Note de lecture


La régionalisation de l’économie mondiale
Jean Marc Siroën (2000)

Dans cet ouvrage, Siroën fait le point sur la régionalisation. Il ne se contente pas d’exposer les théories de l’intégration régionale, ni de décrire simplement les accords régionaux dans une perspective historique ou prospective. Son travail relève à la fois du manuel et de l’essai. C’est un manuel dans la mesure où le panorama des théories sur la question est large et synthétique. Et il s’agit d’un essai compte tenu d’une perspective qui se veut critique.
Il part de considérations générales sur les accords régionaux, afin de resituer la problématique dans le contexte actuel. Puis il s’intéresse à la théorie de l’intégration commerciale régionale, en se concentrant sur le cas de l’union douanière. Il fait le point sur l’état des savoirs concernant les effets sur le bien-être de tels arrangements. De Viner à Krugman, le tableau est plutôt complet et bien ficelé.
Vient ensuite l’analyse des liens entre régionalisme (ou accords préférentiels) et multilatéralisme (ou accords d’ouverture généralisés). Le régionalisme nuit-il à la coopération au niveau mondial ? Conduit-il à une guerre des blocs ? Les négociations géographiquement limitées et les accords préférentiels sont-ils un complément nécessaire, au moins temporairement, au multilatéralisme ? S’agit-il d’une étape intermédiaire avant un libre-échange mondial équilibré ? Il en ressort que les liens entre régionalisation et mondialisation ne sont pas systématiques. Le libre-échange mondial sert de norme de référence en matière de bien-être. Et de ce point de vue, sa réalisation peut être favorisée comme entravée par un processus concomittent de régionalisation. Les gains à attendre de l’un ou de l’autre ne sont pas forcément identiques selon les pays concernés, leurs stuctures économiques, instiutionnelles etc. Globalement, il y aurait plus de complémentarités entre les deux que d’incompatibilités.
L’explication de la formation des accords régionaux ne s’arrête pas là. Constatant que dans les faits, un optimum social de type néoclassique n’est pas le seul déterminant de la création d’accords régionaux, l’auteur présente ce qu’il est convenu d’appeler l’ “économie politique des accords régionaux”. Les dirigeants font des choix qui dépendent de la satisfaction de groupes d’intérêt (consommateurs, exportateurs, importateurs etc.) ainsi que de la “société civile”. Or, ceci ne conduit pas nécessairement à suivre à la lettre ce que les théories usuelles suggéreraient. D’un point de vue théorique, la modélisation est assez avancée en ce qui concerne la représentation des groupes de pression. En revanche, en ce qui concerne la société civile, elle ne parvient pas véritablement à la cerner.
Une façon de le faire, et de redéfinir alors la problématique des accords régionaux, est de se demander si le processus de régionalisation n’est pas déterminé par la production de biens publics à l’échelon géographique le plus pertinent. Que ce soit les infrastructures, la monnaie, les normes, règles etc. la création d’un espace régional (ou mondial) donné dépendrait alors des préférences des populations des “régions” à unifier et des coûts de production des biens publics à chaque niveau.
Pour finir, Siroën aborde la question de l’intégration économique et monétaire. En se concentrant largement sur le cas de l’Union Economique et Monétaire, il résume rapidement les principales analyses théoriques sur la question des zones monétaires optimales. Très critique vis-à-vis de ces théories, mais surtout de ceux qui les brandissent comme une Bible, il fait remarquer que chacun peut y trouver des arguments pour conclure ou non à l’optimalité de la Zone Euro. Il ne manque pas de rappeler que la définition d’un système de change équilibrant n’est pas aussi évidente que ce qu’on l’entend parfois, s’appuyant sur le concept de triangle d’incompatobilité. Il regrette également que la dimension de bien public de la monnaie ne figure pas dans les thèses mises en avant.
Ce livre n’est pas du tout formalisé. Il est très clair et fait office de vulgarisation de bon niveau sur le sujet. Je pense qu’on peut le recommander à tous ceux que le sujet intéresse. A l’attention des néophyes cependant, bien qu’il les évoque et bien que le titre le laisse facilement supposer, il ne traite pas des théories du commerce international in extenso.
Stéphane Ménia
28/12/2000

Jean Marc Siroën, La régionalisation de l’économie mondiale. , La découverte, 2000 (7,55 €)

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