Les accords régionaux : libéralisation ou protectionnisme ?
Rédacteur : Stéphane Ménia
L’importance des accords régionaux
Le nombre d’accords régionaux, c’est-à-dire non multilatéraux et négociés au sein de l’OMC, a fortement crû depuis les années 1980. L’OMC en recense 458 en 2018, contre 25 en 1990.
Ces accords impliquent soit deux pays (accords bilatéraux) ou plusieurs pays (UE, ALENA, ASEAN, AELE, Mercosur), soit un ou des blocs régionaux avec d’autres pays (UE et Canada).
Ces accords sont autorisés, sous condition, par l’OMC. Mais ils représentent a priori un contournement de cette institution.
Ils impliquent souvent, mais pas toujours et de moins en moins, des pays géographiquement proches.
Ils touchent de plus en plus souvent des thèmes non abordés ou solutionnés à l’OMC : investissement direct, normes de travail, normes environnementales, etc.
Les traités peuvent toucher des domaines plus ou moins larges (un ou quelques produits, jusqu’à la création d’une zone de libre échange ou d’un marché commun).
Les causes de leur expansion
Leur expansion s’explique par plusieurs éléments :
– Des causes exogènes, comme par exemple, la hausse du nombre de pays indépendants, suite à la chute de l’URSS. Les nouveaux pays concluent des accords commerciaux. L’extension de l’UE a également joué en ce sens ;
– Des causes endogènes : le développement et l’ouverture croissante au commerce des pays émergents et les difficultés des négociations au sein de l’OMC durant le cycle de Doha. D’autre part, les accords régionaux, par un « effet domino » tendent à attirer de nouveaux participants, qui souhaitent profiter des avantages avérés de certains accords (cas de l’UE).
Facteur de libre-échange ou de protectionnisme ?
Dans le processus d’ouverture des économies, on peut envisager les accords régionaux de deux façons.
Les accords régionaux comme élément d’un processus graduel vers le libre-échange
La première consiste à les voir comme une étape nécessaire vers plus de libre-échange au niveau mondial, lorsque les accords multilatéraux sont trop complexes à négocier dès le départ (du fait du grand nombre de parties à accorder). L’idée est que, par la suite, les accords se généraliseront, de nouveaux pays adhéreront, des accords entre blocs régionaux seront conclus, etc. Dans l’intervalle, les accords régionaux assurent que le libre-échange existe au moins à leur échelle. Exemple : durant les années 2000, la Corée du sud a conclu une douzaine d’accords qui ont ouvert 60% des marchés mondiaux à ses entreprises. L’UE en a signé une trentaine dans les années 1990 et 2000, qui ont ouvert 17% des marchés mondiaux à ses firmes.
De plus, les accords régionaux, lorsqu’ils lient des pays proches géographiquement, auraient une logique « naturelle » : ils valident une proximité géographique (coûts de transport), culturelle (goût des consommateurs), en matière de normes diverses (sanitaires, sociales). Les accords ne font qu’institutionnaliser une logique sous-jacente.
Les accords régionaux comme facteur de réduction de l’ouverture commerciale
Néanmoins, comme l’a montré Jacob Viner, dans les années 1960, les accords régionaux créent deux types d’effets sur le commerce international : un effet de création de commerce et un effet de détournement de commerce.
L’effet de création est lié à l’intensification des échanges dans la zone couverte par l’accord. L’accord crée des échanges qui n’existaient pas avant.
L’effet de détournement est lié au fait que l’accord rend plus difficile l’accès aux marchés de pays membres pour les pays non membres. En effet, puisque l’accord a pour effet les pays membres ont intérêt à commercer avec d’autres pays membres, ils se détournent des marchés mondiaux. L’accord a un effet équivalent à celui d’une politique protectionniste.
Toute la question est de savoir quel effet domine l’autre. Si l’effet de création de commerce domine, alors les accords régionaux sont un progrès en termes d’ouverture des échanges, ressemblant à un accord multilatéral. Dans le cas contraire, on assiste à une réduction du degré de libre-échange.
Pour évaluer l’effet des accords régionaux, d’autres éléments doivent être pris en compte. Par exemple, une fois constituée, une zone régionale peut se comporter, en tant que bloc commercial, comme un grand pays et adopter une politique commerciale de tarif optimal, un outil protectionniste, engendrant ainsi un risque de guerre commerciale.