Le grand gaspillage
Jacques Marseille (2002) ▼
Voici un livre qui évoque un sujet très rebattu, celui des finances publiques et des gaspillages qui en découlent. Exercice périlleux par excellence : Le plus souvent, ce genre de livre donne un résultat combien ça coûte horripilant didéologie beauf, et de libéralisme de comptoir tendance on paie vraiment trop dimpôts dans ce pays, et faut voir ce quon fait de notre pognon, ah moi jte dis faudrait privatiser tout ça.
Et sil ne fallait retenir quun mérite à ce livre de J. Marseille, cest bien celui-ci : avoir réussi à éviter cet écueil. Inutile de rechercher dans ce livre une quelconque glorification du privé qui marche mieux, une idéologie tendance lEtat doit fonctionner comme une entreprise. Marseille ne se présente pas comme un fossoyeur du service public, mais veut seulement que ce que lEtat fait (et il ne remet pas en cause la légitimité de laction publique) soit fait dans lintérêt des citoyens de façon efficace. Inutile également de rechercher dans ce livre une dénonciation dun quelconque camp politique qui aux affaires aurait conduit le pays à la ruine : droite et gauche au pouvoir sont à égalité dans la médiocre gestion des deniers publics.
Le livre se concentre sur la dernière décennie qui a été marquée par un simple fait, constat de départ de lauteur : au début de la décennie la part de la dépense publique dans le PIB en France était denviron 49% contre une moyenne européenne denviron 48%; 10 ans plus tard cette part est passée à 51% en France contre 43% en moyenne européenne. En dautres termes, si la France avait fait le même effort de réduction de dépense publique que ses voisins, celle-ci serait réduite dune bonne centaine de milliards deuros. Doù vient ce supplément de dépenses? A-t-il servi à améliorer les services publics ou na til été quun gaspillage? Selon lauteur, la réponse est simple : cet argent a tout bonnement été gaspillé en pure perte.
Il passe alors en revue les divers secteurs de lintervention publique, pour constater à chaque fois le même cocktail : aucun contrôle de la dépense, impossibilité pour le parlement ou les politiques de savoir à quoi sert largent dépensé et sil est utilisé utilement, et dépenses irraisonnées et inefficaces. Que ce soit en matière culturelle, le système de santé, le système éducatif, les fonctions régaliennes de lEtat, les entreprises publiques, les collectivités locales, les aides à lemploi, partout il serait possible de faire mieux pour moins cher. De largent est dépensé en pure perte, alors même que de nombreux secteurs de laction publique crient misère. N. Baverez constate régulièrement que la décennie 90 aura été en France celle de laffaiblissement radical de lEtat régalien au profit de lEtat-providence : Marseille apporte les données illustrant ce propos tristement réaliste et préoccupant. Car lEtat providence tel quil a été amplifié dans cette période na en plus pas la moindre efficacité.
Il ny a rien dextraordinaire dans ce que Marseille constate : il ne fait que compiler les rapports de la Cour des Comptes des 10 dernières années, ainsi que les résultats de quelques commissions parlementaires, menées dailleurs par des parlementaires socialistes. Leffet de ce résumé compilé est simplement effroyable. Le lecteur ne peut quêtre indigné à chaque page, au point même quà la fin du livre, on a de la peine à sindigner encore, une sorte de résignation effarée remplaçant le choc initial. On ressort de ce livre abasourdi et profondément choqué par ce quon y découvre.
Le choc initial passé, il est temps quand même démettre des reproches envers ce livre. Celui-ci a un défaut majeur, celui davoir été écrit trop vite. On y relève des coquilles typographiques invraisemblablement nombreuses à lépoque des logiciels de traitement de texte à correction orthographique, ainsi (et cest plus gênant) que des coquilles dans les chiffres cités. On relève aussi le fait que lauteur, probablement pour appuyer sa thèse, a tendance à exagérer les chiffres et à ne pas tous les justifier ce qui est assez irritant et nuit finalement à lensemble : le même travail mené plus sérieusement, en prenant le soin de vérifier et de recouper les données, aurait donné le même résultat final de façon plus crédible.
Mais ces critiques sont plus des remarques de forme que de fond. Même en corrigeant les trop nombreuses erreurs de louvrage, le tableau quil fait du fonctionnement de lEtat et de sa situation financière est suffisamment éloquent pour être apprécié comme tel. Et la conclusion de louvrage, défense de limpôt sur le revenu progressif, rappelle au lecteur que lobjectif de lauteur nétait pas de stigmatiser lEtat et la dépense publique. Bien au contraire, pour que les services publics continuent de fonctionner, ils se doivent de le faire de façon exemplaire, sans quoi les critiques qui souhaitent les démanteler auront bien vite la partie facile.
Et cest finalement cela lintérêt essentiel du livre : à tous ceux qui ne jurent que par lentreprise privée qui seule crée des richesses il napportera pas grand chose. Mais à tous ceux qui défendent les services publics, il rappelle que lefficacité est la condition de leur préservation et de leur légitimité. Et que cette efficacité a été bien malmenée pendant la dernière décennie.
Et sil ne fallait retenir quun mérite à ce livre de J. Marseille, cest bien celui-ci : avoir réussi à éviter cet écueil. Inutile de rechercher dans ce livre une quelconque glorification du privé qui marche mieux, une idéologie tendance lEtat doit fonctionner comme une entreprise. Marseille ne se présente pas comme un fossoyeur du service public, mais veut seulement que ce que lEtat fait (et il ne remet pas en cause la légitimité de laction publique) soit fait dans lintérêt des citoyens de façon efficace. Inutile également de rechercher dans ce livre une dénonciation dun quelconque camp politique qui aux affaires aurait conduit le pays à la ruine : droite et gauche au pouvoir sont à égalité dans la médiocre gestion des deniers publics.
Le livre se concentre sur la dernière décennie qui a été marquée par un simple fait, constat de départ de lauteur : au début de la décennie la part de la dépense publique dans le PIB en France était denviron 49% contre une moyenne européenne denviron 48%; 10 ans plus tard cette part est passée à 51% en France contre 43% en moyenne européenne. En dautres termes, si la France avait fait le même effort de réduction de dépense publique que ses voisins, celle-ci serait réduite dune bonne centaine de milliards deuros. Doù vient ce supplément de dépenses? A-t-il servi à améliorer les services publics ou na til été quun gaspillage? Selon lauteur, la réponse est simple : cet argent a tout bonnement été gaspillé en pure perte.
Il passe alors en revue les divers secteurs de lintervention publique, pour constater à chaque fois le même cocktail : aucun contrôle de la dépense, impossibilité pour le parlement ou les politiques de savoir à quoi sert largent dépensé et sil est utilisé utilement, et dépenses irraisonnées et inefficaces. Que ce soit en matière culturelle, le système de santé, le système éducatif, les fonctions régaliennes de lEtat, les entreprises publiques, les collectivités locales, les aides à lemploi, partout il serait possible de faire mieux pour moins cher. De largent est dépensé en pure perte, alors même que de nombreux secteurs de laction publique crient misère. N. Baverez constate régulièrement que la décennie 90 aura été en France celle de laffaiblissement radical de lEtat régalien au profit de lEtat-providence : Marseille apporte les données illustrant ce propos tristement réaliste et préoccupant. Car lEtat providence tel quil a été amplifié dans cette période na en plus pas la moindre efficacité.
Il ny a rien dextraordinaire dans ce que Marseille constate : il ne fait que compiler les rapports de la Cour des Comptes des 10 dernières années, ainsi que les résultats de quelques commissions parlementaires, menées dailleurs par des parlementaires socialistes. Leffet de ce résumé compilé est simplement effroyable. Le lecteur ne peut quêtre indigné à chaque page, au point même quà la fin du livre, on a de la peine à sindigner encore, une sorte de résignation effarée remplaçant le choc initial. On ressort de ce livre abasourdi et profondément choqué par ce quon y découvre.
Le choc initial passé, il est temps quand même démettre des reproches envers ce livre. Celui-ci a un défaut majeur, celui davoir été écrit trop vite. On y relève des coquilles typographiques invraisemblablement nombreuses à lépoque des logiciels de traitement de texte à correction orthographique, ainsi (et cest plus gênant) que des coquilles dans les chiffres cités. On relève aussi le fait que lauteur, probablement pour appuyer sa thèse, a tendance à exagérer les chiffres et à ne pas tous les justifier ce qui est assez irritant et nuit finalement à lensemble : le même travail mené plus sérieusement, en prenant le soin de vérifier et de recouper les données, aurait donné le même résultat final de façon plus crédible.
Mais ces critiques sont plus des remarques de forme que de fond. Même en corrigeant les trop nombreuses erreurs de louvrage, le tableau quil fait du fonctionnement de lEtat et de sa situation financière est suffisamment éloquent pour être apprécié comme tel. Et la conclusion de louvrage, défense de limpôt sur le revenu progressif, rappelle au lecteur que lobjectif de lauteur nétait pas de stigmatiser lEtat et la dépense publique. Bien au contraire, pour que les services publics continuent de fonctionner, ils se doivent de le faire de façon exemplaire, sans quoi les critiques qui souhaitent les démanteler auront bien vite la partie facile.
Et cest finalement cela lintérêt essentiel du livre : à tous ceux qui ne jurent que par lentreprise privée qui seule crée des richesses il napportera pas grand chose. Mais à tous ceux qui défendent les services publics, il rappelle que lefficacité est la condition de leur préservation et de leur légitimité. Et que cette efficacité a été bien malmenée pendant la dernière décennie.
▲ Jacques Marseille, Le grand gaspillage. , Plon, 2002 (19 €)