Note de lecture


Le low cost
Emmanuel Combe (2011)

low cost Le low cost, on en parle beaucoup. Mais force est de constater que c’est souvent dans Capital ou d’autres émissions aussi divertissantes que peu conceptualisées. Le livre d’Emmanuel Combe tombe donc à pic pour synthétiser ce que l’analyse économique peut avoir à raconter sur le sujet.
Il dissipe en premier lieu la confusion entre low cost et bas prix. Le low cost n’est pas synonyme de bas prix ou bas coûts. Comme le dit l’auteur, “Toute production à bas coûts ne saurait être assimilée à du low cost si elle ne s’accompagne pas d’une démarche de redéfinition du produit dans le sens d’une simplification”. “le low cost n’a pas le monopole du prix bas, comme en témoignent des pratiques telles que les promotions, rabais ou soldes. Qui plus est, le low cost n’est pas toujours synonyme de bas prix. Dans l’aérien, par exemple, les prix se révèlent très volatiles selon les dates de réservation/départ”. Le low cost repose sur la redéfinition des caractéristiques du produit pour n’en conserver que les fonctionnalités essentielles. Toute fonctionnalité ou service supplémentaire est facturé au client, mais à sa demande seulement.
La baisse – réelle – des coûts dans le low cost est due à la simplification de la conception, de la production et de la commercialisation du produit. Les prix peuvent alors suivre. Le modèle se boucle alors par une hausse des volumes vendus.
Le livre est centré essentiellement sur l’étude du low cost dans le secteur aérien. Il s’agit du secteur low cost le plus développé, donc celui sur lequel on dispose du plus d’éléments d’analyse. Combe décrit d’abord l’état du secteur, d’un point de vue géographique en soulignant le poids écrasant de l’Europe et de l’Amérique du Nord (75% du trafic).
L’auteur explique ensuite les bases d’un low cost aérien : des vols à partir d’aéroports non congestionnés, des vols sans correspondance, des services simplifiés et optionnels, la gestion d’une flotte standardisée pour réduire les coûts (un seul type d’avions pour optimiser la maintenance ou la gestion des équipages, des avions jeunes afin encore de réduire le coût de maintenance, etc.), des temps d’escale réduits ou encore un usage plus intensif des avions. Le tableau suivant résume les différences entre compagnies classiques et low cost.

La rentabilité du low cost repose, entre autres choses, mais essentiellement, sur un plus grand nombre de sièges, des rotations plus rapides, des taxes aéroportuaires plus faibles et de gros volumes de vente. Néanmoins, seuls les leaders sont véritablement rentables et pour le devenir, il faut entrer rapidement sur le marché et croître vite.
Combe poursuit ce chapitre en distinguant différentes formes de low cost, selon différents critères : compagnies globales vs de niche ; courts et moyens courriers vs longs courriers ; classe éco vs classe affaires ; low cost régulières vs mixtes (affrétant aussi des charters). Le chapitre se conclue sur la distinction entre un low cost pur (Ryanair) et un middle cost (Easy Jet), le second ayant pour trait principal de concurrencer les majors sur leurs lignes habituelles.

Le deuxième chapitre s’intéresse à l’effet sur les prix du low cost. Toutes précautions méthodologiques prises, il en resort que les prix sont effectivement plus bas sur les compagnies low cost, de l’ordre de 30%. Cet écart a deux conséquences : les voyageurs se reportent sur les compagnies low cost et le nombre de voyageurs croît. Le low cost accroît donc la demande de transport aérien. La suite du chapitre étudie l’évolution des prix dans le temps avant un départ. Elle montre que la loi de l’offre et de la demande n’est pas absente du fonctionnement du low cost et que les pratiques de discrimination tarifaire classiques sont utilisées (les clients les moins sensibles au prix – les professoinnels – paient plus chers car ils commandent plus tard… et sont prêts à payer plus cher).

Dans le chapitre 3, Combe étudie, toujours dans le transport aérien, l’effet du low cost sur la concurrence. Bien que positionnées différemment, les compagnies classiques sont plus ou moins touchées par la concurrence des low cost. En réaction, les compagnies historiques ont utilisé plusieurs stratégies : sortir des lignes concurrencées frontalement, partiquer des prix prédateurs pour éliminer la low cost, manier l’instrument juridique (sur les aides publiques, les redevances plus faibles accordées aux low cost opérant sur des terminaux simplifiés, le non reespect du droit du travail) ou s’adapter en différenciant leur offre, en réduisant leurs prix et leurs coûts ou en ouvrant elles-mêmes des filiales low cost. A l’inverse, l’auteur souligne le fait que la pénurie de créneaux aériens et une certaine inertie dans leur attribution annuelle protège encore en partie les compagnies historiques.

Le chapitre suivant s’intéresse aux autres formes de low cost. Dans l’alimentaire, d’abord, le hard discount met à disposition des clients un assortiment limité de produits de base, conforme à la simplification propre à toutes les formes de low cost. Les coûts sont rationnalisés sur le même mode d’intensification de l’usage des facteurs. En revanche, contrairement au transport aérien, Internet ne joue aucun rôle, les prix n’évoluent pas au cours du temps selon un planning particulier et les options sont absentes de l’offre. Dans les services et l’industrie, le low cost est encore plus secondaire. On le trouve dans la banque, l’hotellerie, l’assurance ou la téléphonie mobile. Dans l’industrie, ce sont l’automobile et l’immobilier qui développent une offre low cost, dont la marque automobile Dacia est emblématique. Les coûts de développement sont limités (nombreux composants utilisés sur des modèles précédents), design orienté vers les coûts (réduisant la complexité de fabrication et donc les coûts), des fonctionnalités minimales accompagnée d’options et une publicité réduite. Dans l’immobilier, ce sont des maisons standardisées (économies d’échelle) regroupées en lotissements permettant d’économiser sur les coûts d’infrastructures (voierie et autres réseaux) et commercialisées sur Internet.

Le cinquième chapitre porte sur la demande de low cost. Il existe bien un lien décroissant entre revenu et demande de low cost, alimentaire notamment. Mais la demande de low cost est de trois types différents : substitution (on remplace), d’induction (créée par l’offre et les prix bas) et de complémentarité (celle qui porte sur les caractéristiques essentielles plutôt que sur une variété plus riche).

Le dernier chapitre répond à un certain nombre de controverses autour du low cost. Emmanuel Combe porte un regard assez positif sur le low cost. Il relève que la qualité des biens ou services low cost n’est pas aussi faible qu’on ne le dit. Il y a souvent confusion entre qualité et richesse des fonctionnalités. La demande de low cost se porte sur des produits dont les caractéristiques jugées essentielles présentent un degré de qualité suffisant. La baisse de qualité perçue ou réelle est compensée par une baisse du prix rationnellement évaluée. Il souligne que certaines idées reçues ne résistent pas à l’épreuve des faits. Les vols low cost sont ainsi plus ponctuels en moyenne. Les indicateurs de sécurité des compagnies low cost ne montrent pas du tout un risque plus élevé à emprunter un vol low cost. En revanche, la qualité de l’information laisse davantage à désirer dans les structures low cost. En matière de qualité de l’emploi, il n’existe pas d’études pointues qui puissent montrer que le modèle du low cost induit en soi de plus faibles rémunérations et des conditions de travail moins bonnes, sauf à dire que la faible syndicalisation ou qualification du personnel est inhérente au low cost. Quant aux destructions d’emploi, la question doit être abordée comme tout problème de progrès technique. Le low cost détruit des emplois par un effet de substitution et par des méthodes économes en travail, mais suscite une demande nouvelle et libère des revenus qui peuvent se porter sur d’autres biens ou services.

Le low cost est un livre intéressant, documenté et assez exploratoire. Sa qualité première est de tenter de donner, à partir de données factuelles, une grille de lecture microéconomique qui éloigne des clichés et analyse la dynamique du marché plutôt que de se limiter à un décryptage des stratégies d’entreprise. Exploratoire, car l’analyse porte essentiellement sur le secteur aérien, ce qui témoigne d’un état des connaissances sur le sujet encore limité.

Stéphane Ménia
09/04/2011

Emmanuel Combe, Le low cost. , La découverte, 2011 (9,02 €)

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