car c’est bien de brut dont il est question dans la proposition de Fabius) était à 6,67 € de l’heure (après revalorisation en juillet). En admettant que le gouvernement Jospin ne l’a pas revalorisé entre juillet 2001 et mai 2002 (ce qui ne doit pas être le cas, mais je n’ai plus les chiffres), on doit imputer au gouvernement Raffarin la revalorisation entre 2001 et 2002. Ce qui fait donc une base de calcul pour la droite de juillet 2001 à juillet 2005, soit 4 ans de variation. On peut faire le calcul en excluant la période 2001-2002 du fait du problème de la revalorisation intermédiaire de Jospin en 2001 évoquée précédemment, cela ne changera pas énormément les choses. On peut aussi faire l’hypothèse (peu probable) que la hausse sera nulle en 2006 (et calculer sur 5 ans). En juillet 2005, le SMIC horaire brut est passé à 8,03€. La hausse sur la période est donc de 20,4%. Ce qui donne en moyenne annuelle 4,78% (en prenant évidemment la racine quatrième de 1,204 moins un et non pas le calcul approximatif et erroné 20,4%/5). Donc, plus de 4% annuels pour la droite.
Maintenant, avec l’hypothèse basse de 1 500 € atteints en 2012 et 1 270 € en 2007, on a un taux de croissance de 2007 à 2012 de 18,11%. Ce qui représente, sur la période, un taux annuel moyen de 3,39%. Avec 1 400 € comme point de chute, on aura alors une croissance de 10,24% et un rythme annuel de 1,97%.
Conclusions :
– l’objectif est très raisonnable. Et DSK n’aura en effet pas trop de mal à monter dessus sans liguer les marchés financiers contre lui…
– en retenant l’hypothèse haute (1 500€), on obtient une revalorisation annuel du SMIC au delà de l’inflation (supposée stable à 2% par an) qui atteint 1,4 points. Or, si on raisonne sur la base d’une croissance (réelle) à 1,5% annuels et un partage de la valeur ajoutée stable, cela signifie tout simplement une perte de pouvoir d’achat relatif des Smicards (à hauteur de 0,1 point). Drôle de programme de gauche…
-…d’autant plus que c’est nettement moins que ce qu’a fait la droite au pouvoir depuis 2002. Et durant la période Jospin, on arrive à un “misérable” 2,62% annuels. Mais sur ce point, les changements apportés dans les différents SMIC en rapport avec les 35 heures réclament de la prudence. Disons que sur la base de cette page à l’INSEE, une heure payée au SMIC a bien augmenté de plus de 4% par an depuis 2002. Ce qui ne signifie pas que les revenus des Smicards en aient fait autant.
– bref, ami Smicard, droite ou pas, si tu soutiens Fabius et sa proposition, la barre, c’est pas à gauche qu’elle risque d’être mise, mais dans un endroit où tu apprécieras beaucoup moins…
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bien vu…
Excellent.
L’esprit critique est notre seule parade contre les déclarations de bonnes intentions. Encore faut il l’aiguiser.
Tout le mérite est à attribuer à DSK et ses sbires sur cette affaire. C’est à partir de sa remarque que l’idée d’aller voir de plus près m’est venue. C’est vraiment un cas très intéressant de dissonance cognitive. Certains ont reçu le chiffre comme énorme, d’autres comme correct (c’était mon cas initialement). Peut-être que d’autre l’ont trouvé ridicule. La réalité montre qu’il est simplement médiocre. Il y a encore des choses à dore cependant sur cette histoire et sur l’interprétation de surenchère démagogique qui en a été donnée. Car, au fond, la question qui peut se poser est de savoir si les variations du SMIC comme instrument de régulation du marché du travail sont efficaces. De ce point de vue, je signalais le caractère médiocre des hausses sous Jospin, mais il faut souligner par exemple la prime pour l’emploi qui, contrairement à l’interprétation qui en est toujours donnée, n’est pas nécessairement la stigmatisation de l’absence d’incitation à prendre un emploi. Elle représente aussi une “hausse fiscale” du SMIC, sans impact automatiquement négatif sur la demande de travail.