Améliorer les appariements sur le marché du travail
Alexandra Roulet (2018) ▼
La notion d’appariement (match en anglais) en économie, en économie du travail en particulier, est devenue un concept central de l’analyse économique. Simple à comprendre dans son principe, elle renvoie pour les économistes au modèle d’appariement de Mortensen et Pissarides qui est tout simplement le modèle de référence pour analyser le fonctionnement du marché du travail. C’est un modèle qui peine encore en France à dépasser une notoriété universitaire. Bien plus riche que les représentations usuelles du marché du travail, il faut reconnaître qu’un exposé global du modèle requiert un niveau technique assez élevé pour le quidam. De sorte que si de nombreuses analyses vulgarisées s’en inspirent plus ou moins, c’est toujours de façon partielle et, hélas, parfois peu rigoureuse. Ajoutons à cela que le modèle ne fait pas l’unanimité, dans la mesure où il est d’inspiration néoclassique. De sorte qu’il est la cible de ceux qui refusent une approche microéconomique du marché du travail ou qui considèrent qu’il a été pris en otage par les intégristes des réformes structurelles. C’est assez regrettable car, comme nous le verrons, il permet de traiter des questions qui n’ont en soi rien de néoclassiques et offre un cadre relativement simple et direct pour les étudier de façon empirique (mais, là encore, l’unanimité méthodologique n’existe pas).
Un appariement est la façon dont offre de travail et demande de travail se rencontrent. L’idée du modèle d’appariement est de dépasser l’idée que lorsqu’une entreprise cherche un emploi face à des chômeurs qui désirent en occuper un, il suffit de confronter des courbes d’offre et de demande assez simples et que l’existence de ces volontés initiales permettra la création d’un emploi d’un claquement de doigts. La création d’un emploi est le résultat d’un processus plus complexe, dans lequel les uns et les autres doivent acquérir et diffuser une information et prendre en compte des coûts et gains qui ne se limitent pas seulement au salaire (avec ou sans cotisations sociales). Les entreprises doivent par exemple subir des coûts fixes liés à la crétion d’un emploi, qu’il s’agisse des coûts de recherche d’un salarié (publication d’annonces, temps consacré aux entretiens, etc.) ou de fin de l’emploi (coûts de licenciement, par exemple), pour ne citer que deux catégories de coûts. Le travailleur, de son côté, recherche un emploi qui lui convienne dans diverses dimensions : goûts, localisation, salaire, etc. Chaque emploi qui lui est proposé le met devant un dilemme : le prendre ou attendre de trouver mieux. Il en va d’ailleurs de même pour l’entreprise, qui doit trouver le bon candidat. Dans tous les cas de figure, des problèmes d’information apparaissent et la question de la qualité de l’appariement se pose. Embaucher le mauvais candidat ou prendre un emploi trop rapidement conduit généralement à une rupture assez rapide de la relation de travail qui n’est souhaitée par personne et s’avèrera coûteuse pour tous. Ce que montre le modèle d’appariement est que les paramètres qui déterminent la qualité des appariements sont nombreux et que s’il est parfois possible de “traverser la rue pour trouver un emploi”, ce n’est pas forcément une bonne idée. Mais, lorsque les employeurs et les travailleurs ont du mal à se trouver, “demandeurs d’emploi et employeurs persévèrent dans leurs recherches jusqu’à dénicher ce qui leur convient. Tant qu’ils n’ont pas trouvé – et cela peut durer longtemps –, on observe simultanément du chômage et des emplois non pourvus. Sur les 3,2 millions d’offres déposées à Pôle emploi en 2017, 300 000 n’ont pas été pourvues, alors même que l’on comptait près de 3,5 millions de chômeurs sans emploi. Pour 150 000 de ces offres, les employeurs ont abandonné le projet de recrutement faute de candidats adéquats ; 97 000 autres ont été retirées, parce que le besoin ou le budget avaient disparu avant que le poste ne soit pourvu ; et 53 000 restaient à pourvoir l’année suivante.”.
C’est par l’approche empirique du phénomène d’appariement qu’Alexandra Roulet traite plusieurs problèmes importants du marché du travail : les décalages entre compétences des offreurs de travail et compétences recherchées par les firmes, la responsabilité de la mobilité géographique dans le niveau du chômage, le rôle joué par l’assurance chômage dans la persistance d’un chômage structurel élevé et la façon dont les travailleurs recherchent un emploi et dont les entreprises réalisent leur recrutement. Pour chacun, le livre s’appuie sur les travaux de référence, qu’ils soient français ou non et ambitionne de donner des jalons en matière de politique de l’emploi.
Dans le premier chapitre, Roulet donne des éclairages sur le sujet du chômage d’inadéquation, correspondant à une situation où les chômeurs n’ont pas les qualifications attendues par les entreprises. Elle part du constat commun d’une polarisation de l’emploi. Les entreprises demandent des compétences dans la réalisation de tâches non routinières, qu’elles soient très qualifiées ou, au contraire, peu qualifiées. Du côté des compétences dans la population active française, que constate-t-on ? L’enquête PIAAC de l’OCDE montre la faiblesse des compétences de base pour les moins qualifiés en France, quand on les compare aux non qualifiés des autres pays (y compris ceux de pays significativement moins développés, tels que la Pologne). L’auteure conclut qu’il existe une insuffisance globale de qualifications chez les travailleurs français, chez les chômeurs en particulier. “D’après l’enquête Emploi de l’Insee, 61 % des chômeurs en 2012 avaient un diplôme inférieur au baccalauréat. En particulier, 27 % des chômeurs s’étaient arrêtés au brevet des collèges, alors que ce n’était le cas que de 15 % des actifs occupés ; de même, 10,3 % des chômeurs n’étaient pas allés au-delà de l’école primaire, contre 5,9 % des actifs occupés.”. J’avoue ne pas avoir totalement saisi en quoi les blocs de cette partie s’emboîtent. Le lien entre polarisation, insuffisance de compétences et chômage n’est pas évident, puisque la polarisation peut s’accommoder d’un niveau de diplôme limité. Il me semble qu’il manque un maillon dans la démonstration.
Les politiques de formation peuvent-elles remédier à cette inadéquation ? En s’appuyant sur le travail de synthèse de David Card, Jochen Kluve et Andrea Weber, Alexandra Roulet conclue que la formation des chômeurs a un impact positif à moyen terme, plus spécifiquement pour les chômeurs de longue durée et les femmes. Ce dernier point s’expliquerait par le fait que “ces populations sont davantage enclines à se retirer du marché du travail lorsqu’elles ne trouvent pas d’emploi ; les formations, parce qu’elles apportent des perspectives, un rythme structuré et des compétences, réduisent la probabilité de telles décisions, parfois irréversibles.”. Elle note également que l’impact des formations est plus marqué en période de récession. Néanmoins, les données des études disponibles ne permettent pas de comparer les gains et les coûts des formations, donc leur efficacité réelle.
À l’inverse, dans un autre document synthétisant de nombreuses études, Bruno Crépon et Gérard Van den Berg (ce qui semble être une version en anglais de leur petit livre est disponible ici) concluent que les effets des formations sont en moyenne peu significatifs, même s’il existe une grande hétérogénéité entre les dispositifs ; selon le public visé. Par exemple, “les évaluations des grands programmes de formation américains destinés aux jeunes défavorisés (…) ont identifié des gains de revenu négligeables et inférieurs aux coûts pour les jeunes de moins de 20 ans, mais des résultats beaucoup plus positifs pour les plus de 20 ans.”. Former utilement serait affaire de ciblage.
Pour autant, le résultat peut-être le plus notable de l’étude des attentes des employeurs est qu’ils se soucient plus de compétences telles que la polyvalence ou la capacité d’adaptation que du niveau de diplôme.
Au final, le chapitre se montre sceptique sur la capacité des politiques de formation, au moins telles qu’elles existent, à apporter des réponses fortes au chômage.
Le deuxième chapitre s’intéresse à la dimension géographique des appariements. Y a-t-il du chômage parce que les emplois sont proposés là où ne sont pas les chômeurs ? Roulet distingue deux formes de mobilité des travailleurs. “On peut déménager pour prendre un emploi ou pour augmenter ses chances d’en retrouver un : on parle alors de mobilité entre zones d’emploi ou mobilité résidentielle. Mais on peut aussi accepter un temps de trajet plus long qu’on ne le souhaiterait idéalement. Il s’agit alors de mobilité au sein d’une zone d’emploi ou mobilité pendulaire.“.
Elle rappelle que la mobilité résidentielle est un mécanisme de résorption des inégalités régionales de chômage bien connu, ayant efficacement opéré pendant longtemps aux États-Unis. Pourtant, il est soumis à une contrainte : l’offre de logement doit pouvoir s’adapter à l’afflux de main d’œuvre (et empêcher ainsi une hausse des loyers), sans quoi la mobilité n’est pas rentable pour de nombreux travailleurs. De ce point de vue, les Américains ont vu leur mobilité entre zones d’emploi baisser depuis les années 1980, en raison d’une polarisation de ces zones (hauts loyers vs bas loyers). En Europe, la mobilité est restée stable, mais assez faible (sauf au Danemark et en Finlande). La France est dans une situation intermédiaire au sein de l’UE.
Sans changer de région, l’éloignement quotidien des lieux de création d’emplois peut-il expliquer un chômage supérieur, parce qu’on n’est pas au courant des opportunités existantes ou qu’on souhaite éviter des trajets quotidiens trop longs ? Les travaux sur le sujet semblent montrer qu’il existe bien une faible mobilité au sein d’une même zone d’emploi. Les travailleurs rechignent à se déplacer au delà d’un certain nombre de kilomètres (environ 10 ou 15km, chiffre variable et approximatif). Cependant, cette faible mobilité n’aurait pas un impact crucial sur le taux de chômage : “certes, les demandeurs d’emploi ont une forte préférence pour les postes proches de chez eux, mais comme, en moyenne, ils résident suffisamment près des offres d’emploi vacantes, cette aversion à la distance n’est finalement pas essentielle.”.
Pour la France plus spécifiquement, les travaux d’Étienne Wasmer montrent cependant que l’absence de mobilité géographique peut expliquer de 1 à 2,5 points de pourcentage de chômage ; ce qui n’est pas négligeable.
Pourrait-on agir sur la mobilité ? De quoi dépend elle ? Une expérience contrôlée et une enquête menées par l’auteure et Dylan Glover apportent des réponses. Contrairement à l’intuition, l’accès à un véhicule ou le fait d’occuper un logement social (difficile à remplacer ailleurs) n’a pas d’impact négatif sur la mobilité. Il en va de même pour ce qui est de l’accès à une aide à la mobilité (qui existe chez Pôle emploi). La connaissance des dispositifs existants ne change pas la mobilité (mais sont-ils assez généreux ?). Inversement, le statut de propriétaire de son logement réduit très fortement la mobilité. Pour autant, dans les pays où l’on a testé le lien entre propriété de son logement et chômage n’ont pas débouché sur une validation de l’hypothèse ; ce qui est contre-intuitif.
De son côté, l’éducation accroît fortement la mobilité. Alexandra Roulet relève ainsi que “pour une agglomération de résidence donnée, nos enquêtés diplômés du supérieur ont en moyenne 50 % de chances en plus d’être prêts à déménager pour un emploi, et également 50 % de chances en plus d’avoir eu un temps de trajet supérieur à 30 minutes dans leur dernier emploi, que nos enquêtés non diplômés du supérieur.”. Ce qui s’expliquerait de plusieurs manières : ” les plus éduqués ont peut-être plus d’informations sur les offres qui existent dans d’autres zones, plus de contacts et de liens sociaux dans des régions plus éloignées, ou encore une meilleure appréhension de la nature plus ou moins permanente de la montée du chômage éventuelle dans leur région. En ce qui concerne la mobilité pendulaire, les personnes qualifiées préfèrent sans doute accepter un emploi qui correspond davantage à leur formation, même s’il est plus éloigné de leur domicile, tandis que les emplois faiblement qualifiés sont plus aisément substituables.”.
Enfin, les femmes sont moins mobiles entre zones d’emploi ou au sein de la même zone d’emplois que les hommes, qu’elles aient ou non des enfants (même si cela les rend encore moins mobiles). Roulet estime qu’il n’y a pas encore d’explication solide à ce sujet.
En ce qui concerne les politiques publiques pouvant accroître la mobilité, l’auteure considère qu’il n’y a pas de moyen de la modifier radicalement, beaucoup de raisons à sa faiblesse étant liées à la propriété du logement et aux attaches relationnelles szq chômeurs, a priori non influençables. Elle suggère cependant de renforcer les dispositifs de garde d’enfant pour améliorer la mobilité des femmes.
Enfin, hors questions de mobilité, elle écarte les solutions de type “zones franches”, ciblées sur les zones d’emploi à fort chômage. Cela se justifie dans la mesure où les emplois peuvent être occupés in fine par des demandeurs d’emploi des zones d’emploi limitrophes, sans réduire le taux de chômage des habitants de la zone ciblée. L’expérience française des zones franches urbaines (ZFU) a pour sa part montré une tendance à la relocalisation des activités, sans créations nettes d’emplois.
Le troisième chapitre, d’une actualité (toujours) brulante, s’intéresse à l’impact des paramètres de l’assurance chômage sur les appariements et le chômage. Roulet rappelle les deux objectifs d’une assurance chômage : lisser les revenus des chômeurs et améliorer la qualité des appariements en permettant aux chômeurs de ne pas se précipiter sur le premier emploi venu (et réaliser un appariement hasardeux). Néanmoins, elle doit créer des incitations suffisantes pour que cette recherche prenne fin un jour.
La première question qui se pose est celle de la durée d’indemnisation. Les travaux sur le sujet, en Europe comme en France, montrent qu’un allongement de la durée d’indemnisation allonge le temps de retour à l’emploi : en France, Thomas Le Barbanchon a évalué qu’allonger de 8 mois la durée d’indemnisation allongerait de 1,5 mois le temps de retour à l’emploi ; un résultat conforme à ce que l’on constate ailleurs.
Mais est-ce qu’allonger la durée d’indemnisation améliore la qualité des appariements ? “Il se peut que le temps supplémentaire passé hors de l’emploi soit utilisé par les demandeurs d’emploi pour trouver une offre qui leur corresponde mieux, dans laquelle ils vont rester plus longtemps ou qui leur procurera un salaire plus élevé. Dans ce cas, même s’ils sont restés au chômage plus longtemps qu’avec une assurance chômage moins généreuse, cela n’est pas nécessairement plus coûteux pour la société.“. Les études sur le sujet donnent des résultats contrastés. Pour la France, l’étude de Le Barbanchon citée plus haut concluait à l’absence d’effet. Dans une publication de 2017, Roulet, Le Barbanchon et Rathelot vont dans le même sens. En analysant les questionnaires des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, ils montrent que l’indemnisation est sans effet sur le type de contrat recherché et sur le salaire minimum accepté pour occuper un emploi (salaire de réserve). Les chômeurs semblent chercher un emploi dont le salaire dépend uniquement du salaire de leur dernier poste, plus que des conditions d’indemnisation. Un résultat qui contredit la théorie, dans laquelle une hausse de l’indemnité de chômage devrait accroître le salaire de réserve, en rendant le chômage “moins pénible”. La conclusion de leur analyse est que l’assurance chômage en France est trop généreuse, en ce qui concerne la durée d’indemnisation. “En effet, l’on peut dire que l’assurance chômage est trop généreuse à partir du moment où son augmentation n’induit pas de bénéfice marginal tandis qu’elle induit un coût marginal, à savoir l’allongement de la durée de chômage précédemment décrit.”. L’auteure prend soin d’ajouter que ce résultat n’est valable qu’en période “normale”. En récession, une durée élevée d’indemnisation peut être une bonne option. Elle suggère que l’assurance chômage devienne contracyclique (comme c’est le cas aux États-Unis), c’est-à-dire qu’elle soit allongée en période de récession.
Le chapitre s’achève sur un plaidoyer pour une modulation des taux de cotisation pour les contrats courts (mesure envisagée par le gouvernement), reprenant une version spécifique de la proposition vieille de 15 ans de Blanchard et Tirole.
Le dernier chapitre appréhende les difficultés d’appariement selon un angle différent. Il s’agit de montrer en quoi les chômeurs comme les entreprises ont des stratégies de recherche perfectibles. L’auteure souligne pour commencer le coût d’un recrutement, en particulier pour les petites entreprises : “En 2017, poster une simple offre d’emploi sur Monster.com coûtait 855 euros pour 30 jours et 1 390 euros pour 60 jours. Il est également coûteux de faire une sélection parmi tous les candidats – lecture des CV, entretiens, etc.“. Par conséquent, “les coûts de recrutement peuvent amener les employeurs à se contenter d’un profil qui n’est pas parfaitement adapté au poste. Il se peut aussi qu’ils n’arrivent pas à pourvoir le poste faute de candidats adéquats ou qu’ils renoncent à se lancer dans un recrutement à cause des coûts anticipés.“. L’impact des dispositifs d’aide au recrutement de Pôle emploi est réel, mais pas pour tous les recrutements. Il semble que ce soit le cas lorsque les compétences existent. Cet aspect est intéressant. Dans les discussions de comptoir (et de plateaux télé) autour des emplois proposés non pourvus, la possibilité que les firmes ne disposent pas des compétences pour trouver les candidats adéquats n’est jamais mentionné, les explications qui s’appuient sur le refus de “traverser la rue” des chômeurs dominant les débats.
Mais les demandeurs d’emploi éprouvent aussi certaines difficultés dans la mise en œuvre de leur stratégie de recherche d’emploi. La première insuffisance consiste à largement sous-estimer le temps nécessaire pour retrouver un emploi. Ce qui conduit à une intensité insuffisante dans l’effort de recherche. Un autre problème réside dans le fait que chercher un emploi est un investissement : on fournit un effort aujourd’hui pour un rendement futur. Ce qui peut également réduire l’intensité de recherche d’un travail pour les chômeurs “impatients”. Ces éléments militent pour un accompagnement renforcé des chômeurs. Néanmoins, une recherche de référence en la matière montre que des effets d’éviction importants existent dans ces dispositifs : si la demande de travail est insuffisante, les chômeurs, accompagnés ou non, se battent pour les mêmes offres, en nombre limité. L’accompagnement ne génère pas de nouveaux emplois créés.
La suite du chapitre porte sur de nouvelles approches en matière d’amélioration des appariements. Une première piste réside dans l’usage du big data. L’idée est simplement d’utiliser les capacités des ordinateurs à générer des appariements grâce à l’exploitation de bases de données consignant les informations sur les caractéristiques des demandeurs et offreurs de travail. Les premières recherches dans cette optique montrent des possibilités significatives, y compris à partir d’algorithmes simples de signalement des offres ou candidatures pouvant correspondre au profil du demandeur ou de l’offreur. Cette simple procédure peut faire gagner énormément de temps et faire émerger des offres ou candidatures qui seraient sinon restées invisibles. Il semble par ailleurs que ces méthodes soient plus prolixes pour les emplois requérant des qualifications pointues et qu’elles permettent de générer de nouveaux appariements, plutôt que de les substituer à d’autres. Jusqu’ici, rien ne montre d’effets de discrimination liés à l’usage des algorithmes (un risque évident dans ce domaine). Les travaux sur le sujet restent encore rares mais sont amenés à se développer.
Une autre voie consiste à tirer des enseignements des travaux de psychologie et des sciences cognitives. Ils partent du principe que des biais psychologiques empêchent le demandeur d’emploi de sélectionner des offres qui lui correspondent. “Cela peut être dû à une mauvaise connaissance des réalités du marché du travail, mais aussi à une mauvaise perception de soi, qui empêche de construire un projet professionnel adapté.“. Il s’agit alors de faire en sorte que le demandeur d’emploi améliore sa capacité à faire ses propres choix professionnels. Une forme de thérapie comportementale appliquée à la recherche d’emploi, qui est la base du Conseil en évolution professionnelle (CEP) de Pôle emploi.
Le texte d’Alexandra Roulet est une revue de la littérature sélective dont on tirera certains enseignements. Il donne des pistes intéressantes, mais son ambition n’est pas de clore le débat. Et, de fait, son intérêt principal est de pointer les axes de travail et de survoler les problématiques retenues. Une place significative est faite aux travaux de l’auteure. Le lecteur non économiste en sortira un peu troublé, dans la mesure où les conclusions des différents développements restent le plus souvent en suspens. À vrai dire, même l’économiste est parfois dubitatif, avec le sentiment que le manque de place a poussé l’auteure à privilégier certaines recherches sur d’autres ou, plus vraisemblablement, que le manque de travaux disponibles sur certains sujets abordés laisse l’ensemble très inachevé.
En tous les cas, c’est une lecture utile pour qui s’intéresse aux problèmes d’appariement.
▲ Alexandra Roulet, Améliorer les appariements sur le marché du travail. , Presses de Sciences po, 2018 (9 €)