Note de lecture


Les prix Nobel d’économie
Jean-Edouard Colliard & Emmeline Travers (2009)

De l’aveu même des auteurs, ce livre aurait pu s’appeler Sveriges Riskbanks Pris i Ekonomisk Vetenskap till Alfred Nobels minne, ce qui signifie en suédois prix de sciences économiques de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel. Les gens normaux comprendront que le sobre choix de Les prix Nobel d’économie ait finalement été retenu, sans arrière-pensées visant à donner à l’économie le prestige d’une science aussi aboutie que celle de la paix, par exemple. Non, plus prosaïquement, pour Jean-Edouard Colliard et Emmeline Travers, animateurs entre autres choses du blog Ma femme est une économiste (mafeco pour faire plus court, décidément une habitude chez ces jeunes gens), «le but de cet ouvrage n’est ni de retracer la vie des lauréats sur un mode hagiographique, ni de célébrer leurs contributions, mais de tenter de rendre compréhensibles par le lecteur intéressé les principales idées des soixante-deux prix Nobel d’économie qui se sont succédé de 1969 à 2008, et de la manière la plus simple et la plus complète possible qui soit compatible avec un exposé bref et rigoureux.».

La question qui se pose d’emblée est de savoir si un livre sur le prix Nobel d’économie a un quelconque intérêt. Colliard et Travers résument très clairement le problème : au delà des discussions sur la légitimité Nobel du prix, il est le prix le plus important en économie. Il récompense des travaux jugés majeurs de la discipline et est reconnu par les économistes eux-mêmes. Partant de là, comme tout prix dans n’importe quel champ, il peut susciter des débats, des rancoeurs ou contestations, laisser certains indifférents ou presque, mais il importe.

Pour le lecteur intéressé par l’économie, l’étudiant en particulier, la liste de ses lauréats fait partie de la culture de base (même si cela peut avoir un côté crétin ; je me souviens m’être «amusé» à une époque à retenir les prix Nobel de 1969 aux années 1990. Bah… ça occupe dans le métro ou le bus).

Les prix Nobel étant récompensés en raison d’une contribution importante à la discipline, les connaître, c’est nécessairement s’ouvrir a minima sur ces contributions.

Pour autant, un livre sur le sujet n’a rien de très excitant. C’est usuellement une liste de résumés de quelques pages durant lesquelles s’enchaînent des explications laconiques. Indigeste au possible, mais utile. C’est un annuaire, plus qu’un roman.

De ce point de vue, le livre de Colliard et Travers est quelque peu différent. S’il présente bien un résumé satisfaisant des contributions de chaque nobélisé et des informations biographiques propres à resituer leurs travaux dans un contexte historique ou personnel, il fait l’effort du commentaire en arrière-plan, notamment par le biais d’un nombre fourni d’encadrés qui évoquent, par exemple, les absents du palmarès, la notoriété des lauréats auprès du grand public, la répartition des lauréats par pays et universités (avec une réflexion sur la réalité de l’accusation d’orthodoxie excessive faite par certains au jury), voire même les femmes des Nobel…

Excellente idée qui rend le parcours linéaire de l’ouvrage possible. D’autant que, vous l’aurez compris, ces encadrés sont autant d’occasions pour les auteurs de s’amuser et amuser le lecteur, tout en restant dans leur propos. Un autre avantage de l’ouvrage est, trivialement, d’être récent et d’inclure (à ce jour) tous les Nobel, jusqu’à Paul Krugman, récompensé en 2008.

Les textes sont très accessibles, faisant de l’ouvrage un outil pour tous, du lecteur amateur à celui plus directement concerné. Un livre qu’il fallait écrire. Et c’est fort bien fait.

Stéphane Ménia
06/05/2009

Jean-Edouard Colliard & Emmeline Travers, Les prix Nobel d’économie. , La découverte, 2009 (9,50 €)

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