Le pouvoir de la finance
André Orlean (1999) ▼
“C’est quoi ce titre tapageur ?!!”. C’est ce que je me suis dit en voyant le bouquin la première fois. Quoi ? Orléan, un monsieur très sérieux a priori, il choisit un titre pareil pour un de ses livres ? C’est bidon… En fait, ce n’est pas grave, pour deux raisons : d’abord, le bouquin est très bien. Ensuite, quand on l’a lu, on se dit que le titre est justifié. Avec cet ouvrage, Orléan fait une synthèse abordable, pour presque tout le monde, de ses travaux depuis plusieurs années.
Pour résumer un peu, “la théorie de l’efficience en finance, c’est n’importe quoi”. Les marchés financiers ne déterminent pas à chaque instant la valeur fondamentale d’un titre. On doit tenir compte de processus cognitifs différents. Sur un marché, ce qui compte n’est pas de savoir ce qu’une entreprise vaut vraiment à terme, mais de comprendre comment les autres participants au marché, tous ensemble, veulent donner une valeur au titre concerné. Si c’est une idée maintenant assez répandue chez ceux qui sont sortis de la logique benête du “Le marché, c’est un truc vraiment infaillible”, il n’en demeure pas moins qu’elle vaut le coup d’être rappelée, des décennies après que Keynes l’ait déjà abordée dans sa “Théorie générale”. Orléan s’appuie explicitement sur cette présentation de Keynes. Notamment, il met en évidence les deux logiques potentiellement à l’oeuvre chez un investisseur : celle de l'”entreprise” (qui correspond à une vision fondamentaliste, où la valeur du titre est l’expression des revenus futurs qu’engendrera le capital dans la production) et celle de la “spéculation” (qui correspond à une vision où les choix financiers sont faits dans le but d’obtenir un profit, de préférence rapide et important). Les acteurs des marchés financiers, tentés par la seconde logique, peuvent désirer créer autant d’opportunités de profit que possible. Ce qui passe par l’établissement de règles institutionnelles qui offrent la plus grande “liquidité” (grosso modo, on doit pouvoir acquérir et se débarasser d’un titre le plus rapidement possible). C’est là qu’on commence à parler de “pouvoir de la finance”. En mettant l’accent sur la liquidité, le marché souhaite s’engager dans une logique où la réalité du capital (une usine bien réelle, plantée à tel endroit) ne le concerne plus. La finance existe pour elle et par elle. Mais ce qui est valable pour un individu ne l’est pas pour le marché. Si on peut se débarasser d’un titre, il faut bien que ce titre aille quelque part (le petit bout d’usine que représente une action doit être refourgué à quelqu’un d’autre). C’est le “paradoxe de la liquidité”. Les conséquences de ce paradoxe sont exposées (elles sont embêtantes, puisque ce sont elles qui conduisent aux krachs).
Bon, et comment ça marche alors un marché financier ? Eh bien, c’est un grand jeu comportemental. Puisque les “fondamentaux” ne sont plus le guide de l’action des investisseurs, il faut comprendre comment le marché se comportera. Il n’y a plus de référence “objective” hors du marché lui-même. Il faut prévoir ce que feront les autres, pour être dans le bon tempo. Et comment fait-on ? Eh bien, souvent, on mime les autres, qui miment encore d’autres, qui eux-mêmes vous miment. Le marché crée sa propre référence, une convention. Si tout le monde s’est mis d’accord pour dire que les cours doivent monter, on achètera. S’il semble que ce ne soit plus une bonne idée, il est temps de commencer à vendre, histoire de ne pas se retrouver le dernier à le faire. C’est plus subtil que cela, mais c’est l’idée.
Le livre mêle aspects conceptuels et exemples empiriques. Et il est agréable à lire. Très didactique, Orléan n’hésite pas à se répéter un peu, mais cela facilite la lecture.
Pour résumer un peu, “la théorie de l’efficience en finance, c’est n’importe quoi”. Les marchés financiers ne déterminent pas à chaque instant la valeur fondamentale d’un titre. On doit tenir compte de processus cognitifs différents. Sur un marché, ce qui compte n’est pas de savoir ce qu’une entreprise vaut vraiment à terme, mais de comprendre comment les autres participants au marché, tous ensemble, veulent donner une valeur au titre concerné. Si c’est une idée maintenant assez répandue chez ceux qui sont sortis de la logique benête du “Le marché, c’est un truc vraiment infaillible”, il n’en demeure pas moins qu’elle vaut le coup d’être rappelée, des décennies après que Keynes l’ait déjà abordée dans sa “Théorie générale”. Orléan s’appuie explicitement sur cette présentation de Keynes. Notamment, il met en évidence les deux logiques potentiellement à l’oeuvre chez un investisseur : celle de l'”entreprise” (qui correspond à une vision fondamentaliste, où la valeur du titre est l’expression des revenus futurs qu’engendrera le capital dans la production) et celle de la “spéculation” (qui correspond à une vision où les choix financiers sont faits dans le but d’obtenir un profit, de préférence rapide et important). Les acteurs des marchés financiers, tentés par la seconde logique, peuvent désirer créer autant d’opportunités de profit que possible. Ce qui passe par l’établissement de règles institutionnelles qui offrent la plus grande “liquidité” (grosso modo, on doit pouvoir acquérir et se débarasser d’un titre le plus rapidement possible). C’est là qu’on commence à parler de “pouvoir de la finance”. En mettant l’accent sur la liquidité, le marché souhaite s’engager dans une logique où la réalité du capital (une usine bien réelle, plantée à tel endroit) ne le concerne plus. La finance existe pour elle et par elle. Mais ce qui est valable pour un individu ne l’est pas pour le marché. Si on peut se débarasser d’un titre, il faut bien que ce titre aille quelque part (le petit bout d’usine que représente une action doit être refourgué à quelqu’un d’autre). C’est le “paradoxe de la liquidité”. Les conséquences de ce paradoxe sont exposées (elles sont embêtantes, puisque ce sont elles qui conduisent aux krachs).
Bon, et comment ça marche alors un marché financier ? Eh bien, c’est un grand jeu comportemental. Puisque les “fondamentaux” ne sont plus le guide de l’action des investisseurs, il faut comprendre comment le marché se comportera. Il n’y a plus de référence “objective” hors du marché lui-même. Il faut prévoir ce que feront les autres, pour être dans le bon tempo. Et comment fait-on ? Eh bien, souvent, on mime les autres, qui miment encore d’autres, qui eux-mêmes vous miment. Le marché crée sa propre référence, une convention. Si tout le monde s’est mis d’accord pour dire que les cours doivent monter, on achètera. S’il semble que ce ne soit plus une bonne idée, il est temps de commencer à vendre, histoire de ne pas se retrouver le dernier à le faire. C’est plus subtil que cela, mais c’est l’idée.
Le livre mêle aspects conceptuels et exemples empiriques. Et il est agréable à lire. Très didactique, Orléan n’hésite pas à se répéter un peu, mais cela facilite la lecture.
▲ André Orlean, Le pouvoir de la finance. , Odile Jacob, 1999 (21 €)