Économie de la propriété intellectuelle
F.Lévêque & Y. Menière (2003) ▼
La rédaction d’un digest sur le thème de la propriété intellectuelle, vue avec l’œil de l’économiste, est une initiative louable qui s’inscrit très logiquement dans la démarche de la collection Repères de La découverte. Quand on parcourt les textes de synthèse sur la question, on constate qu’assez fréquemment, les auteurs s’en tiennent à un aspect du sujet : untel se concentre sur l’économie du brevet, un autre sur le droit d’auteurs, un autre encore sur la logique des marques. Ici, les auteurs s’intéressent aux brevets et aux droits d’auteur. Ce qui est déjà bien et répond de toute façon à un partitionnement méthodologique délibéré (les outils de l’analyse économique utilisés dans le cas des marques n’est pas le même).
Les auteurs préviennent également d’emblée que la part de l’ouvrage consacrée au brevet sera plus importante, en raison d’une plus grande profusion de travaux sur ce thème. Ils optent également pour un fil rouge spécifique : l’impact positif du droit de la propriété dans l’accroissement des échanges et la division du travail que le caractère cessible du droit de propriété rend possible.
Un chapitre d’introduction qui pose les bases de l’économie du droit de la propriété intellectuelle est destiné à rappeler des notions très variées mais essentielles pour appréhender la suite de l’ouvrage. Pèle mêle et sans être exhaustif : information comme bien économique, le concept de brevet et ses alternatives (le secret par exemple), coûts de transaction, équilibre entre incitation et diffusion pour l’usage, etc.
Le deuxième chapitre s’interroge sur les liens entre brevet et efficacité. Après avoir rappelé que le problème d’un système de brevet optimal est de concilier au mieux les gains privés (pour inciter à innover) et sociaux (pour faire en sorte que chaque innovation soit le plus diffusée), une question est au centre de la réflexion : quelle combinaison de caractéristiques un bon brevet doit-il posséder ? Dans quelle mesure, doit-il être long (durer longtemps), large (grosso modo, porter sur des applications nombreuses), profond (s’étendre aux découvertes qu’il rend cumulativement possibles) ? Chaque degré accordé à ces caractéristiques aura une influence sur l’efficacité du dispositif de protection intellectuelle. Un dosage optimal est nécessaire. Hélas, d’un point de vue opérationnel, il est fort complexe. Et si la théorie économique contemporaine donne des indications, c’est bien souvent plus pour enrichir le débat que pour le régler.
Le chapitre suivant est consacré à l’économie politique du brevet. Il décrit l’évolution de la protection intellectuelle en Europe et aux Etats Unis. Il en ressort quelques observations importantes : la tendance est à un renforcement de la protection des idées par le brevet, autant par son extension à des domaines nouveaux (logiciels ou domaine du vivant – via la brevetabilité des méthodes de génétique par exemple), que par le renforcement des droits existants (jurisprudence plus favorable aux propriétaires, allongement de la durée de protection) ; explosion du nombre de brevets déposés (même s’il s’agit finalement d’une protection relativement peu prisée par les inventeurs, qui lui préfèrent autant que possible le secret) ; incertitude quant au lien effectif entre les incitations supposées et réelles suscitées par le système de brevets ; carences institutionnelles dans la gestion des demandes de brevets (les auteurs pointent du doigt un système d’incitations dans les offices de brevet – notamment aux Etats Unis – favorisant l’acceptation des demandes sans examen approfondi).
Le quatrième chapitre est une analyse du système de droits d’auteur. Après avoir brièvement analysé le problème du piratage des oeuvres (à savoir les conditions dans lesquelles une oeuvre a le plus de chances d’être illégalement reproduite), les auteurs montrent l’importance des contrats de cession des droits (au travers par exemple des contrats d’édition).
Le cinquième et dernier chapitre s’interroge sur les liens entretenus par le droit de la propriété intellectuelle et celui de la concurrence. Après avoir signalé que le principe qui voudrait que le premier ne se préoccupe que d’efficacité dynamique et le second d’efficacité statique ne restitue pas la réalité du fonctionnement de ces deux droits, ils critiquent une conception de leur complémentarité qui verraient les autorités de la concurrence comme une institution chargée, entre autre, de corriger ex post les insuffisances de la législation sur la propriété intellectuelle (qui intervient, elle, ex ante dans le jeu concurrentiel). Un développement spécifique est consacré ensuite à l’impact des accords de licence sur l’efficacité statique, en fonction des structures de marché et du pouvoir de monopole des différents protagonistes à l’accord.
La conclusion de l’ouvrage rappelle, au travers d’une citation de Machlup, en 1960, que la pertinence du droit de la propriété intellectuelle reste aussi douteuse que le projet de s’en passer tout simplement.
La rédaction du texte est satisfaisante. On comprend assez facilement les mécanismes présentés. Mais ils n’ont pas réussi le pari d’une structure qui coule de source. Que ce soit au niveau du découpage en chapitre ou à l’intérieur des chapitres. Ainsi, le chapitre 5 apparaît un peu comme un cheveu sur la soupe. Si l’intérêt d’une confrontation de la politique de la concurrence et du système de droits de la propriété intellectuelle est indéniable, on ne voit pas nécessairement comment il s’insère dans la progression du livre. Plus qu’un chapitre à part entière, il semble alors s’apparenter à une intéressante et volumineuse annexe. Néanmoins, à l’intérieur même de cette partie, on ne perçoit pas spontanément ce que les (relativement longs) développements sur la mécanique concurrentielle des contrats de licence viennent faire au milieu du chapitre, si ce n’est pour attirer l’intérêt du lecteur sur l’aspect transactionnel des droits de propriété intellectuelle. Au total, le livre est donc un patchwork un peu ordonné dont on extraira aisément des informations utiles, mais qui nécessite un certain travail de synthèse personnel pour le lecteur.
A bien y réfléchir, la tâche n’était pas aisée, reconnaissons-le. Notons pour finir la présence d’encarts illustrant le texte par des exemples assez parlants.
Les auteurs préviennent également d’emblée que la part de l’ouvrage consacrée au brevet sera plus importante, en raison d’une plus grande profusion de travaux sur ce thème. Ils optent également pour un fil rouge spécifique : l’impact positif du droit de la propriété dans l’accroissement des échanges et la division du travail que le caractère cessible du droit de propriété rend possible.
Un chapitre d’introduction qui pose les bases de l’économie du droit de la propriété intellectuelle est destiné à rappeler des notions très variées mais essentielles pour appréhender la suite de l’ouvrage. Pèle mêle et sans être exhaustif : information comme bien économique, le concept de brevet et ses alternatives (le secret par exemple), coûts de transaction, équilibre entre incitation et diffusion pour l’usage, etc.
Le deuxième chapitre s’interroge sur les liens entre brevet et efficacité. Après avoir rappelé que le problème d’un système de brevet optimal est de concilier au mieux les gains privés (pour inciter à innover) et sociaux (pour faire en sorte que chaque innovation soit le plus diffusée), une question est au centre de la réflexion : quelle combinaison de caractéristiques un bon brevet doit-il posséder ? Dans quelle mesure, doit-il être long (durer longtemps), large (grosso modo, porter sur des applications nombreuses), profond (s’étendre aux découvertes qu’il rend cumulativement possibles) ? Chaque degré accordé à ces caractéristiques aura une influence sur l’efficacité du dispositif de protection intellectuelle. Un dosage optimal est nécessaire. Hélas, d’un point de vue opérationnel, il est fort complexe. Et si la théorie économique contemporaine donne des indications, c’est bien souvent plus pour enrichir le débat que pour le régler.
Le chapitre suivant est consacré à l’économie politique du brevet. Il décrit l’évolution de la protection intellectuelle en Europe et aux Etats Unis. Il en ressort quelques observations importantes : la tendance est à un renforcement de la protection des idées par le brevet, autant par son extension à des domaines nouveaux (logiciels ou domaine du vivant – via la brevetabilité des méthodes de génétique par exemple), que par le renforcement des droits existants (jurisprudence plus favorable aux propriétaires, allongement de la durée de protection) ; explosion du nombre de brevets déposés (même s’il s’agit finalement d’une protection relativement peu prisée par les inventeurs, qui lui préfèrent autant que possible le secret) ; incertitude quant au lien effectif entre les incitations supposées et réelles suscitées par le système de brevets ; carences institutionnelles dans la gestion des demandes de brevets (les auteurs pointent du doigt un système d’incitations dans les offices de brevet – notamment aux Etats Unis – favorisant l’acceptation des demandes sans examen approfondi).
Le quatrième chapitre est une analyse du système de droits d’auteur. Après avoir brièvement analysé le problème du piratage des oeuvres (à savoir les conditions dans lesquelles une oeuvre a le plus de chances d’être illégalement reproduite), les auteurs montrent l’importance des contrats de cession des droits (au travers par exemple des contrats d’édition).
Le cinquième et dernier chapitre s’interroge sur les liens entretenus par le droit de la propriété intellectuelle et celui de la concurrence. Après avoir signalé que le principe qui voudrait que le premier ne se préoccupe que d’efficacité dynamique et le second d’efficacité statique ne restitue pas la réalité du fonctionnement de ces deux droits, ils critiquent une conception de leur complémentarité qui verraient les autorités de la concurrence comme une institution chargée, entre autre, de corriger ex post les insuffisances de la législation sur la propriété intellectuelle (qui intervient, elle, ex ante dans le jeu concurrentiel). Un développement spécifique est consacré ensuite à l’impact des accords de licence sur l’efficacité statique, en fonction des structures de marché et du pouvoir de monopole des différents protagonistes à l’accord.
La conclusion de l’ouvrage rappelle, au travers d’une citation de Machlup, en 1960, que la pertinence du droit de la propriété intellectuelle reste aussi douteuse que le projet de s’en passer tout simplement.
La rédaction du texte est satisfaisante. On comprend assez facilement les mécanismes présentés. Mais ils n’ont pas réussi le pari d’une structure qui coule de source. Que ce soit au niveau du découpage en chapitre ou à l’intérieur des chapitres. Ainsi, le chapitre 5 apparaît un peu comme un cheveu sur la soupe. Si l’intérêt d’une confrontation de la politique de la concurrence et du système de droits de la propriété intellectuelle est indéniable, on ne voit pas nécessairement comment il s’insère dans la progression du livre. Plus qu’un chapitre à part entière, il semble alors s’apparenter à une intéressante et volumineuse annexe. Néanmoins, à l’intérieur même de cette partie, on ne perçoit pas spontanément ce que les (relativement longs) développements sur la mécanique concurrentielle des contrats de licence viennent faire au milieu du chapitre, si ce n’est pour attirer l’intérêt du lecteur sur l’aspect transactionnel des droits de propriété intellectuelle. Au total, le livre est donc un patchwork un peu ordonné dont on extraira aisément des informations utiles, mais qui nécessite un certain travail de synthèse personnel pour le lecteur.
A bien y réfléchir, la tâche n’était pas aisée, reconnaissons-le. Notons pour finir la présence d’encarts illustrant le texte par des exemples assez parlants.
▲ F.Lévêque & Y. Menière, Économie de la propriété intellectuelle. , La découverte, 2003 (7,55 €)