Note de lecture


Richesse et pauvreté des nations
David Landes (2000)

L’auteur l’indique dès la préface : son objectif en écrivant ce livre est de décrire l’histoire du monde, rien de moins. Ou plus précisément l’histoire du développement économique, afin de répondre à cette question : comment le monde en est-il arrivé au point atteint aujourd’hui? Et pourquoi certaines nations (minoritaires) sont-elles devenues riches, alors que d’autres (majoritaires) restaient pauvres?
Contrairement à d’autres ouvrages d’histoire économique, visant plus l’accumulation des faits et des données, comme celui de Bairoch, ou “l’économie mondiale” de Maddison, et réduisant l’analyse à la portion congrue, l’ouvrage de Landes vise à l’illustration historique d’une thèse très forte.
Quelle est cette thèse? Landes veut tout d’abord réhabiliter la géographie. Les conditions naturelles expliquent en grande partie les capacités au développement économique : un climat chaud et humide accroît la pénibilité du travail, favorise les maladies, influe sur les récoltes. Est-ce un hasard s’il n’y a aucun pays développé dans la zone intertropicale? Mais surtout, Landes fait sienne la thèse de Max Weber dans “l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme”. Selon Weber, ce n’est nullement un hasard si le capitalisme a été inventé par des protestants. Les valeurs puritaines des protestants étaient en effet un terrain très favorable à l’éclosion du développement économique. Cela ne signifie pas, comme les lecteurs hâtifs de Weber ont pu le penser, que les autres religions et cultures sont condamnées. Lorsque le capitalisme est inventé, tout le monde peut l’adopter (voir à ce sujet son “confucianisme et taoisme”). Weber nous rappelle seulement que face au développement économique, la culture compte et n’est pas neutre.
Landes suit Max Weber. L’un des chapitres les plus intéressants de son ouvrage est probablement le chapitre 15 ou il dresse le “portrait robot” d’une nation à même de se développer, et répond ainsi à la grande question : pourquoi l’Europe s’est-elle développée, et pourquoi plus spécialement la Grande-Bretagne en Europe? Il met alors l’accent sur les institutions politiques, la culture nationale, propres au développement. Et prend le contrepied de tout un courant qui cherche à démontrer que toutes les cultures se valent, que le fait que le capitalisme soit né en Europe n’est qu’un hasard, qu’il aurait fort bien pu apparaître dans une autre région du monde. Pour Landes il ne s’agit en aucun cas d’un hasard. Landes s’oppose aussi aux diverses thèses tiers-mondistes ou orientalistes visant à expliquer le sous-développement par l’exploitation des pays pauvres par les pays riches. Cette exploitation (par l’esclavage, la colonisation) est un fait mais ne saurait expliquer le sous-développement : le mal était (et reste) plus profond, dans les cultures des pays, rétives au développement.
Selon Landes, au “palmarès” du développement économique deux pays méritent la palme : les Etats-Unis et le Japon. Il montre fort bien comment ces deux pays ont su réussir, ce qui dans leurs cultures nationales était favorable.
La thèse est forte on le voit, et le lecteur ne pourra s’empêcher, à certains moments, de trouver Landes excessif, et trop affirmatif. Il est cependant impossible de ne pas être fasciné par ce vaste panorama de près de mille ans d’histoire, l’érudition de son auteur, et la force de son argumentation. Ceci d’autant plus que l’ouvrage est très facile et agréable à lire, tout en restant très rigoureux et profond. Une excellente lecture donc, à recommander à toute personne intéressée par l’histoire et la question du développement économique.
Alexandre Delaigue
09/11/2001

David Landes, Richesse et pauvreté des nations. , Albin Michel, 2000 (29,93 €)

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