Encore un de ces problèmes sans solution évidente

Hervé Kempf livre un petit édito dans Le monde sur le réchauffement climatique. Le propos et son support (une étude américaine sur les modalités de limitation des émissions de gaz à effet de serre) sont intéressants. Mais la conclusion souligne encore une forme d’impuissance.

C’est vrai, les émissions de gaz à effet de serre sont corrélées au niveau de vie. Vrai aussi, il y a dans les pays riches des pauvres et des riches dans les pays pauvres. En conséquence de quoi, l’argument sur la réduction des émissions dans les pays pauvres (vous, pays riches, avez créé le stock, ne nous imposez pas de tout assumer en réduisant les flux) n’est pas imparable en l’état. Si les inégalités de revenus sont importantes dans un pays pauvre, on peut s’interroger sur la pertinence d’une évaluation pays par pays. Passons sur la difficulté à réguler les émissions individu par individu, en fonction des revenus. Il reste néanmoins un gros problème.

La dead line (j’adore ce terme et l’usage qui en est fait, managérial en diable, utilisable aussi bien pour le sauvetage du monde que pour l’organisation de l’arbre de Noël…) est située en 2030. Ce qui signifie en quelque sorte qu’il va falloir se grouiller grave. Ce qu’il faut faire avant cette date fatidique, c’est réduire notre consommation d’énergie, du moins la partie “sale”. Pourquoi ? Pour sauver les générations futures. Noble cause, certes, je n’en disconviens pas, étant moi-même papa. Mais puisque l’article de Kempf porte sur une analyse individuelle, il ne me semble pas absurde de rappeler une évidence : la consommation d’énergie varie non seulement en fonction du revenu, mais, de même que l’épargne et la consommation évoluent sur le cycle de vie d’un individu, les émissions de gaz à effet de serre font de même. Je n’ai pas en main de données sur le sujet. Mais je doute qu’on puisse contester le fait que les besoins sont différents selon l’âge.

Et c’est là que les choses sérieuses se précisent. Soit un individu qui au cours de sa vie émettra un volume de gaz à effet de serre compatible enmoyenne avec le sauvetage de la planète (un parfait écolo, en somme). Comment justifier de lui imposer la répartition dans le temps de cette émission ? A part de lui dire qu’il est au mauvais endroit au mauvais moment, je ne vois pas. L’économiste est doublement ennuyé par ce constat. Il n’aime guère qu’on empêche les gens de réaliser leurs choix intertemporels. D’abord, parce qu’il est fan de démocratie libérale. Ensuite, surtout, parce qu’il considère que perturber ces choix n’est jamais une bonne idée pour qui que ce soit. Mauvais choix d’épargne, d’investissement, de consommation qui, allez, au hasard, pourraient réduire ses velléités d’investir dans le développement durable et le pousser à trouver des combines pour falsifier les chiffres de ses émissions à la place.

Une conclusion possible est simple : si on ne peut pas faire autrement, alors il faut envisager d’indemniser les victimes de la réduction des gaz à effet de serre. Parce que c’est bien joli de mettre un taux d’actualisation nul pour maximiser une fonction de bien-être intergénérationnelle (méthode du raport Stern), mais il y a des jours où on se demande s’il n’est pas tout bonnement négatif, une fois tout intégré…

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12 Commentaires

  1. Les scientifiques ont montré que le réchauffement est, en gros, corrélé à la quantité totale de carbone dans l’atmosphère.

    La fixation d’échéances permet de donner l’illusion d’un progrès sensible, un peu comme un intoxiqué tabagique qui annonce avec fierté qu’il s’est fixé comme objectif de diviser sa consommation par 2 d’ici vingt ans pour réduire son exposition au cancer du poumon !

    La seule approche qui ait du sens, sur le plan des concentrations atmosphériques en carbone, serait donc d’allouer à la communauté internationale un quota total de carbone à émettre, avec en corollaire la question insoluble de la répartition de ce quota : par pays ? par personne ?

  2. @Aerobar : en fait, de plus en plus de sceptiques se font entendre. Et bizarrement, la plupart sont des environnementaliste, pas des branleurs de PhD politique.
    La lutte contre les émissions de CO2 n’est qu’un canular ayant pour but de sucer de la thune et d’ici 40 ans, les gens en riront comme nous lorsqu’on voit des pubs vantant les mérites médicaux des clopes ou des crèmes radioactives.

  3. @Arkh:

    Vous pensez que le rechauffement climatique est un canular ? Ou seulement la lutte contre les emissions ?

  4. Quand les chefs d’Etat du G8 annoncent qu’ils diminueront les rejets de CO2 d’un facteur 4 en 2050, c’est évidemment un canular : plus personne d’entre eux ne sera là ! On peut toujours prendre de belles résolutions que devront implémenter nos arrière petits-enfants, c’est une farce…
    Pour ce qui est des travaux du GIEC, ils me semblent difficilement contestables, mais après tout il y a des scientifiques qui ne peuvent s’empêcher d’être superstitieux ou de croire à l’astrologie ou à la mémoire de l’eau. Ce dont il faut se méfier, c’est des agendas cachés, comme ceux de certains écolos ultra, mus par l’idéologie ; la meilleure manière de procéder me semble (ainsi qu’à de nombreux économistes) de pourchasser les externalités – une taxe carbone, donc. Et s’apprêter à une hausse inévitable des températures, par ailleurs.

  5. Aerobar dit : "Les scientifiques ont montré que le réchauffement est, en gros, corrélé à la quantité totale de carbone dans l’atmosphère."
    oui, et aussi que l’augmentation de température PRECEDE l’augmentation de la quantité de carbone dans l’atmosphère. Ca donne à réfléchir sur le sens de la causalité, non ?

  6. D’accord avec elvin, l’observation des cycles précédents semble bien indiquer que le niveau de CO2 suit l’élévation de température de plusieurs siècles, et c’est une des quelques escroqueries intellectuelles du pitoyable Al Gore. Cela dit, il faut être sceptique mais pas dogmatique, et le GIEC n’est pas une machine de guerre gauchiste… Je pense personnellement que la position la plus équilibrée est celle de Bjorn Lomborg.

  7. voici ce que j’ai écrit il y a un an dans une revue aux couleurs jaune et rouge:

    "Félicitations pour la qualité et l’originalité des éclairages de votre dossier « environnement » du numéro 637. Bien qu’il ait le mérite de ne pas ressasser le sophisme « La Terre se réchauffe, donc il faut que les Etats agissent pour l’empêcher », il me semble néanmoins utile de « déconstruire » ce raisonnement très répandu, pour y repérer une succession de non sequitur qui expliquent la position des « sceptiques ».
    Personne ou presque ne nie la réalité du réchauffement. Le scepticisme ne porte que sur son caractère exceptionnel et sa pérennité : la Terre a toujours connu des changements climatiques tout aussi amples et brutaux, ensuite résorbés par de nouveaux changements en sens inverse. Le véritable débat commence avec l’origine du réchauffement. Est-elle majoritairement, voire exclusivement anthropique, ou bien la part humaine est-elle minoritaire voire négligeable ? Il y a de solides arguments scientifiques des deux côtés, et à mon avis le débat serait loin d’être clos si le « consensus » ne s’était pas transformé en excommunication de ceux qui osent mettre en question le dogme de l’origine anthropique.
    En admettant même que le réchauffement soit pérenne et d’origine anthropique, un deuxième niveau de débat, également de nature scientifique, porte sur ses effets. Le problème est ici que l’extrême complexité des phénomènes interdit pratiquement de prévoir leurs effets locaux, dont les scientifiques s’accordent à penser qu’ils sont très diversifiés. Les sceptiques font tout au plus remarquer qu’on dramatise les effets négatifs en passant sous silence les effets positifs, alors que dans l’histoire humaine les périodes de réchauffement ont toujours été des époques de prospérité et de développement, les périodes de refroidissement des périodes de misère et de violences.
    Admettons qu’il faut agir. Mais dans quel sens ? Pour empêcher le réchauffement ou pour s’adapter à ses effets ? Il est clair que la réponse dépend de l’opinion qu’on a de son origine : si on pense que la part anthropique est faible, il n’y a pas d’autre choix que s’adapter. En tout état de cause, ce débat prend alors aussi une dimension économique : quelles actions constituent une utilisation optimale de nos ressources ? Cette analyse doit évidemment prendre en compte les effets secondaires des actions envisagées, où là encore l’extrême complexité des phénomènes réserve des surprises et incite à la plus grande prudence. Nombreux sont ceux qui pensent que la bonne voie est celle de l’adaptation, progressive par nature et qui devra se faire de toute façon, et que tenter d’empêcher le réchauffement est du gaspillage.
    Enfin, à supposer qu’on ait défini ce qu’il faut faire, et quelle que soit l’action retenue, il reste la dernière étape du raisonnement, qui est de nature politique. Nous devons agir, soit, mais qui est ce « nous » ? On tombe là sur la confusion sémantique habituelle entre « nous » et « l’Etat », qui sévit dans tous les domaines. « Nous », ce n’est pas nécessairement l’Etat, bien au contraire. Par exemple, pendant que le gouvernement des Etats-Unis refuse de signer le protocole de Kyoto, les USA sont l’un des pays, sinon le pays, où les entreprises investissent le plus pour la protection de l’environnement.
    Depuis Locke et bien d’autres, la tradition libérale dit que l’Etat n’a pas le droit d’imposer des actions à tous les citoyens, que ce soit au nom de la science ou de la majorité, et que remettre les problèmes entre les mains de l’Etat est à la fois une forme de démission, un gage d’inefficacité et la porte ouverte à la tyrannie. Cette position s’applique évidemment à tous les domaines, y compris la protection de l’environnement.
    Du fait que la Terre se réchauffe ne découle donc pas nécessairement que les Etats doivent légiférer pour l’empêcher. Entre les deux extrémités du raisonnement se cachent des hypothèses tout à fait contestables que les « sceptiques » essaient de faire remonter à la lumière dans l’intérêt du débat, sans pour autant devoir nier la réalité du réchauffement.
    Bien entendu, la position libérale rappelée ci-dessus laisse toute liberté à tous les convaincus de faire le travail d’information et de persuasion qu’ils jugent utile et d’entreprendre eux-mêmes les actions qu’ils pensent nécessaires, en mobilisant leurs partisans mais sans imposer aux sceptiques d’y participer en quelque façon que ce soit."

    Aujourd’hui je serais encore plus sceptique. Je ne serais pas étonné que les signes actuels (indéniables) de réchauffement soient suivis par une succession de signes tout aussi indéniables de refroidissement. En tout état de cause, ma conviction profonde est que la meilleure stratégie est de nous adapter à l’évolution du climat, comme l’humanité le fait depuis des millénaires, et non de chercher à l’empêcher.

  8. La causalité entre CO² et réchauffement clilmatique est indéniable d’après moi mais j’adhère quand même à l’idée que ce que promettent nos chefs d’Etat sont plus des promesses en l’air que des promesses réalisées ultérieurement. La preuve en est, durant cette crise, où on parlait de développer le secteur du "vert", avons-nous vu une seule réelle avancée?! Alors oui, bien sûr, il y a la prime à la casse, bien sûr il y a la taxe carbonne mais au fond, n’est-ce pas tout simplement une supercherie?… Pourquoi ne pas prendre un peu plus exemple sur les pays du Nord de l’Europe qui ont un meilleur niveau économique et qui pourtant se battent pour une vie plus écologique en parallèle?

  9. Je remets un post précédent dont je ne sais pas s’il a été annulé par le taulier ou s’il s’est perdu pour une autre raison. C’est un courrier que j’avais envoyé il y a environ un an à une revue de couleurs jaune et rouge.

    "Félicitations pour la qualité et l’originalité des éclairages de votre dossier « environnement » du numéro 637. Bien qu’il ait le mérite de ne pas ressasser le sophisme « La Terre se réchauffe, donc il faut que les Etats agissent pour l’empêcher », il me semble néanmoins utile de « déconstruire » ce raisonnement très répandu, pour y repérer une succession de non sequitur qui expliquent la position des « sceptiques ».
    Personne ou presque ne nie la réalité du réchauffement. Le scepticisme ne porte que sur son caractère exceptionnel et sa pérennité : la Terre a toujours connu des changements climatiques tout aussi amples et brutaux, ensuite résorbés par de nouveaux changements en sens inverse. Le véritable débat commence avec l’origine du réchauffement. Est-elle majoritairement, voire exclusivement anthropique, ou bien la part humaine est-elle minoritaire voire négligeable ? Il y a de solides arguments scientifiques des deux côtés, et à mon avis le débat serait loin d’être clos si le « consensus » ne s’était pas transformé en excommunication de ceux qui osent mettre en question le dogme de l’origine anthropique.
    En admettant même que le réchauffement soit pérenne et d’origine anthropique, un deuxième niveau de débat, également de nature scientifique, porte sur ses effets. Le problème est ici que l’extrême complexité des phénomènes interdit pratiquement de prévoir leurs effets locaux, dont les scientifiques s’accordent à penser qu’ils sont très diversifiés. Les sceptiques font tout au plus remarquer qu’on dramatise les effets négatifs en passant sous silence les effets positifs, alors que dans l’histoire humaine les périodes de réchauffement ont toujours été des époques de prospérité et de développement, les périodes de refroidissement des périodes de misère et de violences.
    Admettons qu’il faut agir. Mais dans quel sens ? Pour empêcher le réchauffement ou pour s’adapter à ses effets ? Il est clair que la réponse dépend de l’opinion qu’on a de son origine : si on pense que la part anthropique est faible, il n’y a pas d’autre choix que s’adapter. En tout état de cause, ce débat prend alors aussi une dimension économique : quelles actions constituent une utilisation optimale de nos ressources ? Cette analyse doit évidemment prendre en compte les effets secondaires des actions envisagées, où là encore l’extrême complexité des phénomènes réserve des surprises et incite à la plus grande prudence. Nombreux sont ceux qui pensent que la bonne voie est celle de l’adaptation, progressive par nature et qui devra se faire de toute façon, et que tenter d’empêcher le réchauffement est du gaspillage.
    Enfin, à supposer qu’on ait défini ce qu’il faut faire, et quelle que soit l’action retenue, il reste la dernière étape du raisonnement, qui est de nature politique. Nous devons agir, soit, mais qui est ce « nous » ? On tombe là sur la confusion sémantique habituelle entre « nous » et « l’Etat », qui sévit dans tous les domaines. « Nous », ce n’est pas nécessairement l’Etat, bien au contraire. Par exemple, pendant que le gouvernement des Etats-Unis refuse de signer le protocole de Kyoto, les USA sont l’un des pays, sinon le pays, où les entreprises investissent le plus pour la protection de l’environnement.
    Depuis Locke et bien d’autres, la tradition libérale dit que l’Etat n’a pas le droit d’imposer des actions à tous les citoyens, que ce soit au nom de la science ou de la majorité, et que remettre les problèmes entre les mains de l’Etat est à la fois une forme de démission, un gage d’inefficacité et la porte ouverte à la tyrannie. Cette position s’applique évidemment à tous les domaines, y compris la protection de l’environnement.
    Du fait que la Terre se réchauffe ne découle donc pas nécessairement que les Etats doivent légiférer pour l’empêcher. Entre les deux extrémités du raisonnement se cachent des hypothèses tout à fait contestables que les « sceptiques » essaient de faire remonter à la lumière dans l’intérêt du débat, sans pour autant devoir nier la réalité du réchauffement.
    Bien entendu, la position libérale rappelée ci-dessus laisse toute liberté à tous les convaincus de faire le travail d’information et de persuasion qu’ils jugent utile et d’entreprendre eux-mêmes les actions qu’ils pensent nécessaires, en mobilisant leurs partisans mais sans imposer aux sceptiques d’y participer en quelque façon que ce soit."

    Aujourd’hui je serais plus nuancé sur le début. Je ne serais pas surpris que les années qui viennent voient s’accumuler des indices de refroidissement tout aussi incontestables que les indices de réchauffement passés. De toute façon, ma conviction est que nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter, dans un sens comme dans l’autre, et que tenter d’empêcher des phénomènes qui nous dépassent est un gaspillage de nos ressources.

  10. désolé pour le double post – depuis le 23, je croyais que le premier s’était perdu.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    ma faute. Comme les deux étaient un peu différents, j’ai gardé les deux. Le renvoi des commentaires a eu quelques soucis de suivi.

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