Le Parisien était tout fier de vous annoncer récemment une “Bonne nouvelle pour les partisans de la famille : il est désormais scientifiquement établi que pour éviter d’être au chômage, il vaut mieux vivre en couple qu’être célibataire. Alors que le nombre d’inscrits à Pôle emploi continue à grimper en flèche, c’est l’une des conclusions du « portrait social » de la France publié hier par l’Insee.”. Ou pas.
Relisez bien la manchette de l’article. Elle est sans ambigüité : pour éviter d’être au chômage, soyez en couple.
L’INSEE a bien étudié cette question dans son portrait social 2012. On trouve bien une corrélation entre la situation familiale et la situation relative à l’emploi, notamment pour les hommes de 30 à 54 ans :
“Tous les indicateurs témoignent d’une plus grande proximité au marché du travail des hommes en couple par rapport aux hommes sans conjoint. Tout d’abord, le taux d’activité (définitions)des hommes en couple est à tout âge supérieur à celui des hommes sans conjoint. Entre 30 et 54 ans, l’écart est de 8 points. Par ailleurs, le taux de chômage des hommes en couple est à tout âge nettement inférieur à celui des hommes sans conjoint. Entre 30 et 54 ans, le taux de chômage des hommes sans conjoint s’élève à 13 % en 2011, contre 5 % pour les hommes en couple, soit un taux de chômage 2,5 fois plus élevé. Inversement, les chômeurs vivent moins souvent en couple : en 2011, 56%des hommes chômeurs vivent en couple, contre 78%des hommes en emploi et 49%des inactifs. Le taux de chômage de longue durée, calculé comme la proportion de personnes au chômage depuis plus d’un an parmi les chômeurs, est également moins élevé chez les hommes en couple (43 % contre 54 %).”
Pour Le Paisien, la conclusion est claire : soyez en couple, vous éviterez le chômage. Le problème, c’est que, au delà de certaines vertus du couple sur l’insertion, c’est peut-être aussi (et surtout) parce qu’on n’est pas au chômage qu’on est en couple… Et le document de l’INSEE est pourtant on ne peut plus clair sur le sujet, puisque dès les premières lignes on peut lire ceci :
“Situations familiales et situations professionnelles interagissent entre elles, sans qu’il ne soit possible, à moins d’une analyse longitudinale, de démêler le sens des causalités. Ainsi, des études ont montré que le chômage perturbait la constitution et le fonctionnement des familles Prioux, 2003 ; Meron et Widmer, 2002. Inversement, les crises familiales sont susceptibles demodifier le rapport au travail des personnes concernées : une séparation ou un divorce peuvent ainsi conduire une personne initialement inactive à rechercher du travail. Par la suite, lorsqu’on compare les situations sur le marché du travail des personnes en couple et des personnes sans conjoint, on adoptera une démarche descriptive, sans chercher à démêler le sens des causalités entre situation sur le marché du travail et vie en couple.”
Traduction : “Bon, les gars, on cherche à voir s’il y a un lien avéré en 2012. Par contre, vous comptez pas sur nous pour vous dire dans quel sens. Un, pas sûr qu’on arrive à le trouver un jour ; deux, le portrait social, il doit sortir en novembre et franchement, on est à la bourre.”
Et, en vérité, ce travail descriptif est déjà bien riche, instructif et dépasse de loin le raccourci qui en est fait dans le journal cité, qui massacre joyeusement un boulot sérieux. Il différencie hommes et femmes, s’intéresse à la structure des couples (combien de personnes en emploi, par exemple) et il en ressort finalement que si vous croyez que vous mettre en couple vous permettra de retrouver un emploi, vous faites un pari risqué. Plutôt que de s’arrêter sur ce point, les données concernant l’homogamie ou le taux d’activité des femmes en couple donnent une information bien plus utile… Parce que, puisqu’on y est, on pourrait aussi montrer que vivre seul accroît la probabilité d’être tueur en série…
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