Je ne pouvais pas ne pas laisser une trace sur ce blog de l’intervention de Wauquiez sur les jours de carence en cas d’arrêt maladie :
“Si jamais, quand vous tombez malade, cela n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n’est pas très responsabilisant.”
Tomber malade, comme tout le monde le sait, est un acte de libre arbitre. Sanctionner celui qui tombe malade ne peut donc que le responsabiliser et l’amener à éviter cela à l’avenir. Les économistes le disent souvent : incentives matter. Laurent Wauquiez semble être devenu un économiste plus que zélé. Peut-être sommes-nous allés un peu trop loin dans le côté obscur ? Quand même, pour quelqu’un qui n’a jamais fumé de shit, il y va fort…
J’ai quand même trouvé quelqu’un pour le défendre et interpréter ses propos de façon argumentée. Il y a juste un ou deux problèmes. Les jours de carence peuvent être assimilés à un déremboursement médical. Or, sur ce sujet, l’affaire est loin d’être aussi claire que ce qu’Aurélien Veron veut bien en dire… Enfin, cela dit, il est à des années lumière de la sinistre rhétorique de Wauquiez.
Add : Au fait, ne jouons pas trop sur les mots. Wauquiez est un lettré. Il sait que “tomber malade” n’est pas la même chose qu’ “être un peu malade”. Tomber dans le Larousse. Si la question des modalités de prise en charge des arrêts maladie est légitime, Wauquiez a une autre ambition que d’apporter des réponses raisonnables : faire parler de lui plus que des autres. Ça marche.
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Il n’y a pas quelquechose d’un peu pourri dans le système que l’on se retrouve avec des types pareil aux commandes de l’état ?
Question subsidiaire : 4 jour de carence dans le privé, si j’ai bien compris, ça signifie en gros qu’il y a une incitation forte à rester au boulot même si on a une maladie durant une semaine.
Autrement dit, on aura plus de gens malades autour de soi au travail.
Autrement dit, plus de risques de contagion.
Il serait du coup très intéressant de mesurer précisément les effets réels : ne risque-t-on pas, en incitant financièrement les gens qui ne fraudent pas à bosser quand ils sont malades, d’augmenter le nombre total de malades, donc la consommation de médicaments et le nombre de consultations, et donc d’avoir un bénéfice très amoindri, voire nul, voire négatif sur le trou de la sécu ? A-t-on des données lors de l’établissement des précédents jours de carence ?
Mais même l’argument du "volontaire" est contestable. Par exemple, quid des femmes enceintes ? On les vire pour les responsabiliser aussi ?
Dans bien des entreprises il existe des primes ou des gratifications liées à l’assiduité et qui sont amputées d’une quote-part liée à l’absentéisme et sont de nature à "responsabiliser" les salariés absents quel qu’en soit le motif d’ailleurs.
Ok, dans l’ensemble, ce n’est pas une bonne idée, mais j’en connais tellement qui se "mettent en arrêt" juste pour ne pas dépenser de jours… A la rigueur, il faudrait responsabiliser les médecins qui acceptent de signer des arrêts même quand leurs patients ne sont clairement pas malades…
En complément à batou : il me semble que certaines conventions collectives, ou certains salariés ont leur jours de carence pris en charge par leur mutuelle. Sait-on s’il y a une différence de comportement entre ces salariés et les autres ? Quid des pays européens ?
De plus, il y a un point qui n’est jamais abordé : on fait comme si les salariés décidaient d’eux-même de prendre des jours d’arrêt-maladie, on n’évoque jamais le rôle du médecin, qui pourtant les délivre. On fait comme si celui-ci répondait automatiquement à une demande du patient, alors qu’il devrait, théoriquement, savoir si des jours d’arrêts sont nécessaires pour pas. Si ces médecins étaient scrupuleux (ou mieux sanctionné en cas d’abus de prescription) et non clientélistes (ou électeurs de l’UMP) on devrait même pouvoir se passer de jours de carence (qui, comme vous le dîtes, ne peuvent pas être comparés à une franchise classique), et donc permettre aux gens réellement malades de rester chez eux (une grippe, très contagieuse, cloue au lit environ trois jours…mais vous me direz que pour ça, on a encore des tonnes de vaccins d’il y a deux ans sur les bras)
@ Batou,
excellente remarque, je serai curieux de voir ce que ça donnera quand il y aura une épidémie de grippe assez virulente. Si on incite les salariés à rester ou revenir trop tôt au travail, ils risquent de devenir les vecteurs de propagation du virus dans leur entreprise. Ça va être génial.
Un indicateur intéressant serait de connaître les différences d’arrêt maladie entre le régime Alsace-Moselle et le régime général, puisque les Alsaciens-Mosellans n’ont aucun jour de carence (ils sont en effet rattaché au droit bismarckien). D’après une expérience personnelle et des statistiques sociales dans une des sociétés où j’ai travaillé, les arrêts étaient plus nombreux mais beaucoup plus courts que pour le reste de la France. Au final, les salariés avaient beaucoup moins de jours d’arrêt maladie. Mais mon étude n’est je pense pas généralisable.
Laurent Wauquiez est un tenant de l’aléa moral : je ne vois rien de choquant à cela. Après on peut jouer sur les mots : Tomber malade ne relève pas du libre arbitre, certes.
Cependant le libre arbitre réapparait dans l’attitude face à la maladie :
Pourquoi certains qui ont une angine vont travailler, alors que d’autres restent chez eux pendant 5 jours?
Pourquoi est ce que les fonctionnaires des collectivités locales ont-ils 2 fois plus d’arrêts maladie que ceux de l’état? (a priori, pas de raison qu’ils tombent plus souvent malade)
Dans tout sinistre, il y a une part de malchance et une part de responsabilité individuelle. Dans tout système d’assurance [viable] il y a donc une franchise pour tenir compte de cette dernière part.
Certes, le principe d’une franchise sur les frais médicaux pose question (diminution des petites dépenses préventive, au risque de développer des pathologies lourdes). Je ne pense pas que l’argument s’applique autant aux arrêts maladie (le fait de rester chez soi ne permet pas de guérir tellement mieux ou plus vite). Raison de plus pour abonder dans le sens de Wauquiez.
Deux choses:
– Il y a un vrai probleme d’arret maladie court, notamment. Les Vendredi et Lundi, notamment (mais aussi l’ete, ou l’ouverture de la chasse, etc.). Dans le public et le privé, entre autres;
– Le regler par des jours de carence est stupide, d’autant plus que dans le privé, ces jours sont generalement pris en charge par l’entreprise (les grandes) mais en echange il y a de plus en plus pression/controle sur les serials malades.
– Tout ceci demande que les gestionnaires mettent la main dans la graisse, creent une ambiance de travail positive, mettent la pression sur les "fragiles", etc..
Proner des jours de carence est plus facile que de confronter les employés, syndicats et/ou dialoguer avec eux pour resoudre ces problemes.
Mais il y a un bon et large public, surtout dans les classes populaires d’ailleurs, qui ne beneficient pas des facilites du public ou de la grande entreprise, qui fait que le discours chasse au fraudeur doit etre tres populaire.
C’est le pendant de droite du "faut taxer les riches" de gauche. Mobilisateur, facile, stupide et populaire.
Vous avez du boulot M. Stephane, la campagne ne fait que commencer.
Et pourquoi pas effectuer la "carence" l’annee suivante: si vous avez eu x absences pour cause de maladie, vous perdez x jours de conge l’annee suivante (eventuellement en augmentant ce "capital vacances" pour que la moyenne reste identique). Cela permet aux vrais malades de se soigner sans perte de revenu, ils ‘payeront’ leur maladie plus tard.
On peut aussi appliquer un plafond (de maniere a quand meme laisser quelques jours)
Pour ceux qui ne sont pas malades, ils gagnent en jours de conge.
Est-ce que cette mesure a deja ete appliquee quelque part?
‘Cependant le libre arbitre réapparait dans l’attitude face à la maladie :
Pourquoi certains qui ont une angine vont travailler, alors que d’autres restent chez eux pendant 5 jours?’
1:parce qu’ils perdent du pognon sous une forme ou au autre (jours de carences, primes etc
2:parce que leur patrons sont aussi con que Vauquiez et qu’ils veulent se faire bien voir pour avoir leur promotions..(voir tout simplement conserver leur job)
3:parce qu’ils se font chier chez eux parce qu’ils ne savent pas s’occuper tout seul.
4:parce que pour eux le travail est une mission divine
Bref rien qui ne devrait etre valable, et encore moins pour tout le monde…
Pour aller dans le sens du commentaire de Batou
Cet article trouvé chez Phersu
http://www.spiegel.de/wirtschaft...
Bonjour,
Pour élever le débat, ne pourrait-on pas responsabiliser les microbes?
Ce charabia sorti de la bouche d’un énarque (il me semble) est plus affligeant que la réalité qui est visée. Il croit viser la médecine, c’est l’école qui trinque!
Mon experience personnelle me dit que Wauquiez ne dit pas que des betises:
J’habite et je travail aux USAs. Dans la derniere anne j’ai change de boulot. L’un des changements est que chez mon ancien employeur j’avais des congers paye (Paid Time Off ou PTO) en plus de journees maladies. (Sick Days) Chez mon nouvel employeur, j’ai seulement des congers paye. Donc, si je prend un jour a cause d’une maladie, je perd un jour de conger. Je chope un virus similaire tout les ans. L’anne precedente, j’ai pris un premier jour quand le virus a ete vraiment desagreable et un deuxieme le lendemain pour m’assurer que j’etais sur la bonne pente. Cette anne, j’ai pris un jour quand je n’etait vraiment pas en etat de travailler, mais le lendemain, j’ai reflechi exactement au fait que je prefererais un jour de conger plus tard plutot que de me reposer ce jour supplementair clouer au lit. Donc je suis aller bosser.
On peu discuter et se demander si c’est desirable. Mais pour moi il n’y a aucun doute. Si on fait payer aux malades leur journes maladies, ils en prendront moins.
‘On peu discuter et se demander si c’est desirable. Mais pour moi il n’y a aucun doute. Si on fait payer aux malades leur journes maladies, ils en prendront moins.’
Non, et c’est la la plus grande connerie du raisonnement. Au niveau global il y aura plus de jours de prix parce que a force de ne pas se soigner correctement, il y aura plus de transmission de virus, aggravation des maladies etc.
C’est exactement comme penser qu’il ne sert a rien de se vacciner parce que les autres le sont.
Et c’est pour ca que la sante ne peut pas etre gerer reelement correctement au niveau individuel.
On ne peut pas ‘responsabiliser’ un malade.
On pourrait par contre responsabiliser…les medecins.
@Riendf:
"Au niveau global il y aura plus de jours de prix parce que a force de ne pas se soigner correctement, il y aura plus de transmission de virus, aggravation des maladies etc."
Hm… Vous avez des stats ou des etudes sur le sujet? Je ne doute pas du fait qu’il y a un effet dans cette direction, mais cela veux dire qu’il y deux effets dans des directions opposees et je vois mal comment determiner la force relative des deux effets sans etudier le sujet de facon empirique. Apres tout, cela depend du prix de la journee maladie ainsi que de quantitie d’autre facteurs.
"C’est exactement comme penser qu’il ne sert a rien de se vacciner parce que les autres le sont."
Et pourtant, il est vrai qu’etres vaccine a beaucoup moins de valeur si beaucoup d’autres sont vaccine. Apres tout, la valeur du vaccin est proportionelle a la chance d’entrer en contact avec une personne malade.
"Et c’est pour ca que la sante ne peut pas etre gerer reelement correctement au niveau individuel."
Vous ne pensez pas que vous allez un peu vite? Vous avancez des arguments (peu convaincants je vous l’avou) qui s’appliquent a une petite partit de "la sante", et vous concluez que la sante ne peu etres geree au nivau individuel. Cela me semble peu rigoureux.
Et il n’y a pas que les maladies infectieuses! Le mal de dos, la depression, le "bras casse a cause du ski"… Responsabiliser un minimum n’est pas necessairement une mauvaise chose
Pour le mal de dos, il est peut-être préférable pour l’entreprise d’avoir un mec absent 3 jours pour se soigner correctement, qu’un mec dans les vaps pendant 15 jours parce qu’il est sous décontractants musculaires mais qui vient bosser comme si de rien était… et donc qui guérit moins vite que s’il n’avait pas fait de mouvements inutiles.
Je n’ai pas de certitudes sur ce genre de choses, mais je suis convaincu que:
– tout cela mérite plus que des solutions dites " de bon sens" (c’est jamais bon signe comme argument) qui au final semblent tirées d’une discussion arrosée au bar.
– ce n’est pas le malade, mais son médecin qui décide qu’une situation mérite un arrêt de travail, et je considère que le médecin devrait être le mieux placé pour savoir ce genre de choses.