Acheter local?

On peut certainement retirer un grand plaisir à aller acheter sa nourriture dans un petit marché fournissant les productions locales, ou à aller s’approvisionner directement dans une ferme avoisinante. Lorsque ce plaisir devient un devoir, sous prétexte de réduire son “empreinte carbone” en refusant d’acheter des produits ayant parcouru des milliers de kilomètres en porte-conteneur ou en avion, par contre, c’est beaucoup plus douteux, comme l’indique C. Blattman.

En pratique, le transport international des produits alimentaires ne représente qu’une partie minime des émissions générées par le secteur agricole; pour le transport des marchandises, l’essentiel des émissions provient des déplacements effectués par le consommateur entre le point de vente au détail et son domicile. De ce point de vue, le consommateur qui va visiter de nombreux agriculteurs locaux pour s’approvisionner va générer beaucoup plus d’émissions de gaz à effet de serre que celui qui va acheter des fraises néo-zélandaises au supermarché (en même temps que beaucoup d’autres produits). Il ne faut pas oublier non plus qu’il vaut mieux faire pousser les produits agricoles là où les conditions climatiques sont les plus favorables : produire 12000 roses au Kenya émet 6 tonnes de CO2, contre 35 en Hollande, où les roses sont produites dans des serres chauffées. Importer des roses kenyanes par avion est au total beaucoup moins polluant que d’acheter des roses hollandaises.

Enfin, une fois les produits achetés, il faut encore les consommer. Si l’on a l’intention de cuire des pommes de terre à l’eau, dans une casserole sans couvercle, autant aller directement au drive-in du macdonalds le plus proche si l’on tient vraiment à minimiser son empreinte écologique.

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Alexandre Delaigue

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14 Commentaires

  1. L’idée que la hausse des prix du pétrole va conduire à rapatrier dare dare la production industrielle partie en Chine est une tarte à la crème des interventions sur les divers sites ou blogs
    Jamais je n’ai vu dans ce genre de commentaires le début du commencement du calcul de la part du transport dans le prix des objets produits, part qui varie par nature selon le prix au kilo de l’objet considéré

  2. Dans la même logique, je me suis "toujours" demander si il était plus écologique d’acheter des tomates bios marocaines ou des "normales" de notre cher Sud-Ouest, ou plus géneralement à partir de quelle distance l’impact écologique du transport est plus importante que celle des pesticides.

    D’après les propos que vous relayez il serait donc préférable en règle général d’importer du bio alors?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Disons que la distance parcourue par un produit avant d’arriver chez le détaillant, étant donné son faible poids, est un facteur extrêmement mineur. Donc oui, a priori. Maintenant, la réponse complète de l’économiste, c’est que le meilleur moyen de le savoir, c’est que le prix des choses inclue leur coût environnemental; donc, très simplement, que les carburants soit tous taxés à hauteur de leurs émissions au moment où ils sont utilisés. cela pose de redoutables problèmes pratiques, mais c’est infiniment plus rationnel que de simplement chercher à se sentir bien en s’attachant à des choses symboliques.

  3. L’achat local s’accompagne generalement du principe de l’"achat de saison" : pas de fraises ni de roses en hiver.

    Est ce qu’au printemps acheter des roses de Hollande a toujours une empreinte ecologique plus importante que des roses du Kenya?

  4. De toute manière, courber l’échine sous le dogme de la consommation écologique ne m’a jamais vraiment séduit.
    L’écologie c’est bien, mais j’ai comme l’impression que les mesures ne sont pas vraiment appropriées.
    Quand on entend parler de l’étiquetage vert et autres chiures de mouches empreintes d’inanité, il y a de quoi se gausser.

    Marre de cette logique de victimisation du consommateur. Pour ma part et pour j’imagine tant d’autres, le premier réflexe restera celui de lire le prix sur l’étiquette et non pas la quantité (chiffrage pertinent?) de CO2 émise.
    Arrêtons de vouloir tout taxer, de nous prendre pour des cons et de nous seriner les "mange au moins 5 fruits et légumes par jour" et réfléchissons aux vrais dérives de notre société!

    Je ne sais pas vraiment si un changement de comportement est possible et si nous n’avons pas d’ores et déjà atteint un point de non retour pour la planète, mais selon moi une chose est sûre: oui aux AMAP, non à la victimisation du consommateur.

  5. "De ce point de vue, le consommateur qui va visiter de nombreux agriculteurs locaux"

    En pratique, les productions locales sont soit livrés au marché, dans distribués dans des cadres rationnalisant le transports (associations, distribution spécialisée, etc.)

    Par ailleurs, au prix actuel du gaz (qui, bizarrement, ne semble pas descendre aussi vite que celui du pétrole…) la chaleur utilisée pour la cuisson est soit minimisée, soit utilisée par ailleurs pour se chauffer.

    Maintenant, il ne faut pas trop se faire d’illusions : acheter la productuion paysanne locale, c’est souvent soit payer beaucoup moins cher, soit obtenir une qualité de produit introuvable dans la grande distribution.

  6. Article très intéressant qui me pousse à réflexion, étant un écolo convaincu.
    A la lumière des éléments que vous présentez, que penser des amap? Et que penser de l’agriculture répartie entre tout un tat de petit producteur?

    Ne vaut-il pas mieux une production industrialisée dans les régions du monde les plus fertiles pour que l’impact environnemental de l’agriculture diminue? C’est pas très réjouissant…

  7. @Romain 4 :
    Effectivement dis comme ca "courber l’echine sous le dogme de la consommation ecologique" c pas tres seduisant. Il s’agit pas de victimisation (je suppose qu’en fait vous vouliez dire culpabilisation mais bon…) du consommateur mais de responsabilisation.

    Pour certains achats savoir l’emission de CO2 la maniere dont ils vont etre recyclés est une information pertinente. Meme si le prix est superieur.

    "mange au moins 5 fruits et légumes par jour" n’a rien a voir avec l’ecologie. c de sante qu’on parle.

  8. Le coût du local est facilement baissé quand on fait venir le producteur aux consommateurs. Des associations existent qui permettent de mettre à disposition des denrées locales sans dépenser l’essence de tous les consommateurs.
    Pour donner un exemple, dans une de ces assos, j’achète des patates bio + locales pour 0,90€ le kilo.
    Et donc avoir une attitude écologique c’est pas juste prendre sa voiture pour faire le tour des producteurs, c’est rencontrer les autres consommateurs pour trouver un moyen de consommer ensemble : ça peut être sympa de faire une petite rando à vélo (avec des sacoches) le WE pour aller voir le producteur avec ses voisin, ou d’aménager un garage en ville où le producteur viendrait apporter ses produits, et où les consommateurs pourraient venir à pied.

    Et je suis aussi d’accord avec Jo, l’argument des roses de hollande (en même temps c’est con de faire pousser des trucs si c’est pas pour les bouffer) est bancal, si on dépense autant pour faire pousser des fleurs en hiver, c’est parce que les consommateurs veulent des roses en hiver. (Ils devraient attendre le printemps pour être romantiques)

  9. Bon ben moi, je vais faire mes courses à pieds, j’achète local, et j’achète de saison (et je n’ai pas de voiture). J’ai bon ? Mon empreinte carbone est vraiment limitée?

    Bon parce que comparer l’achat de tomates marocaines, qui ne contiennent que de la peau, de l’eau et des pépins sans aucune chair et des tomates locales, certes disponibles seulement deux mois par an, mais qui apportent une vraie utilité au niveau du goût et de la nutrition, cela n’a pas grand sens.
    Entre payer pour avoir une désutilité et payer pour avoir une véritable utilité, l’optimisation des ressources est assez facile à faire. Ce qui est curieux, c’est que la majorité des consommateurs ne font pas ce calcul.
    Evidemment le calcul n’est pas le même pour les produit "exotiques" particulièrement difficiles à produire sous nos climats.

  10. Tout comme, Jo, je suis de l’avis qu’il ne faut pas ne garder qu’un seul slogan : il ne s’agit pas seulement d’acheter local mais aussi acheter de saison (et pourquoi pas bio ou raisonné si possible, l’empreinte carbone des pesticides étant elle aussi énormes).
    Pour ma part, produire des roses dans mon jardin a une empreinte carbone rigoureusement nulle puisque je n’ai pas le temps de m’occuper de mes rosiers, qui dit mieux ?

    En revanche, merci de rappeler l’impact de la cuisson, il est vrai qu’on a tendance à un peu oublier l’énergie qu’on y laisse.

  11. "Si ton voisin le produit mieux et pour moins cher, laisse-le faire" c’est dans Adam Smith il me semble.
    C’est ce qui semble ressortir de tout ces articles.
    Merci pour cet éclaircissement qui tord le coup a pas mal d’idées reçues…
    Finalement, l’argument de manger des produits de saison tombe a l’eau puisqu’on peut parfois le faire venir d’un pays ou c’est la saison.
    Un étiquetage des produits en fonction de leur consommation d’énergie requise pour les produire c’est une bonne idée en effet (comme pour l’electro ménager en quelque sorte)

  12. Je reviens de Colombie et d’Equateur, deux très gros exportateurs de fleurs coupées. Et ce n’est pas précisément l’hiver par là-bas. Des fleurs en hiver ? Quelle horreur ! On n’est pas sur terre pour rigoler, tout de même ! Et quand le soleil se couche, on se couche aussi ; normal, quoi ? J’avais évoqué cette problématique il y a qq temps :
    revereveille.over-blog.co…

  13. Autre considération : dans une petite collectivité rurale, où les élus ont notamment pour préoccupation de faire vivre leur territoire, encourager une consommation locale revient à encourager des emplois locaux.
    Un exemple concret : l’approvisionnement des cantines scolaires du territoire se fait majoritairement avec des produits venant d’agriculteurs locaux + repas bio deux fois par semaine.

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