La nouvelle question sociale
Pierre Rosanvallon (1995) ▼
Je me permets de revenir sur un livre qui date un peu et qui est à la limite de l’économie. Il aurait pu sintituler «La crise de lEtat-providence – 15 ans après», en référence à un précédent ouvrage du même auteur (et puis aussi à un plus vieil auteur, fan de combats à lépée et de bijoux royaux). Dans ce petit livre (200 pages quand même), Rosanvallon prolonge son analyse des difficultés de lEtat providence. Une fois dépassé lhorizon de la crise financière, les soucis de la protection sociale savèrent plus profonds. Cest ce quexplique Rosanvallon. La crise de lEtat-providence sinterprète comme la crise dune régulation du social vieille dun siècle, la société assurancielle. Cétait une technique formidable. Imaginez donc ce système où chacun peut se protéger contre les risques sociaux, auxquels chacun est exposé de la même façon, aidé par son voisin et soutenant en même temps ce voisin en cas de pépins. Un système où la solidarité se fait au travers dun mécanisme juste, indiscutable, de droits issus dune contribution, même si plus ou moins de redistribution vient sy greffer sans que lon y trouve trop à redire quand on est riche. Oui, mais voilà, jai bien dit: «les risques sociaux, auxquels chacun est exposé de la même façon». Sauf que ce nest plus vraiment le cas. La médecine, génétique en particulier, est de plus en plus capable de lire lavenir des individus, décernant des espérances de vie différentes pour les uns et les autres. La dynamique individuelle de lexclusion est un phénomène largement déterministe: celui qui na pas de qualification, est au chômage depuis longtemps, souffre dune rupture des liens sociaux élémentaires tels que la famille ne présentent pas du tout les mêmes risques que celui qui
disons a tout linverse. Il est de plus en plus possible de distinguer des populations exposées différemment aux risques sociaux. Doù la question légitime dans un système dassurance: «Pourquoi devrais-je payer de la même façon que mon voisin pour massurer, alors quil est beaucoup plus exposé que moi?».
On doit donc réinventer le lien social, lessence de la solidarité. Avant de se demander comment, il est opportun de signaler que la distinction assurance-solidarité, si elle est bien pratique, peut savérer trompeuse, voire fallacieuse. Les deux sont liés. Définir une catégorie de risque, par exemple, cest déjà effectuer une redistribution. La solidarité est une valeur, lassurance une technique. Deux registres différents sont concernés. Lassurance peut servir la solidarité.
Rosanvallon aborde ensuite, les voies dune nouvelle solidarité. Pas de recette miracle, des possibilités examinées, des solutions écartées. Cest très intéressant, évidemment. Très varié, des problèmes de dépenses passives de lEtat à celui du revenu universel, en passant par lenjeu de la structure des prélèvements obligatoires, la question historique du droit au travail ou des paradoxes de lindemnisation de lexclusion.
On ne peut que recommander ce livre, qui est un classique au fond. Il est riche en références, langle dapproche est on ne peut plus large. La clarté dexpression est remarquable. Ceux qui attendent des solutions clé en main seront déçus. Il sagit essentiellement dun outil de réflexion, même si Rosanvallon nhésite pas à fermer des portes. Mais cest après les avoir ouvertes.
On doit donc réinventer le lien social, lessence de la solidarité. Avant de se demander comment, il est opportun de signaler que la distinction assurance-solidarité, si elle est bien pratique, peut savérer trompeuse, voire fallacieuse. Les deux sont liés. Définir une catégorie de risque, par exemple, cest déjà effectuer une redistribution. La solidarité est une valeur, lassurance une technique. Deux registres différents sont concernés. Lassurance peut servir la solidarité.
Rosanvallon aborde ensuite, les voies dune nouvelle solidarité. Pas de recette miracle, des possibilités examinées, des solutions écartées. Cest très intéressant, évidemment. Très varié, des problèmes de dépenses passives de lEtat à celui du revenu universel, en passant par lenjeu de la structure des prélèvements obligatoires, la question historique du droit au travail ou des paradoxes de lindemnisation de lexclusion.
On ne peut que recommander ce livre, qui est un classique au fond. Il est riche en références, langle dapproche est on ne peut plus large. La clarté dexpression est remarquable. Ceux qui attendent des solutions clé en main seront déçus. Il sagit essentiellement dun outil de réflexion, même si Rosanvallon nhésite pas à fermer des portes. Mais cest après les avoir ouvertes.