C’est beau la langue de bois de la communication

Il y a peu de temps, l’APSES (association des professeurs de SES) s’émotionnait tout plein de mots peu amènes de Michel Rocard au sujet de l’enseignement de l’économie en France.

Aujourd’hui, nous avons reçu ceci :

M. Sylvain DAVID, Président de l’APSES, a rencontré M. Michel ROCARD ce lundi 07 janvier 2008. Cette rencontre a permis de dissiper les malentendus liés aux propos tenus par Michel Rocard sur l’enseignement de l’économie dans le cadre de la Commission Pochard. M. Rocard avait fortement souligné ce qu’il appelle l’insuffisance de culture économique des français et souhaité une augmentation de l’effort fait dans ce sens. Ce propos, malgré les apparences n’était pas une critique des enseignants, mais d’abord une critique de l’insuffisance des horaires. M. Rocard a ainsi pu préciser qu’il lui semblait nécessaire qu’un enseignement de sciences économiques et sociales soit dispensé à l’ensemble des élèves du secondaire. Selon M. Rocard, cet enseignement doit amener les élèves à mieux comprendre les enjeux économiques et sociaux contemporains et donc de développer leur citoyenneté. Cet enseignement doit leur permettre de maîtriser des notions, des concepts et des mécanismes économiques et sociaux nécessaires à la compréhension du fonctionnement de la société dans laquelle ils vivent. L’APSES a pu souligner que ce souhait rejoignait sa demande que l’enseignement de SES soit intégré aux enseignements communs de la classe de seconde. L’APSES se félicite que cette rencontre ait permis de dégager les points de convergence qui existent entre M. Michel Rocard et l’APSES concernant l’enseignement des Sciences Economiques et Sociales.

Tout est bien qui finit bien ! On est encore copain avec le socialo historique ! Pourtant, Rocard avait bien en tête la même idée qu’un grand nombre d’observateurs pas forcément très avertis sur ce que sont les SES et les enseignants de la matière : une bande de barbus non explosifs, mais rétrogrades. il doit toujours l’avoir, en fait. Image caricaturale que je ne partage pas, comme j’ai pu souvent le dire ici. Mais voilà… Rocard se targue aujourd’hui encore d’incarner une vision de l’économie en avance sur son temps alors que lui-même est dépassé. N’est-ce pas lui qui se déclare “altermondialiste”, et annonce les pires lendemains pour l’économie mondiale, parce que le capitalisme financier ne sait pas où il va ? Il ne suffit pas de dégommer ATTAC pour être moderne. Il ne suffit pas de jouer au centriste des idées pour être crédible. Il y a trois ans de cela, j’avais déjà tout compris en écoutant sur France Cu une de ses premières élucubrations sur l’avenir de l’économie mondiale. Absurdités et vieilleries conceptuelles se succédaient dans une soupe au goût déjà suranné.

Pas étonnant qu’il ait pu facilement se taper la discute avec un groupe de pression dont les communiqués me laissent parfois mal à l’aise, alors que je dis le plus grand bien de la filière qu’ils représentent. La réalité, c’est que depuis quelques années, Michel Rocard ne tient plus un discours crédible en matière économique. Sa valeur ajoutée tend asymptotiquement vers zéro. J’imagine bien la discussion stérile et convenue à l’issue de laquelle il a bien fallu lâcher du lest. Pour tout dire, le flou de ses propos contestés le justifie. Ce doit être un plaisir d’être ainsi attaqué, une fois la déception passée. Ces errements ne font que confirmer ce que j’avance : il n’est plus au niveau. Je suis le premier à le déplorer. Quand les boussoles ne montrent plus correctement le nord, ce n’est jamais une bonne nouvelle.

Dans point de convergence, il y a vergence. C’est beau la politique.

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30 Commentaires

  1. Je ne connais pas vraiment l’APSES mais ce que certains profs m’en ont dit me laisse un sentiment étrange…

    Sur le fond de l’affaire, outre que Rocard commence à sentir un peu le renfermer, force est de constater (j’adore cette expression) que la culture économique est loin d’être partagée par tous… et les quelques qui en possèdent un peu, l’étalent un peu trop….

    Il me semble en effet urgent d’étendre l’enseignement des SES à l’ensemble des lycéens. On réfléchit bien tous, en terminal, au juste, au bien, au beau et au sens de la vie…
    L’économie est au moins aussi importante que la philosophie dans le quotidien du citoyen lambda…
    Si les gens connaissaient la signification réelle du terme "Pouvoir d’Achat", peut-être parlerions-nous aujourd’hui encore de "salaire" et nous nous ne laisserions pas berner par les mirages de la communication …

    Les discussions autour des questions économiques dérivent malheureusement trop souvent en discussion de comptoir… sans les cahouettes et le pastis pour faire passer les inepties…

  2. Je vous suis entièrement sur Michel Rocard. La vieillesse est cruelle. C’est impressionnant comme cet homme, qui a incarné l’espoir d’une génération de gauche, peut être aussi à coté des réalités contemporaines.

    L’épisode où il demande à Ségolène de se désister en sa faveur à la veille du dépôt des candidatures ne manque pas de sel non plus.

  3. Enfin, l’APSES n’est pas dupe : ils ont mis "DAVID" en majuscules, et pas "Rocard". Et toc. Cette fois, Michel, c’est vraiment la fin.

  4. Je ne suis pas certain que la généralisation de l’enseignement des SES à tout les section du général ( et du technique aussi je suppose) soit spécialemnt une bonne chose. Auntant en sociolalogie la formation me semble de bonne facture pour penser le social avec le niveau première/Terminale ES, autant l’économie de bouquins est assez éloigné de l’économie actuel même si les débats sont récurents.

    A mon avis le seul effet sera une idéologisastion plus précoce d’individus, qui sous prétexte qu’ils ont vu Adam, Karl et Johny M. au lycée, se penseront et se présenteront comme à même de débattre (et de fixer tant qu’à faire) sur les débats moderne, alors même qu’il leurs manque 50 ans de sciences économiques.

    Sarc.

  5. Je suis prof de SES, membre de l’Apses, mais je parle ici en mon nom seul.
    Ne reprochez pas à l’Apses de ne pas critiquer les analyses économiques de Rocard : ce n’est pas du tout son objet. L’Apses défend l’enseignement des SES (et pas de "l’économie", d’ailleurs), et c’est à ce titre qu’elle s’est émue des propos de Rocard… sur les SES !
    Contrairement à ce qu’un certain nombre de gens mal intentionnés pensent, l’Apses n’a pas vocation à défendre une théorie économique, une "école de pensée" plus qu’une autre. Il y a des keynésiens, des marxistes, des libéraux, etc. au sein de l’Apses, il y a des gens de gauche et de droite. Le seul but de l’Apses est de défendre l’enseignement des SES : un enseignement pluraliste (on aborde les différents points de vue, justement, sur chaque problème), pluridisciplinaire (on ne fait pas de "l’éco", on étudie des problèmes en utilisant l’économie, la sociologie, un peu d’histoire, de la démographie, de la science politique, etc.) où on enseigne aux élèves la compréhension des grands mécanismes et des grandes questions économiques et sociaux.

    Rocard dit publiquement que finalement, contrairement à ce qu’il croyait, les SES c’est super… Très bien ! Le pense-t-il vraiment ? Je n’en sais rien, mais ce n’est pas vraiment çà qui m’intéresse actuellement. Que quelqu’un qui est reconnu, et justement vu comme très modéré, dans le "sérail", prenne position en faveur des SES, en tant que membre de l’Apses, c’est tout ce qui m’importe, surtout dans le contexte actuel…

    Après, à titre personnel, mes opinions politiques ne sont vraiment pas celles de Rocard, mais c’est hors-sujet…

    Amicalement
    Romain.

    Je n’ai jamais dit qu’il fallait critiquer les analyses de Rocard. J’ai dit que ses compétences déclinantes en la matière le plaçaient de moins en moins en position de donner des leçons en matière de bonne et mauvaise éducation économique.
    Si vous êtes heureux qu’il soit passé en si peu de temps de “Ces idiots bousillent les gamins” à “Les SES, c’est génial”, eh bien j’ai très bien fait d’écrire ce billet.

  6. "A mon avis le seul effet sera une idéologisastion plus précoce d’individus, qui sous prétexte qu’ils ont vu Adam, Karl et Johny M. au lycée, se penseront et se présenteront comme à même de débattre (et de fixer tant qu’à faire) sur les débats moderne, alors même qu’il leurs manque 50 ans de sciences économiques."

    Si vous saviez combien on en voit qui se présentent comme à même de débattre sur les débats modernes, alors qu’il leur manque 200 ans de sciences économiques… finalement, 50 ans ça me paraît un mal vraiment moindre.

    Sur ce, je retourne virer les trolls du blog RCE.

  7. Vous parlez de l’APSES comme d’"un groupe de pression dont les communiqués me laissent parfois mal à l’aise, alors que je dis le plus grand bien de la filière qu’ils représentent".
    Pourriez-vous préciser l’origine de ce malaise ?
    Merci.
    Caroline, membre de l’APSES

    Les communiqués ressemblent régulièrement à des tracts. Je crois parfois lire des communiqués du MEDEF. Je n’ai pas de sympathie pour ce genre de communication, quelles qu’en soient les justifications. Dans un genre un peu différent, j’ai beaucoup aimé le communiqué qui montrait que le bac B ou ES menait à tout, avec des exemples qui montraient vachement l’intérêt d’apprendre les sciences sociales à l’école. Un coup de scie sur sa branche.
    Quant à vous, comment vous voyez l’APSES ?

  8. Je suis aussi prof de SES. Je dois dire que cette information ne présente à mon sens qu’un seul intérêt : ça réduit un tout petit peu les menaces qui pèsent sur ma discipline en ce moment (mais alors vraiment qu’un tout petit peu).

    Non que Rocard soit une caution réjouissante pour notre enseignement, mais ça fait toujours un adversaire de moins…

    Sinon, l’extension des SES à toutes les filières – si celles-ci survivent – voire même au collège, c’est un vieux serpents de mer de la discipline. Je doute toujours qu’il soit appliqué…

    Par rapport à ce que dit Sarc, deux remarques : 1/ je doute tout d’abord que les français puissent s’idéologiser plus tôt, 2/ la tendance actuelle dans la discipline me semble d’aller vers de plus en plus de scientificité, ce qui devrait pouvoir compenser ce que vous décrivez.

    C’est un commentaire assez agréable à lire, je ne vous le cache pas…

  9. Je crois que les éconoclastes… ce n’est plus ce que c’était !

    Pourquoi ce ton agressif ? Pourquoi ne devrait-on pas se réjouir du fait que Rocard revoit sa position publique sur les SES. Quelqu’un prêt à défendre notre discipline est toujours mieux que quelqu’un qui ne cherche qu’à l’attaquer. Après ça ne signifie pas qu’on soit d’accord avec tout ce que dit Rocard. Mais je préfère, pour l’avenir de notre discipline, le voir ainsi qu’il y a 15 jours. Petite préférence qui vaut ce qu’elle vaut.
    Par ailleurs je ne vois pas en quoi le fait de montrer que le bac ES peut mener à tout constitue un coup de scie sur notre branche ! C’est bien l’argument sans cesse mis en avant par ceux qui veulent voir leur progéniture faire un bac S, et c’est bien ce qui fait son "prestige" social, non ? Les élèves, comme les parents recherchent un bac qui ne fermera aucune porte à leurs enfants : d’où le mot "général" après "bac".
    Et il me semble que les profs de SES sont plutôt dans cette logique de former des citoyens ouverts à un large choix de disciplines.

    Une membre de l’Apses qui parle en son nom propre.

    En gros, tout le monde se réjouit que ”le vieux” ait ravalé sa langue, alors qu’il est évident qu’il savait exactement ce qu’il disait quand il parlait de haine de l’entreprise et tutti quanti… Quant au ton agressif, vous le trouvez juste plus agressif que d’habitude parce que l’agressivité que vous y trouvez n’est pas dirigée vers des gens qui vous déplaisent.

  10. SM, j’ai l’impression que vous êtes plus susceptible en 2008 qu’en 2007. Je ne sais pas quelle mouche vous a piqué mais le ton de vos propres réactions est vraiment agressif, si si, croyez moi (et écrit en rouge qui plus est !).

    Ah, mais vous n’avez pas lu mes bonnes résolutions pour 2008, alors ?

    Que les communiqués de l’Apses "ressemblent à des tracts" je ne vois pas trop où est le problème ?
    Qu’une organisation évoque un évènement, un fait, qu’elle annonce un point de vue s’y rapportant débattu et tranché par ses membres, et qu’elle avance des propositions, quoi de plus normal ?
    Vous préfereriez que l’Apses fasse des communiqués vides, sans idées, sans propositions ?? Se contentant d’annoncer les dates de ses colloques ? Je n’aime pas le côté péjoratif dans votre utilisation du mot "tract".

    "il est évident qu’il savait exactement ce qu’il disait quand il parlait de haine de l’entreprise"
    je ne comprends la portée de cette assertion. Doit on comprendre qu’il savait bien ce qu’il disait en parlant de haine de l’entreprise, parce que cette haine est avérée ?
    Ou parce qu’il était pleinement responsable et conscient lorsqu’il a prononcé ces mots ? Ci cette dernière interprétantion qui se rapproche de votre idée, il se trouve que ce qui a affecté le plus M. Rocard dans cette histoire, c’est bien que ses propos aient été assimilés à ceux des milieux patronaux dans un article paru dans Le Figaro. C’est donc bien qu’il ne souhaitait pas qu’on puisse interpréter ses propos dans le sens où vous le faites.

    Je pense qu’il savait ce qu’il disait, car je pense qu’il assimile les profs de SES à des membres d’ATTAC. Le reste n’est que palabres, venant de quelqu’un qui s’est couché dès qu’il a vu que ses propos ont été sortis de la petite salle de réunion où ils ont été tenus.

    Enfin, quand Denis d’Une heure de peine écrit "ça fait toujours un adversaire de moins", son message "est agréable à lire", mais quand étonnée écrit "Quelqu’un prêt à défendre notre discipline est toujours mieux que quelqu’un qui ne cherche qu’à l’attaquer", vous adoptez un ton méprisant "En gros, tout le monde se réjouit que ”le vieux” ait ravalé sa langue"… Je vous ai connu moins partial et beaucoup plus pertinent : la mauvaise foi dont vous faites preuve ce soir ne peut apporter de crédit à vos propos.

    Ca fait deux fois que vous volez dans les plumes d’un rédacteur de ce site quand il ne dit pas tout le bien qu’il faudrait dire de ce que vous pensez être juste. Je vous retourne donc la volée de compliments que vous m’adressez ici.

  11. @ romain : "l’enseignement des SES : un enseignement pluraliste (on aborde les différents points de vue, justement, sur chaque problème), pluridisciplinaire (on ne fait pas de "l’éco", on étudie des problèmes en utilisant l’économie, la sociologie, un peu d’histoire, de la démographie, de la science politique, etc.) où on enseigne aux élèves la compréhension des grands mécanismes et des grandes questions économiques et sociaux."

    Vous savez quoi ? Je suis passé sur les bancs des SES au lycée, et très franchement l’économie qu’on y étudie n’a rien à voir avec l’économie que l’on étudie en fac. Je suis tombé de très haut en arrivant en L1…

    Vous vous targuez que votre matière soit pluridisciplinaire, mais vu la façon dont vous enseignez l’économie je crains pour les autres matières qui servent aussi en SES… D’ailleurs dendant mes deux années de SES (1ère et terminale) je n’ai jamais entendu parler de l’école de Chicago en sociologie, alors qu’elle est au moins aussi importante que Durkheim et compagnie…

    Lourd constat d’échec sur le caractère très partiel (motivée par des raisons idéologiques, culturelles, de fainéantise ou je ne sais quoi d’autre) des enseignements.

    Où je veux en venir ? L’objectif des SES que vous vantez est ma foi très noble. Malheureusement je crois qu’il donne aux lycéens une idée fausse du monde, parce que les outils qui sont sensés leur servir à décrypter ce monde sont des outils dépassés et/ou présentés de façon incomplète, si ce n’est partiale (souvenirs d’un prof affilié à la LCR dont le contenu de ses cours reflétait sans le moindre doute ses opinions politiques).

    Alors oui je suis d’accord avec tout le monde pour dire qu’il est nécessaire d’enseigner les SES au lycée, et si possible à tous les lycéens. Mais de grâce qu’on actualise les programmes pour les rendre plus cohérents avec l’état actuel des théories économiques…

    Un programme est un peu ce qu’on en fait. Et de nombreux profs de SES en font des choses bien. Agiter le chiffon rouge des programmes ne me semble pas nécessairement une bonne idée. Si vous voyiez le programme tant vanté par certains des STG en économie et ce qui en est fait le plus souvent…

  12. Oui, bien sur le communiqué est très langue de bois. Mais il fallait cela pour amener Rocard à changer sa position publiquement en sauvant la face. Oui, bien sur comme beaucoup, il croit encore sans doute aux quelques vieilles lunes concernant les SES. Mais c’est justement en luttant pied à pied publiquement et symboliquement, avec ce type de communiqués, que l’Apses pourra atténuer les dégats sur l’opinion occasionnés par les attaques répétées de groupes de pression autrement plus puissants comme l’IDE (cf Medef, voir ici :http://www.apses.org/spip.php?ar... ou là :http://www.apses.org/spip.php?ar... Nul besoin d’invoquer la sincérité dans ce genre d’escarmouches!
    Derniers points : je suis un lecteur fidèle de votre blog, et j’ai conscience que votre billet n’est pas si hostile qu’il n’y parait, juste un peu étonnant et rapide, ce qui justifie les précisions apportées sur la stratégie de communication de l’Apses (telle que je la perçois). Pas de rameutage organisé non plus, simplement une mention sur une liste de diffusion professionnelle…comme pour beaucoup de vos billets, ni plus ni moins.
    Bien cordialement !

    Je m’attendais plutôt à ce genre de réactions. Merci.

  13. @ ex-lycéen dépisté : je m’étonne que vous n’ayez pas entendu parler en SES de Howard Becker, d’Outsider, de la théorie de l’étiquetage et de l’interactionnisme symbolique… qui sont au programme et se rattachent à l’école de Chicago (ou à la tradition de Chicago si on veut être parfaitement rigoureux).

    Pour le caractère "très partiel", le temps consacré aux SES impose – comme à toute matière – de faire des choix. Ce n’est pas de l’idéologie ou quoi que ce soit, juste des questions de choix destinés à s’adapter aux élèves. Et franchement, présenter les éléments qui permettent de comprendre la théorie néoclassique et les néo/nouveaux/post keynésien, je n’ai pas l’impression que ce soit un crime par rapport à la discipline universitaire.

    Vous êtes tombé de haut en arrivant en L1 ? Je pense que ce n’est pas très différent pour le bachelier S qui s’inscrit en physique, en biologie ou qui arrive en école d’ingénieur. Il faut du temps pour bien acquérir une matière et arriver à intégrer ce qu’elle est et la façon dont elle fonctionne. J’ai compris ce qu’était la sociologie… un an avant de passer l’agrégation !

    De plus, comme j’ai déjà eu l’occasion de le défendre (uneheuredepeine.blogspot…. et uneheuredepeine.blogspot…. il ne faut pas juger un enseignement de lycée en disant qu’on ne sait pas tout ce qu’on y apprend à la fac : quoi de plus normal ? Les bacheliers qui s’inscrivent en histoire parce qu’ils avaient de bonnes notes au lycée s’exposent à de vives surprises quand ils se rendront compte de ce qu’est une vraie démarche historique et qu’ils auront à aller passer leur journée aux archives ! Et je ne vous parle même pas de ceux qui, inscrit en lettres modernes, vont devoir se confronter aux théories littéraires ou à des éléments de sémiologie.

  14. @romain : je ne pense pas que vous puissiez réduire vos classes de première et de terminale aux "lycéens" dans leur globalité, comme vous ne pouvez tirer de votre expérience personnelle une généralisation du prof de SES (communiste révolutionnaire et durkheimien). Dans les programmes actuels l’école de Chicago peut tout à fait être étudiée. Plus la seconde que la première, c’est vrai : stigmatisation, déviance, étiquetage, marginalité sont des notions que les élèves doivent impérativement connaître en 1ere et qui permettent d’aborder les travaux de E.Goffman et H.S.Becker.

    "très franchement l’économie qu’on y étudie n’a rien à voir avec l’économie que l’on étudie en fac." Est ce une critique ou un compliment ?? Plus sérieusement, l’enseignement d’économie dans certaines facultés est loin d’etre exempt de critique.

    @SM: "CCa fait deux fois que vous volez dans les plumes d’un rédacteur de ce site quand il ne dit pas tout le bien qu’il faudrait dire de ce que vous pensez être juste."…
    1) Je crois que c’est le principe du débat contradictoire, celui qui fait avancer les choses. A dit quelque chose, B considère que A se plante, B argumente, A répond… Bref, on a réussi a faire avancer la connaissance en faisant des trucs comme ça, des fois c’est pratique.
    2) Combien de fois ai-je laissé des commentaires positifs ?? Peut-être 20 fois plus ! C’est pas très honnete ça. Si les lecteurs ne servent plus qu’à dire qu’ils sont d’accord, c’est plus rigolo.

    Non, non, justement… Ce que je vous reproche, c’est de rentrer dans le lard avec des arguments que je n’ai pas employé à votre encontre. Relisez votre commentaire, vous comprendrez. Pour le reste, j’ai une idée assez précise des lecteurs fidèles et intéressants. Mais si vous me tombez dessus, je ne vois pas pourquoi je m’embarasserais…

  15. @ Une heure de peine : ni Becker, ni Goffman ni le reste, rien de tout ça au lycée… C’est en cours (optionnel) de socio de L1 (en fac d’éco) que j’ai appris l’existence de ces sociologues et de leurs théories (très intéressantes, au demeurant).

    Ce que je reprocherais surtout aux SES du lycée c’est de systématiquement opposer les "libéraux" aux "keynésiens" alors que le paradigme dominant en économie fait un peu (voire beaucoup) la fusion de ces deux courants. Certes il y a des divergences entre les deux, mais ces divergences marginales ne doivent pas masquer les convergences qui dépassent et de loin ces divergences…

    Bien sûr ke ne reproche pas aux SES de ne faire que survoler les différents sujets approchés : ils sont nombreux, le temps manque ; l’équation est difficile à tenir, je comprends parfaitement. Mon seul reproche est de véhiculer une vision passéiste des théories économiques (untel s’oppose à untel) alors qu’une vision plus juste (et à mon sens plus constructive) c’est plutôt "machin a dit ceci, et bidule a enrichi"… Les grands débats homériques tiennent plus de la légende et du glamour que de la réalité "quotidienne" de la théorie économique…

  16. @ ex-lycéen dépité : vous m’étonnez et vous démontrez votre ignorance des programmes de lycée. Becker et Goffman sont traités en en classe de 1ère dans le thème du contrôle social.

    Mais peut-être que votre prof n’a pas eu le temps nécessaire pour traiter l’intégralité du programme, ce qui est probable.

  17. @ Gros Nicolas : je ne suis pas prof, et je ne connais des programmes que ce qu’on m’en a appris… Alors soit mon prof n’a pas eu le temps de traiter, ce que vous pensez être probable, soit et moi ça me semblerait là plus probable, il ne l’a pas fait pour des raisons idéologiques. Je ne réduis pas les profs de SES à de sales idéologues, mais celui que j’ai eu en première en était un… Ca pourrait expliquer…

  18. @Gros Nicolas : Oui, des auteurs et concepts essentiels sont dans les programmes… ce qui ne signifie pas qu’ils sont effectivement traités.

    Sur mes classes de L1 d’économie, tous les élèves de SES ont vu les théories marxistes, la moitié seulement ont entendu autre chose des libéraux post-Smith que « méchant pas beau ». J’en déduis, sur un échantillon non-représentatif, qu’une partie des enseignants de SES font bien leur boulot, et que l’autre moitié est biaisée dans un sens très net.

    Ce n’est d’ailleurs par forcément le cas que dans le secondaire. Après avoir consacré une heure à expliquer à mes étudiants que le BIP 40 était un indicateur qui n’indiquait que les préjugés de ceux qui l’ont construit (voir le billet d’Antoine sur Optimum), j’ai appris qu’un enseignant leur en avait dit monts et merveilles comme la vraie et authentique mesure des inégalités…

  19. @ ex-lycéen dépité : je ne suis pas vraiment d’accord avec toi pour dire qu’enseigner le débat théorique, ce serait forcément être un vieux schnock (commentaire d’une prof de SES, bien entendu). Il se trouve, me semble-t-il, que ce qui caractérise les sciences sociales (dont l’"éco" fait partie, non?), c’est justement le fait qu’elles se contruisent dans le débat, par la réfutation d’hypothèse, et la confrontation de analyses théoriques autour d’un réel inépuisable. Et je ne pense pas qu’un prof de SES te soutiendra que l’opposition keynésiens/néo-classiques est encore d’actualité. N’empêche qu’elle permet encore de penser toute une série de questions, et qu’il est difficile de la déconstruire au vu des débats contemporains, si on ne l’a pas construite au préalable. Bref, ne plus enseigner le débat, c’est à mon avis faire de l’économie une science exacte, ce qui est peut être ce qui est fait à la fac, et dans ce cas je me demande où est le problème…
    Donc encore heureux qu’on enseigne des vieux débats, parce qu’ils sont fondateurs, et permettent d’éclairer la réalité économique et sociale. Quant aux courants de pensée non étudiés…je te répondrais que les SES n’ont jamais eu vocation à être un cours d’histoire de la pensée économique et sociale exhaustif, les auteurs viennent nous aider à répondre à une problématique, d’où des choix, bien sûr, qui diffèrent d’un-e enseignant-e à l’autre…

  20. @ ex-lycéen
    Peut-être, il y a bien sûr quelques collègues (et pas qu’en SES) qui oublient leur devoir de réserve.

    Mais pourquoi censurer l’école de Chicago ? Franchement (et ce n’est pas contre vous) je ne "vois" pas.

  21. @ Gros Nico : en fait ce prof a passé beaucoup de temps à nous faire une analyse marxiste de la société. Alors je ne dis pas qu’il faut ignorer Marx, bien sûr, mais le temps que ce prof a pris pour faire du marxisme (de bas étage le plus souvent) c’est du temps qu’il n’a pas pris pour faire le programme officiel… Dommage, parce que j’aurais bien aimé étudier Goffman et compagnie au lycée…

    @ Jeune Shnock : "Il se trouve, me semble-t-il, que ce qui caractérise les sciences sociales (dont l’"éco" fait partie, non?), c’est justement le fait qu’elles se contruisent dans le débat, par la réfutation d’hypothèse, et la confrontation de analyses théoriques autour d’un réel inépuisable."

    1) C’est pareil pour toutes les sciences, dures ou molles 2) J’ai la faiblesse de croire qu’avant de critiquer une chose il faut tout simplement la connaître. Et c’est pas avec trois heures de SES par semaine qu’on va y arriver (sans compter que bon nombre de lycéens s’en fouttent — je constate sans juger)…

    Dire aux lycéens qu’il a existé des débats entre keynésiens et libéraux est une chose, et je dirais même que c’est une chose saine ; mais faire de ces lycéens des parties prenantes à ce débat, à mon sens c’est déplacé (pour la raison que j’évoquais plus haut).

    Demande-t-on à des lycéens en S de choisir entre la théorie de la relativité et la théorie quantique ? Non, et pourquoi ? Parce que la réunion de ces deux théories est affaire de spécialistes. Là c’est exactement la même chose : les implications théoriques du débat "keynésiens vs. libéraux" sont tellement complexes, je pense, qu’un lycéen de 15 ans n’est pas en mesure de se prononcer là-dessus. Il n’est pas en cause lui personnellement, mais à cet âge-là il manque probablement un peu de maturité et surtout beaucoup de connaissances pour parvenir à une maîtrise cohérente de ce débat…

    Et faire de l’économie uniquement au travers du débat "keynésiens vs. libéraux" me semble réducteur, car c’est faire l’impasse sur bon nombre d’apports théoriques (notamment microéconomiques) qui peuvent se montrer particulièrement éclairants dans notre société actuelle.

    Bref, présenter l’économie sous l’angle "keynésiens vs. libéraux" me semble franchement partiel, et surtout un peu trop optimiste pour le public concerné…

  22. @ Jeune Schnock : vous dites : « Et je ne pense pas qu’un prof de SES te soutiendra que l’opposition keynésiens/néo-classiques est encore d’actualité. »

    J’ai deux exemples de professeurs de SES qui l’ont fait et le font encore, des deux enseignants en classes préparatoires dans un grand lycée parisien, l’un dirigeant même un manuel de SES pour les classes de terminale. Il faut dire que j’ai entendu dire la même chose de la part d’un « vieux maître de conférences » [sic] de l’université où je donne des cours.

    Je crois donc que vous vous faites quelques illusions sur la capacité à certains enseignants de SES et d’économie à livrer des combats que l’état de la recherche a depuis longtemps dépassé.

  23. @ ex-lycéen dépité : vous ne trouvez pas ça beau, quand même, tous ces profs de SES qui vous tombent dessus pour, en fait, "récupérer" un élève ? C’est quand même un magnifique exemple d’abnégation.

    Plus sérieusement, je pense que le débat néo-classique vs. keynessien a certaines vertus pédagogiques : en amenant les élèves à y "prendre part" (à se répondre entre eux, dans la classe, en défendant chacun une des positions), on les initie au débat scientifique, à la discussion raisonnée, à l’argumentation, etc. Bref, aux sciences et aux sciences sociales. Choses qui me semblent infiniment plus importante que tout le reste, théories précises, faits, etc. Si on arrive à convaincre nos élèves de l’utilité des sciences sociales – ce qui peut se manifester par la simple inscription dans un parcours de sciences sociales – c’est déjà pas mal.

    @ Matthieu P. : je crois que vos déductions sont un peu trop rapides. Il peut en effet y avoir une "variable cachée" : une partie de vos étudiants a peut-être retenu "Smith = libéral = pas beau", mais peut-être parce qu’ils avaient déjà le segment "libéral = pas beau" avant d’arriver en SES. Leur enseignant a pu leur présenter Smith de façon correcte en signalant qu’il est libéral, et cette information s’est intégré à leurs représentations avec l’autre information "libéral = beurk". Les souvenirs de ce qu’ils ont vu en cours et de ce qu’a dit le prof peuvent être particulièrement étonnant… Si vous saviez ce que je retrouve dans mes copies…

    Bref, les profs de SES ne sont pas forcément biaisé : par contre, le reste de la socialisation d’un lycéen peut l’être.

  24. Mathieu, je pense que nous avons connu (plus ou moins bien) les mêmes professeurs. L’un est parti à la retraite il y a plusieurs années déjà (et avait quand même parlé de l’entreprise 4 mois dans l’année, soit dit en passant), l’autre sans être vieux n’est plus tout jeune (qu’il me pardonne) et je ne crois pas qu’il présente l’oppositions keynésiens/classiques comme d’actualité, ou alors il a changé depuis que vous l’avez eu. J’ai enfin bénéficié d’un professeur de Terminale à tomber par terre (aux deux sens du terme – aaaaah… ses abdos de rêve). Bref, j’ai plus vu Marx en philo qu’en SES.

    Pour la "variable cachée", il me semble l’avoir déjà évoquée sur votre blog : n’avez-vous pas des étudiants d’AES ?

    Enfin, signalons que je vois très souvent passer des élèves en maths qui me soutiennent ne jamais avoir rencontré les probabilités conditionnelles en terminale, alors que c’est explicitement au programme et que j’ai bien du mal à croire que les profs le zappent. Le manque de bol, ça existe. L’oubli, ça existe aussi. Et l’esprit critique, ça devrait exister.

    Une ex-lycéenne pas dépitée du tout. Mais alors, du tout.

  25. @ Une heure de peine : croyez bien que je les ai cuisinés pour comprendre l’origine de leur biais antilibéral. Je ne pense pas mettre en avant le biais de certains enseignants à la légère. J’ai vu des parties de leurs cours de lycée sans ambiguïté sur la question.

    Il s’y ajoute mon expérience personnelle, ainsi que des conversations avec les candidats à l’agrégation de sciences sociales (et certains de leurs enseignants).

  26. J’essaye de me tenir au courant des recherches récentes en économie. J’ai pourtant du mal à comprendre en quoi le débat keynésien/néo-classique est dépassé.
    Par exemple au niveau de la théorie du chômage: d’un coté une insuffisance de la demande, de l’autre un cout du travail trop élevé. Qu’est ce qui est dépassé dans ce débat?
    D’autres théories ont été développées, d’autres explications ont été données, mais je n’ai pas l’impression que l’opposition keynes/néo-classique soit a classé dans l’histoire de la pensée économique.
    Quel épisode j’ai loupé?

  27. Jo : Au débotté et sans réfléchir, vous avez loupé la mode des modèles de recherche d’emploi à la Pissarides, dont il a été question sur ce même blog :
    econoclaste.org.free.fr/d…

    Sinon, qu’une fois les deux analyses posées, ce n’est plus une question théorique, mais une question empirique. Et la réponse est : les deux mon capitaine, cela dépend des situations. Ce n’est dès lors plus une question de recherche, mais de diagnostic. Mais allez faire comprendre à des français que la valeur logique d’une proposition peut être différente selon les contextes, et qu’on ne soigne pas un rhume néoclassique à coups d’antibiotiques keynésiens…

  28. @Mathieu P. :

    Je crois que je vois de quel auteur de manuel vous voulez parler. A mon avis de deux choses l’une : soit il a changé de discours en quelques années, soit vous n’étiez pas très attentif. Je l’ai entendu dire au contraire de nombreuses fois qu’il fallait surtout éviter de présenter les théories comme forcément "néoclassique" ou "keynésienne" et qu’aujourd’hui les deux se confondaient largement dans une même synthèse. Après allez présenter à la suite le modèle ISLM et la théorie du revenu permanent sans indiquer qu’il ne s’agit pas exactement du même cadre de pensée, vous perdrez tous les élèves d’un coup. On peut aussi choisir de n’enseigner que la "recherche récente" qui a "dépassé" ces oppositions, mais est-ce bien le but de l’enseignement des SES au lycée et en prépa ? A voir le nombre de gens même dans des masters sérieux qui ignorent Marx ET Smith ET Keynes ET tous les autres économistes d’ailleurs parce qu’ils ne sont passés ni par une licence d’éco où il y a de l’HPE ni par ES ni même par une prépa ECE ou BL, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment souhaitable.

    Par ailleurs cette opposition est-elle aussi vaine et résolue qu’on aime bien le croire ? Peu de divergences dans les travaux sans doute (encore que, les postkeynésiens existent aussi après tout), mais je pense que si vous parachutez de nuit des économistes armés dans un bois, "néoclassique" et "keynésien" resteront des signes de reconnaissance assez efficaces.

  29. "et qu’on ne soigne pas un rhume néoclassique à coups d’antibiotiques keynésiens…". Tiens, c’était précisément un sujet de bac (illustré par de nombreux documents mettant en avant, par exemple, l’échec de la relance Mitterrand ou de la politique Hoover). Et un copain a eu 5 pour avoir dit que les recettes keynésiennes marchaient à tout coup. Serait-il tombé sur le seul professeur un peu objectif de l’Education Nationale ? Pas de bol…

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