L’an dernier, dans deux billets (ici et là)j’avais émis quelques remarques sur l’idée de durcir les conditions d’obtention des droits pour les hauts revenus salariaux. On en était resté à l’idée qu’il se pourrait que les hauts salaires prolongent leur durée de recherche d’emploi, mais que réduire leurs droits n’étaient pas une bonne idée, dans la mesure où leur contribution nette restait encore positive et que déstabiliser cet équilibre était dangereux. Dans un billet récent sur classe éco, Alexandre signale opportunément quelles sont les bonnes caractéristiques d’un système d’allocation-chômage. Il nous rappelle implicitement que la question n’est pas uniquement affaire de justice sociale, comme on a tendance à le sous-entendre trop souvent. Un bon système d’assurance-chômage est un système juste et efficace dans les appariements sur le marché du travail. Ce second point, pourtant fondamental, est trop fréquemment mis au second plan, voire totalement tu dans les débats, au profit d’une approche socialisante et moralisante.
Je suis tombé, dans le numéro hors série d’Alternatives économiques (publié en collaboration avec l’OFCE), sur un article de Laurent Janneau qui se demande si les chômeurs français sont trop bien traités. L’article aborde la question des hauts revenus. Il confirme, en le chiffrant, ce que j’avais évoqué l’année dernière :
“Puisqu’il faut faire des économies, nous dit-on, autant s’attaquer aux allocations très élevées pour préserver les prestations de ceux qui en ont vraiment besoin. Le raisonnement peut sembler juste, sauf que ce n’est pas forcément un bon calcul : les chômeurs qui émargent à plus de 6 000 euros sont très peu nombreux et cotisent généralement plus qu’ils ne reçoivent.
En fait, seul 1 400 allocataires percevaient l’allocation maximale fin 20012 (soit 0,06% des bénéficiaires et 0,37% des dépenses d’allocation). Surtout, le haut niveau d’indemnisation est la contrepartie de cotisations importantes : en effet, la part maximale du salaire qui est prise en compte dans le calcul des cotisations chômage des cadres est élevée (quatre fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 12 344 euros). Via leurs cotisations, les cadres apportent donc des ressources substantielles au régime d’assurance chômage. Et comme ils sont beaucoup moins souvent au chômage que les autres salariés, ils contribuent beaucoup plus à l’assurance chômage qu’ils n’en bénéficient. Ainsi les salariés qui gagnent plus de 5 000 euros bruts par mois reçoivent environ 7% des indemnités de chômage mais assurent près de 20% des cotisations, selon l’OFCE. Si on remet en cause leur niveau d’indemnisation, ils risquent de vouloir sortir du système, qui s’en trouverait appauvri.”
En d’autres termes, à l’image d’une personnalité publique de premier plan souvent citée dans la presse people ces dernières semaines, vous pouvez “ne pas aimer les riches”, mais le meilleur moyen de le leur prouver, en matière d’assurance chômage, est de ne pas trop modifier le système en vigueur…
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>Si on remet en cause leur niveau d’indemnisation, ils risquent de vouloir sortir du système, qui s’en trouverait appauvri. »
Sauf que en theorie il sont pas cense pouvoir choisir d’en sortir..mais comme ils sont riches, on leur donne tous les droits de peur de…quoi ?….
De peur, par exemple, qu’ils se mettent à leur compte, installent leur boîte au Luxembourg et travaillent en France comme freelance (tout en occupant toujours le même poste).
C’est ce qui arrive déjà de plus en plus chez les freelance en informatique : en France, les indépendants sont obligés de cotiser à un système de retraire absolument honteux, qui coûte une blinde et verse des retraites très faibles par rapport aux cotisations. Les personnes qui se mettent à leur compte, même les moins enclines à l’optimisation fiscale, ont de plus en plus tendance à se domicilier au Luxembourg pour ne pas cotiser au système français, mais à une retraite privée par capitalisation qui leur offrira une retraite décente à cotisations égales.
Le système social français n’a jamais été une façon de prendre aux riches pour donner aux pauvres, le principe a toujours été “chacun participe selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins”. La réalité est qu’un cadre qui gagne 6000€ par mois ne peut pas vivre avec 1500€ de chômage ; comme tout le monde il a en général au moins 50% de son salaire qui part en frais fixes (et encore heureux d’ailleurs, sinon ça voudrait dire qu’il épargne 75% de son salaire et participe donc à la crise actuelle en ne consommant pas assez).
Donc si l’indemnisation du chômage des cadres est réduit au-delà du niveau actuel, ce n’est plus une assurance valable (à quoi bon cotiser si on est de toutes façons obliger de rapidement vendre sa maison si on perd son emploi ?). Autant ne pas avoir d’assurance, ou cotiser à une autre ; comme heureusement la France n’est pas encore Cuba c’est tout à fait possible, quitte à partir si nécessaire.
Il faut bien voir que ces “riches qui ont tous les droits” et qui gagnent un salaire de 5000€ brut/mois, ils ont surtout le droit de faire des boulots très productifs qui font de la France un pays riche, de toucher un salaire très inférieur à ce qui se pratique à l’étranger (un ingé français gagne moins qu’un technicien canadien) et de payer beaucoup d’impôts pour maintenir le système à flots. Contrairement à ce que vous croyez, les personnes fortunées qui réussissent à échapper à l’impôt ne touchent généralement pas de salaire, et leur revenu comporte deux zéros de plus…