Qu’est-ce qu’un marché contestable ?
Rédacteur : Stéphane Ménia
Définition
La notion de marché contestable est due à Baumol W.J., Panzar J.C. et Willig R.D. (Contestable Markets and the Theory of Industry Structure, Harcourt Brace Jovanovitch Inc., New York, 1982).
«Marché contestable» est la traduction de «contestable market». On emploie parfois le terme de «marché disputable».
Un marché est dit (parfaitement) contestable s’il est possible d’entrer et de sortir de ce marché sans subir (aucun) de coûts irrécupérables (dépenses de publicité d’un nouveau venu, pertes en capital au delà de l’amortissement, à la revente du matériel).
Sur un tel marché, à la concurrence des entreprises en place, vient s’ajouter la concurrence des entrants potentiels. C’est la concurrence potentielle plus que la réelle qui est importante.
Fonctionnement
Les conséquences de cette structure de marché sur les comportements et les performances des firmes sont les suivantes :
– Élimination des profits excessifs : en situation de profits excessifs, un entrant peut fixer les prix à un niveau légèrement inférieur, faire des bénéfices et exclure du marché les entreprises en place, quitte à sortir rapidement du marché une fois que celles-ci auront ajusté leurs prix.
– Élimination des prix artificiellement bas : tout comme les prix excessivement hauts sont exclus, les stratégies de prédation dont l’objectif est d’éliminer la concurrence par des prix bas pour obtenir des profits élevés dans le futur quitte à subir des pertes à court terme est impossible. La possibilité d’entrer à tout moment sur le marché rend intenable une telle stratégie, puisqu’elle devrait être permanente pour éviter la concurrence potentielle. Or, si la concurrence n’est jamais éliminée, la prédation n’est pas viable.
– Élimination des gaspillages : si une firme a des coûts trop élevés par rapport aux coûts minimum que permettent les connaissances et les technologies, un entrant plus efficace peut en tirer un rapide avantage.
En fin de compte, sur un marché contestable, le prix se fixera au coût marginal, comme sur un marché de concurrence parfaite. Or, rien n’impose pour cela que les agents soient price-takers (ils n’ont pas à considérer le prix comme une donnée sur laquelle ils n’ont pas d’influence). Ce qui signifie qu’un marché contestable peut tout à fait être un monopole ou un oligopole sans que les résultats d’inefficience attachés à ce genre de structures de marché soient valables.
Limites du concept
La première est de taille : on ne connaît pas de marchés incontestablement… contestables. Certes, on a suspecté les marchés du frêt maritime, du transport aérien de voyageurs ou de la production d’aluminium, mais de manière erronée ou exagérée de l’avis des spécialistes.
Puisque les marchés contestables ne semblent pas exister naturellement, on peut penser alors que les autorités de la concurrence pourraient tenter de créer les conditions de la contestabilité sur certains marchés.
Il reste alors un problème largement irréductible. Si on sait qu’un marché parfaitement contestable a toutes les raisons de présenter les qualités énumérées au dessus, on ne sait pas si ce serait le cas d’un marché «presque» parfaitement contestable. Des auteurs ont défendu l’idée qu’un faible écart à la norme de contestabilité pouvait conduire à des écarts d’efficience conséquents.
Référence utile, souvent évoquée des autorités de la concurrence (notamment pour s’interroger sur le dilemme efficience statique vs efficience dynamique), la théorie des marchés contestables reste un modèle incomplet.