Courrier en retard (mental) et autres remarques épistolaires

Pas mal de mails reçus ces derniers temps. Il fallait que je vous fasse profiter de deux pépites, que j’éclaircisse un ou deux points et que je m’offre un triomphe aussi vil qu’éphémère sur un voisin de blog…
Add (12/12/05) : Je réalise soudain que la fermeture des commentaires empêche Emmanuel de répondre ici. C’est pas bô… S’il lit ceci, qu’il sache qu’un droit de réponse sous forme d’un commentaire exceptionnel lui est ouvert, par mail, que je publierai (ou pas ;o) ).

La première :

Economistes d’Econoclaste encore un effort si vous voulez être républicain

Bravo pour votre site mais je pense que vous pouvez encore faire mieux. L’économie est une science sinistrée (Molière avait ses médecins et nous les économistes). A mon avis les mathématiques en sont la grande responsable. La bourgeoisie a cru trouver dans cette discipline la résolution de ces contradiction et la légitimité de sa domination, je propose donc de reprendre le problème à partir de Marx Partir du reel (selon la definition de Marx) et retourner le vocabulaire mathematique contre l”économie vulgaire”. Les mathematiques sont une escroquerie intellectuelle en économie, les économistes sincères n’ont plus quà s’en débarassser… Enfin je ne résiste pas à vous transmettre une remarque d’un délégué CGT à mr Elie Cohen produit de la pensée unique au cours d’un débat sur France Inter au sujet de la privatisation d’EDF; mr Cohen vous êtes un porteur d’eau des marchés financiers.Moralité Un economiste vulgaire n’aimera jamais se confronter au réel de peur d’y laisser sa réputation toujours usurpée d’universitaire non flexible. Et désolé si je vous parait anti -intellectuel populiste…

ps Ne pourriez vous pas faire comme la revue Alter eco ne plus utiliser l’expression prix Nobel mais plutôt prix de la banque de Suède créé en mémoire d’Alfred Nobel Amitié d’un non économiste bonne continuation

C’est fort, pas vrai ? Oui, oui, je sais ce que vous vous demandez : il ne confond pas avec les autres ? Ben non, apparemment, c’est bien de nous dont il est question… C’est le genre de document qui me rappelle l’époque où je faisais des analyses de texte en français au lycée : on se dit que le gars est un génie parce qu’à chaque ligne, il y a dix lignes de commentaires à faire. J’ai passé l’âge des commentaires de texte.

La seconde, dans un genre différent :


Le SDV salaire de vie

Bonjour Seriez vous capable de chiffrer le SDV l’idée que je propose en vous basant comme point de référence et de calcul , le coût moyen mensuel , d’un hébergement en maison de retraite. Sachant que pour être valable le SDV doit correspondre au minimum à 1200.00 Net . Je vous laisse découvrir l’idée du SDV sur mon site afin que d’abord , vous compreniez mieux le sens de ma révolution. Si vous vous baser sur sur les réferences de notre système il est évident que c’est perdu d’avance, à vous d’inventer les diverses formes nouvelles pour alimenter le trésor public. Je ne suis pas économiste mais je vous souhaite beaucoup de courage pour ce challenge. Ce ne sera pas pour moi, je n’ai aucune ambition personnelle, mais seulement pour le pays et les citoyens du futur. Merci de ne pas tenir compte de ce courriel si celà vous est impossible, je me devais au culot d’essayer avec vous. Amicalement et respectueusement

J’ai rien compris. En revanche, deux choses sont sûres :
1 – ça va être dur à faire passer au Sénat,
2 – le shit coupé à la fumée d’essence, pas top…

Il y a quelques temps je disais dans un commentaire de billet que j’avais réglé le problème idéologique des économistes de Chicago. Un lecteur m’a demandé ce que je voulais dire par là et s’il y avait une référence d’article à ce sujet. En fait, il y a un malentendu. Je voulais simplement dire par là que j’avais depuis bien longtemps déjà réfléchi à la question et que les choses étaient claires dans mon esprit. Il n’y a pas de message spécifique sur ce thème. En quelques mots, et pour résumer, il faudrait être aveugle pour ne pas constater que certains économistes concluent toujours que le marché est extraordinaire, que l’Etat ne fait pas bien les choses et qu’il vaut donc mieux se reposer sur le marché. Si on est fin observateur, on constatera aussi que d’autres considèrent pour leur part que le marché fait souvent mal les choses et que l’Etat les fait mieux, ce qui milite pour son intervention fréquente.
Et alors ? A partir du moment où les uns comme les autres emploient des méthodes connues et reconnues en économie, c’est de la bonne économie, point final. Non pas que ce soit la fin de l’histoire, mais seulement que la discipline est capable de discuter ce que contiennent les modèles et les conclusions qui suivent. Après, que les convictions intimes penchent d’un bord ou de l’autre n’a d’importance que pour celui qui ne veut pas comprendre ce qu’est l’économie moderne et en reste au niveau des prescriptions. Celui-là est condamné à rester manipulé. Quand j’ai commencé l’économie, j’étais, comme la plupart des gamins de mon âge, bercé dans un environnement plutôt étatiste, en pleine mitterrandie, avec l’idée que Thatcher et Reagan étaient d’immondes salauds. Ce n’est pas le lieu pour discuter la réalité de ce jugement, mais force est de constater que dans ce contexte, on se sent spontanément plus en confiance avec des auteurs keynésiens. Et puis, on se met vraiment à l’économie, et là on finit par comprendre que Becker est intéressant, que Lucas est extrêmement important pour tous les auteurs, que Friedman a même des amis chez les keynésiens (qui subitement se sentent tous monétaristes), qu’un type bien étrange “passe d’un bord à l’autre” simplement parce qu’il se lance dans des modèles dont la structure lui paraît plus pertinente (un certain Barro), qu’il y en a un autre qui finalement n’épouse pas la princesse Leïa, mais préfère pondre une théorie sur la croissance ne laissant pas de place à l’Etat, alors qu’il va par ailleurs produire des analyses sur le marché du travail qui ne laissent absolument aucun doute sur son scepticisme quant à l’omnipotence du marché (Solow, pas Ian, Robert…). Bref, moi aussi j’ai été une vierge de gauche effarouchée par ces économistes de droite. Mais, à la différence de ceux qui restent dans l’ignorance – volontairement – j’ai compris en quelques mois que l’économie moderne ne pouvait tout simplement pas se passer de leurs modèles, alors qu’elle pouvait tout à fait se passer des prescriptions hasardeuses et systématiques qu’il leur arrive de pondre en matière de politique économique (et au delà en fait), au détour d’un entretien grand public. Voilà ainsi comment j’ai “soldé les comptes” avec les économistes de Chicago. Alors, si je critique plus souvent les facétieux alter-économistes, c’est qu’il me semble évident que, contrairement aux économistes “libéraux” dont tout le monde relève à juste titre certains égarements, eux, personne ne les soupçonne de raconter des conneries plus grosses qu’eux, gavées d’une idéologie erronée. Pourquoi ? Comment ? Aucune idée. Peut-être que cela tient dans le timing historico-cyclique des attaques et contre-attaques, de l’affrontement entre bien et mal, gentils et méchants, conservateurs et progressistes, etc. Tout ce que je sais, c’est qu’ils n’ont souvent rien prouvé de l’intérêt de leurs travaux pour la discipline et extrapolent leurs conclusions tout autant que les apôtres du marché. L’un dans l’autre, cela justifie tout à fait de les pointer du doigt. Concernant le deuxième point, je conseille vivement de lire les propos que peut tenir un André Orlean (pour ne citer que lui) dans la presse grand public et de comparer cela au contenu de ses travaux universitaires. La fréquente idiotie des premiers n’a d’égal que la qualité des seconds. Mais qui le dit parmi ses fans ?
Maintenant, si des êtres supérieurs veulent continuer à suggérer que je suis un naïf à la solde involontaire du grand capital, à mettre urgemment sous tutelle intellectuelle tant je suis dans l’incapacité de me détromper sur le sens caché des théories économiques perverses que je soutiens, qu’ils aillent d’abord balayer devant chez eux. Peut-être serait-il opportun de leurs rappeler la phrase “Gardez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge” ?
Il ne me semble pas inapproprié non plus de renvoyer à ce récent texte d’Alexandre.

Ah, sinon, je voulais adresser un message de sympathie à Emmanuel de Ceteris Paribus qui, alors qu’il retrouvait à peine son ventilateur, n’a rien pu faire que constater qu’on ne vient plus impunément au stade Vélodrome.

Et pour finir, toutes nos excuses à ceux à qui nous ne répondons pas sérieusement au courrier en ce moment. C’est parfois faute d’envie, fréquemment faute de temps. Répétons le aussi, puisque cycliquement des glandeurs nous adressent gentiment leurs devoirs à faire : on ne traite pas ce genre de requêtes. Tout au plus, nous répondrons à des questions ciblées. Et encore, en ce moment, ce n’est (hélas) pas gagné dès que ça prend plus de trois minutes.

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