La question et sa réponse

Comment expliquer les échanges internationaux intrabranches ?

Rédacteur : Stéphane Ménia

Le père Ricardo et ses amis nous disent que chaque pays se spécialise dans la production d’un bien particulier. Mais, quand on regarde autour de soi, on s’aperçoit bien que toutes les voitures qui roulent en France ne sont pas des Renault ou des Peugeot-Citroën. Et quand on va en Italie, tout le monde n’a pas fière allure au volant d’une Alfa Romeo ou d’un coupé Fiat. Certains italiens préfèrent visiblement les BMW ou même les Renault Clio. Comment expliquer cela ?

Les économies d’échelle permettent d’obtenir des gains à la spécialisation, même lorsque les économies sont identiques. En effet, en se spécialisant, les pays en profitent au maximum. Cela permet de réduire les coûts de production et de réduire les prix ou augmenter les profits ou les deux à la fois selon la politique de fixation des prix des entreprises, donc selon la concurrence. Un exemple ici.

Mais il y a un problème: la production de chaque bien n’engendre pas forcément les mêmes économies d’échelle. Le pays qui se spécialise dans la production du bien qui bénéficie du plus grand effet d’échelle sera plus gagnant que l’autre. Celui-ci peut même être perdant selon la façon dont se répartissent les gains à l’échange. Il faut une coordination entre pays minimale pour s’accorder sur qui produira quoi. Les économies d’échelle peuvent être internes ou externes. Cette approche permet d’expliquer la spécialisation lorsque les pays sont proches structurellement.

L’approche par les économies d’échelle peut également s’analyser spécifiquement en termes d’économies d’échelle internes (Brander et Krugman), donc de marchés oligopolistiques. Pour comprendre la logique, imaginons deux pays en autarcie. Dans chaque pays, dans il y a une firme qui produit le même bien en monopole. Quand on ouvre les frontières, le marché mondial de chaque bien devient un oligopole, puisque chaque pays (deux par exemple) a une entreprise qui produit le bien pour la demande mondiale. Les entreprises élaborent des stratégies pour obtenir les plus grandes parts de marché. Dans ce cas, plusieurs possibilités dans le partage du marché mondial sont possibles: soit une entreprise domine le marché, soit le marché est réparti plus ou moins égalitairement. Beaucoup de configurations sont possibles. Mais elles ont toutes en commun un échange croisé (intrabranche) du même produit: pour chaque pays, un même produit est vendu par la firme locale, mais aussi par ses concurrents. Si on suppose que les firmes locales ont un avantage quelconque (coût de transport par exemple), on peut imaginer que les entreprises vendent moins cher leur produit à l’étranger pour compenser ce désavantage. Toutes font la même chose.

Une autre façon d’expliquer les échanges intrabranches est de considérer que les entreprises produisent des biens différenciés (Chamberlin). Ces biens, qui appartiennent pourtant à une même catégorie générique de biens, offrent des services différents. Ils sont donc à la fois identiques et différents. Comme ils sont différents, chaque bien différencié définit un marché. Et sur ce marché, un seul producteur est en position de monopole. Pourtant, comme ils sont semblables à la base, ils se concurrencent. On parle donc de marché de concurrence monopolistique. Un producteur peut pratiquer un prix plus élevé pour son bien que ce que celui de son concurrent, mais pas trop. Ainsi, s’il existe une demande pour toutes les variétés d’un produit générique, alors il est possible pour chaque producteur d’une variété de réaliser des profits en vendant son produit. Au niveau international, le fait que chaque pays comprenne des producteurs de variétés différentes justifie l’échange international. Quant aux producteurs de différents pays qui produisent la même variété, à l’ouverture des échanges, des producteurs doivent disparaître. Ce qui restent font un nouvel effort de différenciation: le nombre de variétés croient encore. La différenciation des produits explique donc elle aussi les échanges intrabranches (Krugman, Lancaster).

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