Chaque année, je ne regarde pas les voeux du chef de l’État à la Nation. Mais depuis deux ans, je lis le résumé de Libé en rentrant chez moi l’année d’après. Et je commente.
François, lorsque tu nous dis que la crise s’est «révélée plus longue, plus profonde que nous l’avions nous-mêmes prévu», j’ai du mal à ne pas penser à un équilibre de sous-emploi tel que Keynes le décrivait. Peut-être me trompé-je. Peut-être songes tu à une debt deflation à la Fisher ? Quoi qu’il en soit, au fond, ça ne change pas grand chose. Une situation où la récession ou la stagnation perdure, du fait d’opportunités de profit insuffisantes pour investir et embaucher ou cesser de se désendetter. Avec à la clé un chômage élevé.
Dans le même discours, tu veux conclure un « pacte de responsabilité » avec les entreprises. Si je résume, tu veux leur faciliter la vie pour qu’elles embauchent et soient sympas. Enfin, toi, tu dis ça comme ça :
« Il est fondé sur un principe simple: moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en même temps, une contrepartie: plus d’embauches et plus de dialogue social »
Tu sais, François, une entreprise n’embauche pas pour le plaisir de bénéficier de réductions de charges ou de facilités administratives. Oh, oui, dans certains contextes, c’est une excellente idée de faire cela. En effet, lorsqu’il existe des opportunités de profit, réduire les coûts est une façon d’accroître le rendement des investissements et peut stimuler l’activité en faisant passer certains projets de « bof » à « ok ». Mais quand ce n’est pas le cas, c’est juste inutile. Ou, au mieux, démesurément coûteux pour les finances publiques. Bref, si on reste sur l’idée que cette récession est profonde et a fermement perturbé les esprits animaux de nos entrepreneurs (ce que tu sembles suggérer), tu ne peux pas sérieusement attendre des entreprises qu’elles s’engagent dans ton pacte. Ça ne tient pas la route.
Dans le même temps, je veux bien te concéder que les voies de la « confiance retrouvée » sont parfois impénétrables et qu’en tant que socialiste qui vient de passer un an et demi à se forger involontairement une image de « Père l’impôt », envoyer ce genre de signal peut avoir un intérêt. Après tout, comme le notait Dani Rodrik au sujet de l’Inde des années 1980, parler gentiment aux entrepreneurs sans leur donner grand chose de spectaculaire peut les rasséréner. Ces gens ont aussi besoin qu’on leur dise qu’on les aime. Mais, entre nous, je doute que ce soit suffisant. Tu me diras, tu vas réduire les charges, leur faciliter la vie et… réduire la dépense publique. Admettons. Tu ne nous dis pas quelles dépenses, te contentant d’asséner : « Nous devons faire des économies partout où elles sont possibles ». Oh, ok… Voilà qui va rebooster les chefs d’entreprise (qui n’entendent pas cela depuis des années…). Dans le même temps, tu vas énerver tout un tas de gens qui considèrent soit que baisser les dépenses publiques dans la période actuelle est douteux, soit que baisser les dépenses publiques est mauvais pour… eux (ou leurs principes généraux).
Très bon sauf le point sur L’ANI qui semble être un accord très déséquilibré et trop en faveur des entreprises au détriment des salariés.
Il a le mérite d’exister. A voir ensuite…
Juste pour vous souhaiter une bonne et heureuse année à tous les deux.
PS : Très joli le nouveau site. Quelque peu sud-coréen… Mais très joli