La question et sa réponse

Comment les dépenses publiques d’infrastructure favorisent-elles la croissance ?

Rédacteur : Stéphane Ménia

Pour aborder cette question, le mieux est de se référer au modèle de Robert Barro de 1990, qui donne une idée assez intuitive sur la question.

Barro considère l’impact des dépenses publiques sur la croissance. Il part du principe relativement simple que des dépenses visant à créer des infrastructures telles qu’une autoroute, une ligne de chemin de fer ou encore un réseau de télécommunications rendent plus efficace l’activité productive des entreprises privées.

Cependant, il s’agit de biens plus ou moins publics. Dans son modèle, il considère que ce sont des biens publics purs (non rivaux, non exclusifs). Par suite, se pose le problème traditionnel de leur financement par le secteur privé. En présence d’un tel type de défaillance du marché, il peut très bien ne pas exister de marché du bien public. En tout cas, sa production sera insuffisante du point de vue de l’optimum social. La sphère privée ne peut se substituer au gouvernement pour le financer.

Les entreprises privées utilisent donc deux types de facteurs pour produire : le capital privé et le » capital public « .
Le capital privé a des propriétés usuelles : il connaît des rendements décroissants. A dépenses publiques constantes, sa productivité marginale décroît. On est dans le cas classique d’un modèle à la Solow où un seul facteur est accumulable et où la croissance s’étouffe.

Le capital public est en fait une dépense financée par l’État, mais il n’est pas nécessaire que les biens produits le soient à partir d’un capital productif nationalisé.
Les dépenses sont intégralement financées par un impôt, que l’on suppose proportionnel au revenu.

L’idée de Barro est que la dépense publique a deux effets opposés. Le premier est celui signalé précédemment : elle rend le capital privé plus productif et évite que sa productivité marginale s’annule progressivement quand le revenu augmente.
Cependant, l’impôt a un effet dépressif sur cette productivité, puisqu’il réduit son rendement privé en ôtant aux entreprises une part du revenu tiré de leur activité.

Pour Barro, on peut montrer que pour une petite taille du gouvernement (des dépenses publiques), le premier effet l’emportera. Puis, de moins en moins. Barro montre que l’on peut déterminer une dépense publique optimale. À ce point, un dollar de dépense publique supplémentaire coûte plus en productivité que ce qu’il rapporte.

Dans ce modèle, une croissance endogène apparaît. Les dépenses publiques permettent la croissance du revenu. La croissance du revenu permet l’accroissement de la base fiscale. Celle-ci induit une croissance des dépenses publiques qui à leur tour rendent possible l’accumulation du capital. Sur le sentier de croissance, le rapport de la dépense publique au revenu reste constant égal au taux d’imposition.

Barro fait quelques remarques sur la nature des dépenses publiques. Tout d’abord, il fait remarquer que, si les dépenses qui représentent une prestation de services aux consommateurs ont un impact en termes d’utilité, elles découragent la croissance. En effet, elles n’accroissent pas la productivité du capital privé, mais leur financement par l’impôt pèse sur la rentabilité du capital. Seul l’effet négatif joue au niveau des entreprises. L’imposition liée à ces dépenses décourage l’épargne et l’investissement.

Par ailleurs, Barro élargit son propos initial, limité aux infrastructures, en envisageant l’effet de dépenses destinées à définir plus clairement les droits de propriété. Il prend comme exemple les dépenses de maintien de l’ordre et de la sécurité. Il montre qu’elles ont le même effet qu’une baisse du taux d’imposition. De cette manière, elles améliorent la productivité du capital privé.

On peut remarquer pour terminer que la nature de la croissance liée aux dépenses publiques est effectivement une externalité. L’activité d’un agent (l’État en l’occurence) a des effets sur celle d’un autre agent (les entreprises privées). Pourtant, la fonction de production reste à rendements constants. Elle est de la forme : y = A.k(1-a)ga

Résumé : Quand l’État gère des biens publics qui entrent dans la fonction de production des entreprises privées, la dépense publique, qui peut être destinée à offrir des services d’infrastructures ou à définir plus strictement la structure des droits de propriété engendre une croissance endogène à taux constant. Ce que l’on peut reprocher au modèle de Barro est de ne s’intéresser qu’aux biens publics purs et de tomber ainsi sous les critiques usuelles au sujet de leur existence.

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