Consommation de tabac chez les jeunes

Une étude relayée depuis ce matin montre une baisse de la consommation de tabac de 20% chez les jeunes. Elle montre aussi une hausse de la consommation de drogues, parfois dures, comme pour la cocaïne.

Si je ne devais pas jongler avec mon taboulé vite ingurgité avant de retourner bosser, je chercherai des graphiques d’évolution des prix, de la coke en particulier. Mais les ordres de grandeur sont connus, même si j’ignore la période de référence exacte à retenir. Une chose est certaine, le prix de la dose de cocaïne a perdu environ 40% de sa valeur depuis quelques années, par rapport à un prix qui n’avait pas bougé depuis longtemps aussi loin que mes souvenirs me ramènent (et, non, je n’ai jamais été consommateur, je n’ai pas d’attirance pour le produit. Erreur m’a-t-on dit, mais bon…). De même, le prix de la barette de shit est assez stable, quoiqu’un peu en hausse sur longue période si je me fie à des chiffres entendus récemment (et, oui, ça, j’ai testé ; un somnifère incroyable, mais je dors bien en général). Pendant ce temps là, prix de la clope multiplié par deux à peu près.

Ce n’est donc pas une grande surprise que de constater une substitution entre consommation de drogues et consommation de cigarettes. On sait que la hausse des prix du tabac a une influence sur la consommation, surtout chez les jeunes. Ce qu’on n’avait peut-être pas réalisé, c’est que l’effet de substitution puisse être réel. Ce que je n’affirme pas définitivement, faute de données plus fournies.

Deux remarques : les médias me font hurler de rire quand ils mentionnent l’effet des campagnes d’information sur le tabac, juste après avoir cité les hausses de prix. Comme si les premières pouvaient peser à côté des secondes. Ensuite, peut-être faut-il s’interroger sur les besoins auxquels répond la consommation de substances addictives chez les jeunes, plutôt que sur les moyens de les empêcher de les satisfaire. Je veux dire par là que lorsqu’on aura éradiqué la consommation de drogues par un moyen quelconque, vers quel substitut les consommateurs se tourneront-ils ? Tout cela au conditionnel, évidemment, puisque cela suppose qu’il y a bien une substitution consciente. Je me demande ce que Tim Harford dirait là dessus.

19 Commentaires

  1. Si le prix du tabac augmente, les jeunes fument moins.
    Si le prix de la coke augmente, les jeunes sniffent plus.

    Pour observer une substitution, il faudrait observer une variation de la conso de cocaïne quand seul le prix du tabac change, non?

    Réponse de Stéphane Ménia
    Oui, tout à fait. D’autant que je ne pense pas, en fait, que les deux soient substituts. De plus, délaisser un effet revenu non négligeable dans ce cas me semble un peu osé. Le paquet de clope reste plus abordable que la dose de coke. Même sous l’hypothèse que les deux sont substituts, je vois mal comment l’effet de revenu peut être dominé.

  2. "les médias me font hurler de rire quand ils mentionnent l’effet des campagnes d’information sur le tabac, juste après avoir cité les hausses de prix. Comme si les premières pouvaient peser à côté des secondes."

    Là, je pense que vous vous avancez. Les jeunes sont capables de consommer des trucs très chers pourvu que ça soit "hype", ils le prouvent tous les jours. Sur quoi vous basez-vous pour affirmer ainsi que l’effet "information" est négligeable par rapport à l’effet "prix"?

  3. Est-on certain qu’il y a un lien de cause à effet, une substitution, entre consommation de drogues et consommation de cigarettes.
    Parce qu’après tout, plein de choses ont augmentées (et baissées) durant la même période.

    PS: je n’ai pas d’avis sur la question mais suis toujours surpris par ce type de lien établis peut être un peu vite (l’article lié n’établit pas formellement de lien de cause à effet entre les deux constat si ce n’est la proximité dans un même article).

    Réponse de Stéphane Ménia
    Moi ce qui me surprend toujours, ce sont les gens qui ne lisent que ce qu’ils veulent lire dans mes textes et oublient le reste (comme les réserves clairement émises).

  4. Je trouve que le sexe est addictif et plus satisfaisant que les autres drogues mentionnées ci-dessus. Auriez vous une courbe d’évolution des prix spots? Quoique en général il s’agisse plutôt de contrats long termes ce qui doit effectivement influencer les incitations.

  5. …sans oublier le premier produit de substitution : l’alcool. Moins cher, sans augmentation régulière, et parfaitement légal.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Est-il substitut ou complément ? La tendance à la hausse de la consommation est interprétable ainsi, oui.

  6. Intéressante question que celle de la subsitution du tabac par les drogues. Dommage de manquer de données. Pourquoi ne pas faire un test entre tabac et alcool ?
    Enfin il doit sûrement exister des travaux d’anthropologues, des textes littéraires, des archives de police… pour évaluer à travers différentes sociétés ou époques les conduites des jeunes (et des moins jeunes) vis à vis des drogues.
    Pour ma part j’intuite que l’attirance et la consommation de drogues est une inclinaison naturelle de l’homme indépendante des contraintes économiques de l’accès aux substances. D’ailleurs, on trouve des exemples de consommateurs d’héroïnes, de cocaïne… alors que le paquet de gauloise coutait 1,70 F (0,26 €). Sont-ce les mêmes besoins qui sont satisfaits par la gauloise et par le fixe d’héro ?
    La question conclusive doit dont être reformulée. Quelles nouvelles drogues apparaîtront dans le futur ? Elle est d’importance: gros business !

    Réponse de Stéphane Ménia
    Pour moi, tabac et alcool sont plus des compléments. C’est un peu pour cela que je n’en parle pas. Mais bon, c’est subjectif. Je notais aussi que dans le cas français, la consommation d’alcool restait apparemment constante (comme les prix). En revanche, le mode de consommation évolue, paraît-il, vers plus de murge rapide et brutale. Est-ce une mode importée des pays où les débits de boisson sont très régulés sur les heures d’ouverture ? Ou une forme délibérée de changement de pratique ?

  7. Je suis en train de lire "The logic of life", de Harford, et il consacre justement une partie de chapitre aux comportements addictifs, en les analysant comme un comportement rationnel dont on peut sortir moyennant comportement stratégique; en fait, il applique la théorie des jeux aux deux moitiés (la Bonne et la Mauvaise) d’un même individu. Pour le prix du tabac, il dit qu’il provoque une baisse de la consommation avant même que le prix monte effectivement. Je pense qu’on observerait la même chose chez nous, mais ce serait intéressant d’avoir les chiffres fr.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je suis aussi en train de le lire. Mais cette question me fait plus penser à ses histoires de sexe chez les ados qu’à la question de l’addiction. Pour une raison bête : les jeunes fumeurs, ceux dont on parle ici, sont-ils déjà dépendants du tabac ?

  8. hmmm attention – Difficile de parler de substitution avec ces faits stylisés. C’est ce qu’on aurait pu conclure si le prix de la cocaïne était resté stable et le prix des cigarettes avait fortement augmenté.
    Ici, on peut juste supposer que les consommateurs sont sensibles au prix…
    En termes plus techniques, avec les faits stylisés que tu présentes, il suffit juste que l’elasticité-prix des deux biens soit négative – hypothèse raisonnable -, on n’a donc pas besoin d’introduire d’élasticité croisée…

    Réponse de Stéphane Ménia
    Oui. Voir mon commentaire à la même remarque de Pierre.

  9. Je me souviens avoir également lu des informations, pardon, des articles de presse selon lesquels la vente de matériel destiné à la culture à domicile de végétaux destinés à être consommés de la même manière de le tabac à fumer connaissait, elle aussi, une importante progression, malgré la consommation électrique tout à fait significative de ces matériels.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Ah, c’est sûr qu’en plus, si on peut faire dans l’artisanat…

  10. Il me semble que l’on peut apporter quelques nuances. Premièrement, la consommation de cocaïne est trop marginale pour être le produit d’une véritable substitution de la part des fumeurs. Cela fonctionne mieux si on s’intéresse au cannabis, dont la consommation a doublé quand celle du tabac diminué (mais pas d’autant pour les jeunes consommateurs). Toutefois, dans le détail, c’est moins clair, puisqu’à lire les lettres de tendance de l’OFDT, la proportion de consommateurs journalier stagne, et seule la proportion de consommateurs réguliers (mais non journaliers) augmente. Surtout, une drogue est absente du tableau : l’alcool, dont la consommation diminue sur une période presque identique au tabac, mais sur un rythme bien plus faible. Or, le prix de l’alcool n’a pas connu d’augmentation particulière. On ne voit donc pas pourquoi il n’y aurait pas également substitution avec le tabac. Par ailleurs, les épisode d’ivresse sont plus nombreux chez les 17/25 ans.

    En fait, il semble plutôt qu’on assiste à une transformation de l’usage des drogues : moins de prise journalière, et recherche d’un effet fort lors de prises régulières, mais espacées. Bref, recherche d’une défonce épisodique à la place d’un usage plus modéré mais plus régulier. Cette hypothèse permet de comprendre l’augmentation de l’usage de la cocaïne, qui procure une telle défonce, de même que la baisse de la consommation d’alcool sur fond d’augmentation des épisodes d’ivresse, ainsi qu’une augmentation de la consommation de cannabis plus forte que la baisse de la consommation de tabac. Donc, en même temps que jouent des effets prix et de substitution, se sont également les préférences des consommateurs qui se transforment.

  11. Pour apporter de l’eau à ton moulin, les substitutions d’addictions sont decrits en medecine. Une personne avec une addiction (tabac ou autre) a de plus fortes chances "d’attraper" une autre addiction que la population generale. À l’arret d’une substance par exemple. Malheureusement on ne connait pas encore tres bien les phenomenes d’addictions pour savoir comment ca se passe (la discipline etant encore tres jeune).

    Pour ce cas particulier, je pense plutot que ce sont 2 phenomenes dissociés. Les jeunes essaient plus la cocaine, moins chere, et deviennent accros. Faudrait faire une etude pour en savoir plus.

  12. "les médias me font hurler de rire quand ils mentionnent l’effet des campagnes d’information sur le tabac, juste après avoir cité les hausses de prix. Comme si les premières pouvaient peser à côté des secondes."
    En fait, c’est possible (à défaut de probable) que les premières pèsent en comparaison des secondes. Y a quelques mois j’avais vu quelques données des élasticité-prix du tabac, en fonction de différentes catégories sociales, et "paradoxalement" c’était les classes populaires qui étaient les moins sensibles aux hausses des prix.
    Par ailleurs, si il y un public qui est potentiellement le plus sensible à ce type de campagne se sont les jeunes, qui n’ont encore dèveloppé aucune addiction (ni physique, ni psychologique) au tabac. De plus, ils sont aussi sans doute les plus sensibles aux effets macro de ces campagnes, à savoir présenté la cigarette comme un produit ringard, et donc la faire passer de mode.
    Au passage, ces politiques d’information peuvent parfaitement se comprendre à partir de raisonnement micro. En effet, la conso de cigarette conduit à un arbitrage entre l’utilité espéré de fumer, et de la désutilité engendrée (classiquement) pas la perte de revenu, et (moins classiquement) par le fait que fumer à un impact sur le bien-être futur. Une meilleur information sur les risques à long terme de l’usage du tabac, peut avoir pour effet une révision des anticipations des agents (ils considèrent que la désutilité sur le bien être de long terme s’accroit par rapport à la situation initiale) et donc on constate une baisse de la consommation. (Je suis personnellement peu convaincu par cette argument d’ordre microéconomique, mais il permet de ne pas rejetter une explication possible au seul fait qu’elle n’engendrerait pas un mécanisme économique incitatif)

  13. Le recours à la production artisanale hors-économie devient possible dès que l’avantage compétitif que procure l’industrialisation du processus de production est annihilé par les taxes et la marge des distributeurs, ce qui peut aller très vite au fur et à mesure que l’économie se tertiarise.

    Voire, l’on peut réhabiliter la production d’un produit de substitution (comme la Lobélie : site.voila.fr/medicherb/l… ) qui n’a pas forcément eu la chance d’attirer l’attention de l’industrie car n’ayant pas la propriété qui en justifiait son succès commercial et fiscal (l’accoutumance)

  14. On pourrait exhumer à ce sujet le dérangeant mémoire de DEA consacré par Raphaël Godefroy à la question de la consommation de tabac en fonction du revenu. Il y constatait que la consommation de tabac ne baisse pas chez les très bas revenus et que cette baisse se concentre chez les plus hauts revenus sans apporter d’explication définitive :
    http://www.jourdan.ens.fr/pikett...

    Peut être qu’en fait l’élasticité-prix est faible (du fait de la dépendance) et que ce sont les campagnes d’information qui sont mieux absorbées par les hauts revenus qui induisent une diminution de consommation. Je n’en sais rien, mais je ne crois pas que ce soit forcément à écarter

    Réponse de Stéphane Ménia
    Rien n’est à écarter, en effet.

  15. En 10 ans d’animation (94-04) dans un club de sport en campagne (près de Coëtquidan) j’ai vu les ados changer de consommation. D’abord de l’alcool au chichon sans substitution d’addiction mais avec changement "social" du mode de défonce (alcool has been)
    Depuis, toujours dans le même club j’assiste à l’explosion de la conso multi produits. L’argent n’est pas en cause, les plus jeunes sont toujours sur le chichon mais dès l’arrivée en fac, d’autres produits arrivent, et pas que la coke (retour des amphets, de l’exta des années 90)

    La conso de tabac a basculé des cousues aux roulées, c’est le seul point purement économique visible.

    Je ne suis pas certain que l’argument éco soit le seul valable aujourd’hui pour décrire les changements de consommation.

  16. Pour appuyer "j’ai pas de titre", un des résumés de l’étude que j’ai lu disait que les drogues étaient davantage consommées par des jeunes ayant un capital social et culturel. Il est possible qu’on soit face à un phénomène de différenciation sociale de la consommation (les drogues aux riches, le tabac aux pauvres, en gros) et dans ce cas les incitations ne passeraient sans doute pas par une expression monétaire en termes de prix. La ringarditude du tabac me semble une piste intéressante…

  17. Que la consommation de drogues soit corrélée à l’évolution de leur prix cela ne fait aucun doute; quant à la substitution du tabac par la cocaïne, j’en doute. Il y a là-dedans, en plus du phénomène économique, un phénomène social. Le tabac fait beaucoup plus cheap que la cocaïne. Cette dernière a longtemps été le fait de la frange aisée de la population. Or le prix du rail baisse, mais son image ne change pas. C’est une drogue de gagnant, une drogue de performance, une drogue de star. Elle augmente des qualités valorisées socialement. L’imaginaire collectif de la cocaïne est à des années-lumières du junkie accro à l’héroïne.

    La consommation de cocaïne augmente parce que, d’une part le fun est moins cher, d’autre part parce que certains voient dans sa prise une marque de statut social.

    Une dernière remarque sur le binge-drinking: il est ultra-répandu parmis les étudiants (j’en suis), mais ça n’effraye que les parents. Une grosse soirée est généralement signe de beuverie; mais personne de mon entourage ne boit de l’alcool quotidiennement. Ca ferait… alcolo… Mais enfin, une fête c’est forcément un débordement, un espace-temps social dans lequel les limites du socialement admis explose. On voudrais que la jeunesse étudiante fasse la fête au Champomy?

  18. Neuromancer, il n’y a pas que la coke (ou les extas, tout ça tout ça), il y’a le shit.

    Quant à la fête, le problème vient quand tu en fait trois / quatre / cinq par semaine. Et entre les deux des petites fêtes entre potes où tu bois juste "un peu". J’ai des noms…

  19. Pour percevoir des éléments d’explication de la consommation d’addictifs hors des prix et des messages publicitaires, des approches comparatives internationales et biographiques (des fumeurs) auraient peut-être un intérêt, par contre cela représente un travail énorme ! Après un coup d’oeil rapide sur le net, il y a quelques labo de recherche qui s’intéressent à cette question (notamment en sociologie et psychologie).
    Les déterminants de la consommation de ces produits licites ou pas (drogues alcools, tabac) sont sans doutes partiellement attachés à une forme de culture, de déterminisme environnementale, de récultat de l’experience personnelle, etc. Reste à savoir quelle est la mesure de cette autre explication.

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