Le CPE est vraisemblablement un pas vers la fin du CDI tel qu’on le connaît actuellement. Si l’on en croit les milieux bien informés, la prochaine étape de la remise à plat, récusée mais effective, du droit du travail serait la généralisation de la période d’essai de deux ans, au sein d’un contrat unique. Exit donc les CDI d’antan. Exit aussi les CDD. CNE et CPE pour tous, en quelque sorte. Bien incapable et donc peu enclin à prévoir le succès ou l’échec de la mesure sur le taux de chômage, j’ai néanmoins relevé une confusion qui m’ennuie. Etonnant, n’est-ce pas, ce pays où finalement, quand une mesure de politique de l’emploi est retenue, les discours portent sur tout sauf son efficacité (Alexandre s’en est récemment ému).
Add : un court texte de Blanchard qui illustre une des orientations évoquées dans ce billet.
Je lis ici ou là la référence aux rapports Camdessus ou Cahuc & Kramarz. Citer ces contributions a certes un sens, puisque les deux pronaient une simplification du droit du travail au travers d’un contrat de travail unique. Mais cet amalgame a des limites. Le message du rapport Cahuc & Kramarz, en particulier l’énoncé de la proposition d’unification du contrat de travail, n’a que peu de liens avec le schéma d’ensemble que propose le gouvernement actuel (je propose au lecteur de relire cette proposition exprimée à la page 156 du rapport). Il n’est pas inutile de reprendre les données basiques du problème.
Qu’est-ce que le CPE, le CNE (et probablement un CDI rénové par le gouvernement Villepin) impliquent ?
1 – Autorisation de licenciement : elle est libre pendant deux ans. Au delà, on retombe dans une logique classique.
2 – Coûts du licenciement pour l ‘entreprise : assez faible globalement. Il se limite à une indemnité de licenciement (8% des salaires bruts versés) , qui est globalement moins avantageuse que celles attachées au CDD (prime de précarité de 10%), ainsi qu’une contribution modeste (2% des salaires versés) à l’ASSEDIC (vous aurez noté que les deux font 10%).
Que proposent Cahuc, Kramarz et d’autres (tels Tirole & Blanchard) ?
1 – Autorisation de licenciement : libre en permanence. Pouvoir de gestion complet pour l’employeur.
2 – Coût du licenciement pour l’entreprise : Important. Il est constitué de deux éléments. Le premier est une indemnité de licenciement, sensiblement équivalente à l’actuelle, au moins dans le principe. Elle vise à réparer le préjudice matériel et psychpologique subi par le salarié. Elle est fonction de l’ancienneté. La seconde est une taxation du licenciement, via la participation de l’entreprise au paiement des indemnités de chômage du salarié licencié. Rappelons l’objectif : en responsabilisant les entreprises sur les conséquences sociales de leurs actes et en les laissant libres de licencier ou non, on obtiendrait des créations et destructions d’emplois plus proches d’un “optimum social” (au sens économique du terme).
Le CNE / CPE / … n’a que quelques ressemblances avec ce qui était proposé par ces auteurs. Voici ce que Pierre Cahuc dit d’ailleurs au sujet du CPE : dans le Point ” Il va y avoir une hausse des créations d’emplois, mais aussi une hausse des destructions d’emplois, (…) L’incitation sera forte de se séparer des gens au bout des deux ans. Au total, l’effet sur l’emploi devrait être positif, mais faible. En revanche, l’efficacité serait bien meilleure si on supprimait cette durée de deux ans”.
Disons le clairement, pour moi, ce n’est absolument pas la même chose. Il y a d’une part un type de contrat qui précarise potentiellement certains salariés et crée potentiellement une incitation à l’embauche, mais sans garantie spécifique et avec repas gratuit assuré pour les entreprises. Aucune incitation véritable. De l’autre, il y a une réforme globale du système qui présente comme inconvénient majeur de ne pas être encore au point et de souffrir de certaines zones d’ombre (revoir les aspects tangents évoqués par Blanchard et Tirole, par exemple), mais offre des perspectives intéressantes dans la voie de la désormais sacrosainte “flexsécurité”. Mais il est trompeur de les confondre. Or, j’ai le sentiment que c’est le cas de beaucoup de gens, qui les rangent dans une même famille de propositions. Ce qui n’est faisable qu’à la marge, à mon sens.
Un indice me fait songer que le contrat unique est bien en route. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le CPE a de bonnes raisons d’être particulièrement mal perçu par les jeunes les plus qualifiés. Car il faut, une fois de plus se souvenir que les jeunes en difficulté sont surtout les jeunes non qualifiés. Les diplômés s’en sortent relativement mieux et, dans l’ensemble, de façon tolérable. Même si à divers égards ils n’ont pas à craindre plus qu’avant le chômage, avouons que l’effet psychologique de la mesure CPE doit être “moyen moins”. Sans parler de ceux qui vont se faire effectivement lourder sans ménagement et qui n’auront peut-être pas la prévenance de l’observateur extérieur statisticien (qui se soucie peu des histoires individuelles). Or, ce malaise, y a-t-il meilleur moyen de le dissiper sinon que d’étendre à tous les salariés sans distinction d’âge, de taille d’entreprise, etc. cette période d’essai de deux ans ?
Dernière remarque : il y a quelques temps de cela, je disais qu’il n’y avait pas de problème de chômage des jeunes en France, mais un problème de chômage tout court (c’était dans un billet qui doit être dans les archives égarées de l’ancienne version du blog). Eh bien, je suis tout heureux d’avoir lu sous la plume de Blanchard ou de Phillipe Waechter et entendu (par je sais plus qui, un gars de l’OFCE à la télé je crois) ce que je disais voici quelques mois.
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