Que nous raconte Marx au sujet de la valeur ?
Rédacteur : Alexandre Delaigue
Marx distingue valeur d’usage (VU) et valeur d’échange (VA). La valeur d’usage représente les besoins satisfaits par un bien, son utilité. Ainsi un objet inutile n’aura pas de valeur. La VU est le support de la valeur d’échange qui correspond au prix relatif d’un bien, c’est à dire son prix en termes de l’autre bien (par exemple, 1 quarteron de froment = a kg de fer). Cherchant à expliquer la valeur d’échange, Marx considère que ce que tous les biens échangés ont en commun, c’est d’être des produits du travail, le travail est alors l’étalon de la valeur.
Se plaçant dans un cadre de valeur travail, Marx considère alors que les prix des marchandises sont déterminés directement par la quantité de travail nécessaire à leur élaboration “Comment mesurer la grandeur de valeur? Par la quantum de substance “créatrice de valeur” contenue en lui, du travail”. (le capital, livre 1).
Cette théorie est celle de Ricardo, dont le modèle est fondé sur une définition similaire de la valeur des marchandises. On peut critiquer cette conception, notamment le fait que la valeur d’usage présentée comme déterminant la valeur d’échange sort complètement du modèle marxien, au profit exclusif de la valeur travail. Ainsi l’analyse économique contemporaine considère que les valeurs sont déterminées par l’utilité d’un bien (ce que Marx aurait appelé valeur d’usage) et la contrainte de rareté de ce bien, ainsi que les conditions de fonctionnement du marché du bien (monopole, oligopole, etc.).
La valeur travail est un postulat du modèle marxien, tout comme la valeur-utilité est un postulat de l’analyse néoclassique. De ce point de vue chercher à en démontrer la vérité ou la fausseté serait sans objet. On peut cependant reprocher à Marx d’avoir appliqué la valeur-travail de façon excessive. C’est ainsi chez Marx la théorie de la valeur travail qui explique la formation des salaires le salaire étant un prix comme les autres dans son analyse, le salaire sera donc la quantité de travail nécessaire a la production (ou en la matière reproduction) de la force de travail. C’est à dire qu’il correspondra exactement à la quantité qui permet à l’ouvrier de ne pas mourir de faim et de se reproduire (pour que sa progéniture devienne la future force de travail). Or cette conception recèle une approximation logique. Si les biens sont effectivement produits à grande échelle à partir de travail, il n’existe pas d’usines fabriquant des ouvriers destinés à la production. considérer que le mode de détermination du prix des ouvriers procède du même mécanisme que le prix des marchandises est alors critiquable.
L’autre écueil de l’analyse marxienne de la valeur repose dans l’hypothèse de concurrence parfaite sur laquelle elle est assise. Marx voulait en effet s’éloigner des considérations des socialistes qui l’avaient précédé, pour lesquels la critique du capitalisme ne limitait à critiquer le pouvoir de monopole des entreprises. Ce qui laissait supposer que si la concurrence était accrue, les vices du capitalisme disparaîtraient… Marx souhaitait au contraire montrer que les défauts du capitalisme relevaient de sa nature profonde, qu’ils se manifesteraient aussi (et surtout) en situation concurrentielle. Le défaut de son analyse c’est de ce fait de considérer la concurrence parfaite comme l’état naturel du capitalisme (tout en reconnaissant ses tendances à la concentration), et d’établir un modèle uniquement applicable en concurrence parfaite. Car il va de soi que si les producteurs d’une marchandise détiennent un pouvoir de monopole, ils en feront hausser le prix au dessus de sa valeur-travail. De même un pouvoir de monopole de syndicats d’ouvriers ferait monter le salaire au dessus de sa valeur de subsistance. Marx ne nie pas ces éléments mais les considère comme secondaires. Or cette idée selon laquelle la concurrence parfaite est l’état naturel du capitalisme est éminemment douteuse, l’histoire de celui-ci n’étant faite que d’exceptions à cette règle.